« Flying Swords of Dragon Gate » : la 3D n’est pas une
panacée
par Brigitte Duzan, 27 décembre 2011
« Flying Swords of Dragon Gate » (《龙门飞甲》),
le film de
Tsui Hark (徐克)
sorti le 15 décembre
dernier sur les
écrans
chinois, n’a
pas réussi
à
voler la première
place au box office au film de
Zhang Yimou
« Flowers of War » (《金陵十三钗》)
sorti le lendemain : il a quand même engrangé 2,5
millions de dollars (sur 59 écrans IMAX) dès le
premier week-end après sa sortie.
Les
critiques ne sont cependant pas unanimes : si tout
le monde s’accorde peu ou prou à reconnaître à
Tsui
Hark une superbe maîtrise de la 3D, le scénario pèche
encore par des inconsistances et un manque de
profondeur.
Des images
époustouflantes, mais lassantes
Tsui Hark
s’est de tout temps intéressé à la technique, et il
montre une nouvelle fois qu’il est capable du
meilleur dans ce domaine. Son
Affiche
film n’a rien à
voir avec le très décevant « True Legend » (《苏乞儿》)
du chorégraphe d’arts martiaux
Yuen Woo-ping sorti en 2010 :
ce fut vraiment le premier film chinois en 3D, mais aussi un
immense échec commercial malgré une pléiade de vedettes,
dont Michelle Yeoh et Zhou Xun.
Jet Li
Les
premières images de « Flying Swords » offrent une
vue aérienne étonnante du port de Shanghai, qui
réconcilie dès l’abord avec le réalisateur, après
les reconstitutions de carton pâte de son film
précédent, « Détective
Dee : le mystère de la flamme fantôme » (《狄仁杰之通天帝国》).
Les vues en contre-plongée d’un canyon, celles du
désert à l’approche de la tempête de sable et même
les images de l’intérieur de l’auberge sont d’une
beauté inhabituelle ; la 3D
apporte un
supplément d’âme au cadre, tout autant, sinon plus, qu’aux
combats et aux épées volantes. On a bien l’impression d’être
dans la profondeur du décor, comme dans « Avatar ».
Tsui Hark ne s’est
pas lancé à l’aveuglette dans l’aventure de la 3D.
Il a fait de longues recherches et études, et même
réalisé un film expérimental : « Catching Monkey ».
Le film devait d’ailleurs se borner à des scènes
expérimentales, il a finalement été transformé en
long métrage à part entière et devrait sortir dans
le courant de 2012. C’est un thriller sur des
pirates informatiques, avec l’actrice Yu Nan (余男), l’actrice principale, entre autres, du « Mariage
de Tuya » (《图雅的婚事》).
Le film
Zhou Xun
sera peut-être
aussi intéressant que « Flying Swords »….
Tsui
Hark a par ailleurs voulu s’assurer les meilleurs
atouts en faisant appel à Chuck Comisky, le
responsable effets spéciaux de James Cameron pour Avatar ;
nommé directeur de la 3D, il a dirigé et formé une équipe
internationale de spécialistes de Chine, Corée, Singapour,
etc…
Ceci dit,
les scènes de combat s’appuient trop sur les effets
spéciaux, ceux-ci ne faisant que renforcer le
caractère artificiel d’un excès de ‘wire fu’.
On se fatigue de voir tout le monde voler, les épées, les
poutres comme les combattants. Si la première heure
passe bien, la seconde finit par lasser, et ce en
raison, aussi, du scénario.
Un scénario
complexe, mais qui ne convainc pas
La princesse tribale
(Gui Lunmei)
« Flying Sword of
Dragon Gate » n’est pas, comme on le dit souvent, un remake
de l’autre film de
Tsui Hark, son
« New
Dragon
Gate Inn » (《新龙门客栈》)
de 1992, c’en est en fait une suite.
Chen Kun
L’histoire
se passe trois ans après l’incendie de l’auberge qui
concluait le film de 1992. On retrouve Zhou
Huai'an (周淮安),
preux chevalier redresseur de torts, ici interprété
par
Jet Li, en lutte contre les eunuques qui
terrorisent l’empire, pour rétablir la justice et le
pouvoir impérial. La « fabrique de l’ouest », rivale
de celle de l’est, centrale au film précédent, est
commandée par Yu Huatian (雨化田),
interprété par
Chen Kun (陈坤) :
il écume le pays à la recherche d’une concubine enceinte des
œuvres de l’empereur, Jin Jiangyu (金湘玉),
qu’il doit éliminer pour préserver la ligne impériale.
La concubine enceinte
(Mavis Fan)
Celle-ci
est sauvée in extremis par une femme mystérieuse,
Ling
Yanqiu (凌雁秋),
interprétée par Zhou Xun (周迅).
Pour échapper à leurs poursuivants, les deux femmes
doivent passer par l’auberge de la Passe du Dragon,
en plein désert. Yu Huatian le sait parfaitement et
y envoie ses meilleurs hommes. Quand ils y arrivent,
cependant, ils doivent se mettre à l’abri d’une
tempête de sable imminente.
Il s’agit
d’une immense tempête qui n’arrive qu’une fois tous
les soixante ans et dont une légende dit qu’elle
doit révéler un trésor caché sous l’auberge. Du
coup, elle est investie par une horde de dangereux
sauvages menés par une princesse, interprétée par
l’actrice taiwanaise Gui Lunmei
(桂纶镁).
Et comme si la situation n’était pas suffisamment
complexe, arrivent encore deux voyageurs experts en
arts martiaux, une femme, Gu Shaotang (顾少棠),
interprétée par Li Yuchun (李宇春),
et son compagnon White Blade, qui
ressemble
étrangement à Yu Huatian et est également interprété par
Chen Kun.
On retrouve la
trame de base de “New Dragon Gate Inn”, avec des changements
dans les personnages traqués et ceux qui les traquent, la
grande invention étant sans doute la princesse tribale, qui
vaut un rôle qu’elle interprète à merveille à l’actrice Gui
Lunmei, celle-là même à laquelle Tsui Hark avait déjà confié
un rôle original dans
« All about
Women » (《女人不坏》)
en 2008, et déjà aux côtés de Zhou Xun.
Comme dans
le
« Dragon
Gate Inn »
(《龙门客栈》)de
King Hu qui est la matrice initiale des deux films
de
Tsui Hark, tout le début du film est un
gigantesque jeu du chat et de la souris, qui laisse
bien présager de la suite. Il n’en est
malheureusement rien : la fameuse grande tempête est
un anti-climax, et les personnages conservent un
degré irritant de mystère tournant à
l’inconsistance, même si on arrive à leur prêter des
antécédents dans le « New Dragon Gate Inn » pour
éclairer les obscurités de « Flying Swords ».
Gu Shaotang (Li
Yuchun)
Dans le désert
Tsui Hark annonçait
un film poursuivant une histoire d’amour
interrompue. On sent vaguement un frémissement de ce
genre, mais les personnages manquent singulièrement
de chaleur humaine, et l’émotion est absente du
début à la fin. Concentré sur son objectif premier
qui était de renouveler magistralement le
film de wuxia,
le réalisateur était-il sans doute trop absorbé par
ses problèmes techniques pour y prêter attention.
Finalement, la 3D
n’arrive pas à masquer les défauts scénaristiques du film.
Au contraire, suscitant une certaine lassitude au bout d’un
certain temps par la répétition de certains procédés
visuels, elle vient renforcer la déception que fait naître
le scénario au même moment.
Tsui Hark est en
bonne voie pour faire oublier ses échecs des années passées,
mais il conserve un gros handicap au niveau des scénarios.