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« Zhao
Yiman » : souvenir vivant d’une héroïne révolutionnaire
immortalisé par Sha Meng
par Brigitte
Duzan, 29 novembre 2013
« Zhao
Yiman » (《赵一曼》)
est le premier film réalisé par
Sha Meng (沙蒙)
au studio du Nord-Est. Sorti en 1950, il est
représentatif du cinéma chinois de cette année
charnière, tout en restant une œuvre unique, d’un
ton et d’une esthétique étonnants.
Zhao Yiman,
l’héroïne révolutionnaire du film
Le contexte
Le film
commence en 1933, dans la ville de Harbin. La ville
est alors occupée par les Japonais, qui l’ont
investie, avec le reste de la Mandchourie, à la
suite de « l’incident de Mukden » du 18 septembre
1931 (九一八事变)
(1). La défense de la ville a duré du 25 janvier au
4 février 1932, dans un froid sibérien de -30° qui
rendait les déplacements très difficiles, les
troupes chinoises mal équipées et mal formées
essuyant le feu des Japonais. |
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Zhao Yiman, l’image
emblématique du film |

Sha Meng |
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Après la
défaite du général Ding Chao (丁超),
et sa retraite le long de la Soungari, le gouverneur
de la province, le général Ma Zhanshan (马占山),
accepta les trois millions de dollars offerts par
les Japonais, et se soumit au nouveau gouvernement
du Manchukouo en conservant son poste de
gouverneur. Mais il utilisa l’argent pour armer en
secret de nouvelles troupes et se retourner contre
les Japonais. Il reprit son indépendance en avril
1932, à la tête d’une armée nommée « Armée de
sauvetage national anti-japonaise du nord-est ». Il
fut contraint de battre en retraite en Union
soviétique en décembre 1932, mais il continua la
résistance de là en lançant des opérations de
guérilla. (2)
En 1933,
quand commence le film, Harbin est donc une ville
occupée où les Japonais sont sur la défensive, dans
un climat délétère, et c’est ce qu’illustrent les
premières images. C’est |
dans ce cadre que
le film nous présente les opérations menées par un groupe de
clandestins envoyés là par le Parti communiste, dont Zhao
Yiman.
La carrière d’une
révolutionnaire
Le film reprend les grandes lignes d’une carrière de
révolutionnaire type, telle qu’on la connaissait en 1949, et
que la presse l’avait transmise.
Née en octobre 1905
dans une
famille de “propriétaires terriens féodaux”
à Yibin, dans le Sichuan (四川宜宾),
Zhao Yiman devient à l’âge de 19 ans, membre de la
Ligue socialiste des jeunes de Chine (中国社会主义青年团).
En février 1926, elle est élue présidente de l’Union
des femmes de Yibin (宜宾妇联常委会主席)
et, quelques mois plus tard, devient membre du Parti
communiste.
Lors du mouvement ouvrier et étudiant du 30 mai 1926
(五卅运动
wǔsà
yùndòng)
– mouvement anti-japonais déclenché après que des
policiers eurent ouvert le feu, dans la concession
internationale de Shanghai, sur des manifestants
ouvriers protestant contre la mort de l’un des
leurs, employé dans une usine japonaise – Zhao Yiman
participe aux manifestations, aux appels au boycott
des marchandises étrangères et aux grèves |
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Zhao Yiman |
En octobre 1926, le Parti l’envoie étudier à l’Ecole
militaire de Wuhan, une annexe de l’Ecole militaire de
Whampoa (ou Huangpu
黄埔军校),
fondée par Sun Yat-sen en 1924 près de Canton. Puis, en
septembre 1927, elle est envoyée en Union Soviétique
étudier à l’université Sun Yat-sen de Moscou, haut lieu de
formation des élites révolutionnaires, du Parti communiste
comme du Guomingdang, dans les années 1920. Elle revient à
Shanghai en 1930.
Après l’incident de Mukden, le 18 septembre 1931, elle est
envoyée dans le Nord-Est pour organiser la résistance
anti-japonaise. C’est alors qu’elle prend le nom de
Zhao Yiman, pour
éviter que son action porte préjudice à sa famille. A partir
de là, celle-ci perd sa trace. Et c’est là que le film
commence.
En octobre 1933,
Zhao Yiman est nommée secrétaire de l’Union syndicale des
travailleurs de Harbin. Quand l’Union est démantelée par les
Japonais, elle se retire à la campagne et occupe ensuite
divers postes dans les organisations locales du Parti.
En juillet 1934, elle est envoyée spéciale du Parti (特派员)
à Zhuhe (珠河),
aujourd’hui ville-district de Shangzhi (尚志),
dépendant administrativement de Harbin, pour y développer
les activités de guérilla anti-japonaise.
A l’automne 1935, elle est nommée commissaire politique du 2ème
régiment de la 3ème armée de l’Armée unie
anti-japonaise du Nord-Est (东北抗日联军第3军第1师第2团政委).
Lors de la retraite de la 3ème armée vers l’est
en novembre 1935, le 2ème régiment est laissé en
arrière le long de la voie ferrée pour couvrir la retraite
de l’armée ; il est encerclé par des troupes japonaises.
Zhao Yiman ordonne au commandant de faire une sortie pour
que la totalité du régiment ne soit pas anéantie, et reste
le couvrir avec quelques soldats. Grièvement blessée, elle
se réfugie dans une ferme, dans la montagne proche, pour
soigner ses blessures.

Illustration de bande
dessinée directement inspirée du film : la scène de
la torture
(traitée uniquement en ombres chinoises dans le
film, comme à gauche) |
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Les Japonais la trouvent quelques jours plus tard et
encerclent la ferme. Au cours du combat qui
s’ensuit,
Zhao Yiman
est blessée à nouveau ; ayant perdu beaucoup de
sang, elle perd connaissance et est faite
prisonnière par les Japonais. Elle est emprisonnée
et torturée pendant neuf mois, mais
|
sans lâcher aucune
information. Les Japonais la transfèrent alors dans un
hôpital en espérant qu’elle finirait par parler une fois
rétablie.
Dans l’hôpital, cependant, elle continue son travail
de résistance et gagne à sa cause le gardien et
l’infirmière qui la soigne. Tous deux l’aident à
s’échapper. Rattrapée par les Japonais, elle est
torturée de plus belle, mais toujours en vain.
Finalement, après avoir laissé un mot pour son fils
lui demandant de continuer la lutte, elle est
exécutée le 2 août 1936, à l’âge de 31 ans, en
entonnant le Chant du drapeau rouge et en criant « A
bas l’impérialisme japonais » et « Vive le Parti
communiste chinois ».
L’un des films les plus marquants de l’année 1950
Le contexte de l’année
« Zhao
Yiman » retrace la vie de cette héroïne
révolutionnaire, |
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Le mot laissé à son
fils avant de mourir |
morte en se
sacrifiant dans la guerre de résistance contre le Japon, en
montrant en même temps un exemple d’émancipation féminine
sous l’égide du Parti. C’est un thème similaire que reprend
un second film de la même année, « Liu Hulan » (刘胡兰),
jeune villageoise du Shanxi engagée en 1946, à l’âge de
quatorze ans, dans les rangs des maquisards locaux en lutte
contre le Guomingdang, et décapitée en janvier 1947 par
l’armée nationaliste qui avait envahi son village.
Ce sont deux
personnalités qui tranchent par rapport à l’autre type de
personnage féminin souvent représenté à la même époque,
celui représentant la transition entre le monde « féodal »
et la Chine nouvelle, dont « La fille aux cheveux blancs » (《白毛女》)
de Wang Bin et Shui Hua (王滨/水华)
est l’archétype le plus parfait : la femme opprimée par
l’ancienne société et sauvée par l’Armée rouge (3).
Les trois films
furent tournés au studio du
Nord-Est (futur
studio de Changchun),
grand studio du nouveau régime alors que subsistent par
ailleurs quelques studios privés (4). Mais
« La fille aux
cheveux blancs » conserve – en grande partie - le caractère
un peu féerique de la légende populaire dont le film est une
adaptation, après l’opéra créé à Yan’an. Rien de tout cela
dans les deux suivants : c’est le réalisme qui prime.
Le scénario

Yu Min jeune |
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Le scénario est signé Yu Min (于敏),
qui venait de se faire connaître pour son scénario
du film de Wang Bin (王滨)
« Le pont » (《桥》),
tourné en mai 1949, au studio du Nord-Est où Yu Min
était entré pendant l’hiver 1947 : c’est
le premier
film de la Chine nouvelle mettant en scène des
ouvriers (des ouvriers qui doivent réparer un pont
stratégique sur le Yangtse en 1947). Les ouvriers
étaient son sujet de prédilection, celui de la
dizaine de scénarios qu’il a écrit entre 1951 et
1961 (dont six ont été tournés), celui aussi de ses
nouvelles et essais. Paraphrasant la célèbre maxime
de Mao, sa devise était : « au service des
travailleurs » (“为工人服务”).
Une sorte d’affinité chez un jeune qui avait
dix-sept ans quand son père avait fait faillite et
qui avait donc été obligé d’arrêter ses études…
Il était arrivé en 1938 à Yan’an, à l’âge de 24 ans,
et avait fait |
partie, comme
Sha
Meng un peu plus tard, de la troupe de
théâtre expérimental de l’Institut Lu Xun, avant de se
retrouver avec lui au Studio du Nord-Est. Il faut
reconnaître que son scénario de « Zhao Yiman » est beaucoup
plus vivant que celui du « Pont », qui apparaît aujourd’hui
comme une œuvre un peu maladroite et obsolète. On peut juste
se demander quelle est la part de
Sha
Meng… car le film tient surtout à la
sensibilité de la mise en scène, de l’image et de
l’interprétation.
Un film imprégné d’une intense émotion
Après les
séquences initiales à Harbin présentant Zhao Yiman comme
figure de proue des réseaux clandestins communistes dans la
ville – avec une séquence convenue sur l’agitation en milieu
ouvrier, l’histoire se poursuit à la campagne, dans un
village où Zhao Yiman s’est réfugiée pour échapper aux
Japonais qui l’ont repérée. Le film change ici totalement :
intégrée dans la vie paysanne et y participant, populaire
parmi les villageois, et en particulier les femmes, Zhao
Yiman est montrée organisant activement la résistance
anti-japonaise en mobilisant jeunes et vieux.
Il y a dans ces
séquences à la campagne un sens de la nature, et de la vie
au village en symbiose avec elle, qui se traduit en images
empreintes d’une émotion sincère, soutenue par la musique –
des chants spontanés, a capella, autour d’un feu, comme on
peut s’imaginer les troupes de théâtre sillonnant les
villages de la Chine en guerre – et de très beaux chants que
l’on n’entendra plus dans les films postérieurs sur le même
sujet. L’utilisation de la musique est ici d’une profonde
justesse, jusqu’au silence, dans les scènes de guérilla dans
la campagne enneigée.
Comme les
séquences ultérieures formant la troisième partie du film,
montrant Zhao Yiman en combattante, puis incarcérée et
torturée, le ton n’est jamais forcé. Zhao Yiman apparaît
telle qu’elle était connue à l’époque, et telle qu’elle
apparaît dans la presse d’alors (comme le montre une
séquence du film) : une femme charismatique, capable
d’entraîner les gens par la force de son caractère autant
que de ses convictions, et laissant derrière elle, à sa
mort, un souvenir profond chez les gens qui l’avaient
rencontrée. Un souvenir vivant qu’ils ont transmis et que
transmet le film.
Car c’est sans
doute l’impression profonde qu’il laisse : non une image
reconstruite pour les besoins du Parti, mais un témoignage
qui reflète l’expérience intime, vécue au front, dans les
théâtres itinérants, par toute l’équipe du film, y compris
l’actrice principale.
Une superbe
interprétation
Comme les grands mélodrames, le film vaut en effet
par la qualité de son interprétation, et en
particulier celle de l’actrice principale,
Shi Lianxing (石联星).
Elle a commencé une carrière d’actrice en 1932, à
l’âge de 18 ans, en partant dans une troupe du
Soviet du Jiangxi à Ruijin. Elle a ensuite poursuivi
sa carrière en jouant des pièces patriotiques de
théâtre huaju dans une troupe fondée à Guilin
en 1940, avant de partir à Yan’an en 1945.
Elle avait déjà trente six ans et était devenue une
actrice de théâtre réputée quand, en 1950, elle fut
choisie pour le rôle de Zhao Yiman. Elle obtint le
prix de la meilleure interprétation féminine au 5ème
festival de Karlovy Vary ; c’était le premier prix
de ce genre remporté par un film de la Chine
nouvelle.
« Zhao
Yiman » reste donc un film exceptionnel de la
première année de la République populaire. Réalisé
par un cinéaste qui débutait au cinéma avec pour
toute expérience celle du |
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Shi Lianxing dans le
rôle de Zhao Yiman,
au début du film |
théâtre de guerre,
et, avant cela, quelques rôles au cinéma à Shanghai, il a à
la fois la fraîcheur et l’émotion des œuvres dictées par un
sentiment personnel, et une étonnante qualité esthétique et
technique.
On retrouvera la
même sensibilité dans les œuvres suivantes de Sha Meng, mais
1950 est une année charnière pour le cinéma chinois. Elle
est marquée par la loi sur le mariage, en avril, et la loi
sur la réforme agraire, en juin. L’atmosphère générale est
portée par une ardeur révolutionnaire qu’il s’agit
d’orienter vers la reconstruction du pays selon les
nouvelles normes du régime. Un plan pour le cinéma dicte les
sujets prioritaires à traiter, dont la glorification des
héros de la guerre contre le Japon, et de la lutte contre le
Guomingdang qui vient de s’achever, et l’émancipation
des femmes.
Dès l’année
suivante, le cinéma chinois va être enrôlé dans l’effort de
mobilisation du pays, et y perdra beaucoup de sa sincérité
initiale. Sha Meng est l’un des rares cinéastes qui
garderont un ton personnel et une approche réaliste.
Zhao Yiman, le film
(en chinois, non sous-titré)
Quant à Zhao Yiman, on n’en connaissait que peu de choses
quand le film a été écrit et réalisé. En 1949/1950, dans
l’impossibilité de remonter à ses antécédents du fait
qu’elle avait pris un nom d’emprunt, personne ne savait qui
elle était vraiment. Le film retrace donc l’histoire
tronquée d’une révolutionnaire pure, sans famille et sans
attaches, image idéalisée, mais humaine, qui va
malheureusement devenir caricaturale en se désincarnant par
la suite.
Ce n’est que quelques années plus tard que la femme est
apparue derrière l’héroïne et que journalistes et écrivains
se sont emparés de son étonnante histoire pour en combler
les trous et la mythifier.
La femme derrière l’héroïne révolutionnaire : la littérature
après le film
Zhao Yiman avait en fait d’abord été une jeune fille en
rébellion contre la tyrannie d’une famille traditionnelle
opposée à l’éducation des filles, et une militante
féministe. C’est cette première expérience qui lui avait
trempé le caractère et avait modelé ses premières
convictions.
Une rebelle féministe des années 1920
Zhao Yiman s’appelait en fait
Li Kuntai (李坤泰)
– ou Li Shuning (李淑宁)-
et était née, en 1905, dans une famille de
propriétaires terriens du village de
Baihuachang (白花场),
dans le district d’Yibin, dans le Sichuan (四川宜宾).
Li Kuntai reçut donc une éducation traditionnelle et
fut envoyée en 1913, à l’âge de huit ans, dans une
école privée à l’ancienne. Adolescente, elle
découvre soudain avec enthousiasme les idéaux du
mouvement du 4 mai, grâce au mari de sa sœur aîné,
Zheng Youzhi (郑佑之),
un militant des idées nouvelles.
C’est sous
son influence qu’elle entre en 1924 dans la Ligue de
la jeunesse socialiste de Chine (中国社会主义青年团).
Le 6 août, elle fait paraître un long article de
plus de trois mille caractères dans « L’hebdomadaire
des femmes » (《妇女周报》)
de la militante féministe Xiang Jingyu (向警予)
(5) : « Moi qui ai été privée par mon frère et sa
femme de mon droit à l’éducation »
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Xiang Jingyu |
(《被兄嫂剥夺了求学权利的我》).
Elle
s’y exprime en termes un peu conventionnels, mais spontanés
et significatifs, et le signe du nom de plume Yi Zhao
(一超)
qui
lui inspirera son nom de guerre :
“…到这一点的时候,我极想挺身起来,实行解放,自去读书。奈何家长哥哥专横,不承认我们女子是人,更不愿送我读书……请全世界的姊妹们和女权运动者,帮我设法,看我如何才能脱离这个地狱家庭,如何才能完全独立?”
...
en
ce moment précis, j’aspire à me dresser, me libérer, et
aller étudier. Mais que puis-je faire contre l’autorité
despotique de mon frère, le chef de famille ? Il ne
reconnaît pas que nous, les femmes, sommes des êtres
humains, et est encore moins disposé à m’envoyer faire des
études…. Je prie les femmes, mes sœurs, et les défenseurs
des droits des femmes, dans le monde entier, de m’aider à
trouver le moyen de me libérer de cette prison familiale ;
ce n’est qu’ainsi que je pourrai devenir pleinement
indépendante.
L’article
rencontra beaucoup d’échos parmi les groupes de jeunes
révolutionnaires. Quand, le 26 octobre 1925, la Ligue de la
jeunesse socialiste crée une antenne à Baihuachang,
Zhao Yiman
en devient secrétaire, et s’investit de plus en plus dans le
mouvement d’émancipation des femmes.
En février
1926, à 21 ans, elle réussit à s’échapper de chez
elle pour s’enfuir à Yibin, où elle se réfugie chez
la famille Zheng (郑家) ;
dans l’école privée de cette famille, elle suit des
cours de littérature et de mathématique, ce qui lui
permet d’entrer ensuite au collège de filles de
Yibin. Elle y répand les idées de lutte contre
l’oppression de la société « féodale » et fait
circuler « L’hebdomadaire des femmes » parmi ses
camarades. Son influence grandissant dans l’école,
elle est élue à la tête de l’association des élèves
et, finalement, devient présidente de l’Union des
femmes de Yibin (宜宾妇联常委会主席),
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Zhao Yiman et son mari
Chen Dabang |
puis, la même année, membre du Parti communiste. C’est le
début de sa formation de révolutionnaire.
Une révolutionnaire formée par le Parti

Zhao Yiman
photographiée avec son fils
à Shanghai en 1931 |
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En octobre 1926, le Parti l’envoie étudier à l’Ecole
militaire de Wuhan, puis, en septembre 1927, à
l’université Sun Yat-sen à Moscou. Elle y épouse son
camarade Chen Dabang
(陈达邦),
un ancien étudiant de Whampoa,
bien que les sources chinoises datent son mariage
d’avril 1928. On dit qu’elle
était enceinte de cinq mois quand elle revint en
Chine pendant l’hiver 1928.
Elle se lance aussitôt dans des activités
clandestines. En novembre, elle est envoyée à
Shanghai, puis, en décembre, à Yichang (宜昌),
dans l’ouest du
Hubei. C’est là qu’elle met au monde son fils,
qu’elle appelle Ning’er (宁儿),
le second Ning, elle-même ayant pour second prénom
Shuning (淑宁).
En 1930, elle revient à Shanghai avec son fils,
qu’elle confie à la sœur aînée de Chen Dabang, Chen
Yueyun (陈岳云).
C’est fin
1931, après l’incident de Mukden, qu’elle est
envoyée dans le Nord-Est pour organiser des réseaux
clandestins anti-japonais, et c’est alors qu’elle
change son nom. Cette mesure |
aura des
conséquences qu’elle n’avait pas prévues : sa famille perd
tout contact avec elle, et, quand elle meurt, personne ne
peut faire le rapprochement entre Zhao Yiman et Li Kuntai.
Retrouvailles
familiales
Son mari,
Chen
Dabang,
est
resté longtemps en Union soviétique où, après la
fermeture de l’université Sun Yat-sen, il créa une
imprimerie chinoise qui lui rapporta beaucoup
d’argent. Quand il revint en Chine, son fils,
Chen Yexian (陈掖贤),
avait déjà douze ans, avait été élevé par sa sœur à
Chongqing et ne le connaissait pas. En 1957, il
a
fait construire à Yibin un musée qui perpétue la
mémoire de Zhao Yiman.
A la fin des années 1950, il est devenu directeur de
la Banque nationale, responsable de l’impression des
billets de banque. Il s’est pendu au début de la
Révolution culturelle, en 1966. |
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Chen Dabang et son
fils à la fin des années 1950 |

Le mémorial de Zhao
Yiman à Yibin |
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Quant à Chen Yexian, il est sorti en 1955 de
l‘université du Peuple (人民大学),
a eu deux filles et s’est suicidé en 1982 à l’âge de
55 ans.
Après
1949, tous deux, avec la sœur de Zhao Yiman, Li
Kunjie (李坤杰),
ont recherché celle qu’ils connaissaient sous le nom
de Li Kuntai, ou sous son nom de plume Li Yizhao.
C’est un journaliste, en fait, qui, vers 1954,
réussit à faire le rapprochement avec Zhao Yiman, en
comparant des vieilles photos. |
Le mythe
Journalistes et écrivains s’emparent alors du sujet.
Le film avait mythifié la révolutionnaire, la
littérature y ajoute une empreinte d’idéalisme
romantique. Les livres se multiplient. Un ouvrage
tout récent, publié en 2012 à partir du film, montre
que le mythe est toujours vivant, et qu’il est né du
film.
Principales publications
(en chinois, par ordre chronologique) :
-
L’histoire de Zhao Yiman 《赵一曼的故事》 de
Li Zhigang (李至刚),
une histoire pour enfants publiée aux Editions pour
enfants de Shanghai (少年儿童出版社),
1954.
- Zhao Yiman
《赵一曼》de
Zhang Ling et Shu Yang (张麟/舒楊),
Pékin, Editions des travailleurs
(工人出版社),
1957.
Traduction : Better to Stand and Die, Story of Zhao
Yiman, Foreign Languages Press, 1960 - 175 pages.
- Zhao Yiman de He Jiadong
何家栋,
illustré par Chen Yuxian
陈玉先,
éditions du peuple du Hunan (湖南人民出版社),
mai 1980 |
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Le livre de 1980,
illustré par Chen Yuxian |
- Zhao Yiman 《赵一曼》
Classic Reading
of Movies in Revolutionary Time, de Zhang Mulin, Jilin
 |
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Publishing Group, janvier 2012, 226 p.
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Zhao Yiman a
également donné lieu à de nombreuses illustrations en bandes
dessinées, qui sont au début directement calquées sur le
film, telle celle-ci :
http://book.kongfz.com/item_pic_12965_182446184/
Autre film
« My Mother
Zhao Yiman » (《我的母亲赵一曼》) :
un « classique rouge » réalisé en 2005 par Sun Tie (孙铁)
pour le 60ème anniversaire de la fin de
la guerre et le
centenaire
de la naissance de Zhao Yiman.
Opéra
Zhao Yiman a été l’un des rôles les plus célèbres de
Gu Yuezhen (顾月珍),
grande star du huju (沪剧),
l’opéra de Shanghai. |
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Le film de 2005, My
Mother Zhao Yiman |

Gu Yuezhen
interprétant Zhao Yiman en 1953 (la scène
est calquée exactement
sur la scène correspondante du
film :
l’interrogatoire par les Japonais après sa capture) |
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Née en 1921
(et morte pendant la Révolution culturelle en 1970),
elle fonda en 1949 une troupe nommée Troupe Nuli
d’opéra huju (努力沪剧团),
dans le but de créer des pièces modernes de huju,
dans le cadre de la réforme des opéras
traditionnels initiée dès les début de la République
populaire. Ses premières pièces n’eurent aucun
succès mais, quand elle créa « Zhao Yiman », en
1953, après trois ans de préparation, non seulement
elle révolutionna le genre, mais elle eut en outre
énormément de succès, ce qui la réconcilia avec le
directeur du théâtre où elle travaillait.
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« Zhao
Yiman » est resté l’un des opéras de référence du
huju mais le sujet a également été adapté dans
de nombreux opéras régionaux ainsi qu’en opéra de
Pékin.
Avec même un clin d’œil aux héroïnes de wuxia
On a même donné au mythe de Zhao Yiman des racines
populaires fondées sur l’une des plus anciennes
traditions chinoises, littéraire avant d’être
cinématographique : le wuxia.
Dans un rapprochement frappant avec les grandes
héroïnes d’un genre qui a fait la gloire du cinéma
de Shanghai à la fin des années 1920, on a surnommé
Zhao Yiman « la commissaire politique au fusil rouge
et au cheval blanc » (“红枪白马女政委”)…. |
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Adaptation au théâtre
à Shanghai en 1958 (avec l’actrice Tong Zhiling 童芷苓
dans le rôle de Zhao
Yiman) |
Notes
(1) Une section de
voie ferrée, appartenant à la société japonaise Chemins
de fer de Mandchourie du Sud près de Mukden (aujourd'hui
Shenyang), est endommagée lors d’un attentat très
vraisemblablement planifié par les Japonais ; des résistants
chinois sont accusés d'avoir perpétré l'attentat, donnant
ainsi le prétexte à l'invasion immédiate du Sud de la
Mandchourie par les troupes japonaises, et la création
quelques mois plus tard de l'État du Mandchoukouo.
(2)
Il continua
ensuite la lutte contre les Japonais en se ralliant aux
communistes et mourut en 1950 à Pékin.
(3) Il faut y
ajouter l’équivalent masculin, fourni par
« Ma
vie » (《我这一辈子》),
le film de
Shi
Hui (石挥)
sorti la même
année, dans le studio privé de la Wenhua ; mais le film est
antérieur (il a été commencé en 1949), et s’arrête où les
autres commencent : le malheureux policier meurt avant de
pouvoir être sauvé, c’est son fils qui le sera, car lui a
pris sa vie en main en s’engageant dans l’Armée de
Libération.
(4) Voir Repères
historiques,
Les 19 années, 1949-1966
(5) Née en 1895
dans une famille progressiste, Xiang Jingyu ouvre en 1915,
avec l’aide de ses parents, une école privée dans sa ville
natale de Changsha qu’elle dirige jusqu’en 1919, convaincue
que l’éducation est le seul moyen de faire progresser la
Chine. Elle met ensuite en place un programme
d’études-travail en France, et part étudier à Montargis où
elle développe ses vues féministes, sous l’influence du
bolchévisme. Revenue à Shanghai en 1922, elle adhère au
Parti communiste, et participe au Premier front uni avec le
Guomingdang. C’est au sein du Guomingdang qu’elle milite en
faveur de l’émancipation des femmes. La rupture du Front uni
la force à entrer dans la clandestinité. Elle est arrêtée
par le Guomingdang et fusillée le 1er mai 1928.
Analyse réalisée pour la
présentation du film à l’Institut Confucius de l’université
Paris Diderot, le 28 novembre 2013, dans le cadre du cycle
Littérature et Cinéma.
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