Champion
de wushu
[1],
Jet Li (ou Li Lianjie
李连杰)
est l’un des grands acteurs de films d’arts martiaux
hongkongais, également producteur… et philanthrope.
Du wushu au cinéma
Jet Li est né à Pékin en avril 1963. Son père est
mort quand il avait deux ans, à la veille de la
Révolution culturelle. Il avait deux frères et deux
sœurs plus âgés, la famille a donc traversé des
moments difficiles.
Jet Li
Champion de wushu
Au moment des
vacances, pendant l’été 1971 (il avait donc huit ans), les
enfants des écoles primaires furent envoyés dans une école
sportive pour qu’ils ne traînent pas dans les rues. Les
enfants furent divisés en groupes pratiquant diverses
disciplines, et il fut assigné au groupe de wushu
[2].
A la fin des vacances, sur le millier d’enfants du groupe,
une vingtaine des plus doués fut sélectionnée pour
continuer, dont Jet Li. Ils devaient revenir tous les jours
après l’école pour poursuivre l’entraînement. Jet Li était
le plus jeune.
Jet Li enfant
Au cours des trois mois suivants, d’autres furent à
nouveau éliminés, et les quatre restants furent
regroupés avec ceux qui avaient commencé pendant les
vacances d’hiver précédentes. L’entraînement devint
plus rigoureux. Pendant l’hiver, en outre, comme il
n’y avait pas de locaux couverts, il se faisait à
l’extérieur, dans un froid glacial. L’un de ses
maîtres était Wu Bin (吴彬),
coach célèbre qui a raconté lui avoir acheté la
viande nécessaire à sa condition physique parce que
sa famille ne pouvait pas lui en payer.
Jet Li fit sa première compétition l’année suivante,
à l’âge de neuf ans. C’était la première compétition
nationale de wushu en Chine depuis le début de la
Révolution culturelle. Elle s’est tenu à Jinan, dans
le Shandong, et c’était la première fois que Jet Li
quittait Pékin. Il décrocha le seul prix décerné
cette année-là : le prix d’excellence. A partir de
là, il fut dispensé de
la moitié des cours de la journée, à l’école, pour pouvoir
s’entraîner de manière plus intensive.
La Chine se préparait à accueillir les Championnats de
ping-pong d’Asie, Afrique et Amérique latine, et, voulant
donner un grand éclat à cette première manifestation
internationale depuis des lustres sur le sol chinois,
organisa des parades comme pour l’ouverture des Jeux
olympiques, avec, entre autres, représentations d’Opéra de
Pékin et de wushu. Jet Li devait participer à trois numéros
sur cinq, avec des répétitions épuisantes. L’événement eut
lieu dans le grand stade de Pékin, et Jet Li fut ensuite
reçu avec son groupe par le premier ministre Zhou Enlai.
C’était en 1972. Il participa ensuite à nombre de
manifestations officielles, dont la plus mémorable est
certainement sa représentation de wushu donnée en
1974 dans la Roseraie de la Maison blanche pour le président
Nixon, après le rétablissement des relations diplomatiques
entre les Etats-Unis et la Chine. Nixon lui aurait même
proposé de devenir son garde du corps.
Il est resté champion national de wushu jusqu’en 1979,
spécialiste de différents styles, mais surtout du nord, et
participant à différents voyages "d’amitié" au Moyen Orient,
en Afrique, en Asie et en Europe entre 1976 et 1979. Il
s’est alors retiré de la compétition pour faire du cinéma.
Débuts au cinéma
Il a commencé au cinéma avec le réalisateur Chang
Hsin-yen (张鑫炎)
qui lui a donné son premier rôle – un jeune moine
novice - dans « Le Temple de Shaolin » (《少林寺》)
sorti en janvier 1982. Son nom fut changé en Jet Li
sur les affiches de la campagne publicitaire aux
Philippines, sur la base de son surnom dans l’équipe
de wushu, « jet » pour la rapidité de ses
mouvements.
Dans Le Temple de
Shaolin, 1982
Les Enfants de
Shaolin, 1984
Premier film de Hong Kong à avoir été tourné en
Chine populaire, au lendemain de la Révolution
culturelle, le film a été suivi de deux séquelles :
la comédie kungfu « Les Enfants de Shaolin » (《少林小子》)
réalisée par le même réalisateur et sortie en 1984,
et, deux ans plus tard, « Les Arts martiaux de
Shaolin » (《南北少林》)
réalisé par Lau Kar-leung (刘家良)
avec une équipe de la Shaw Brothers.
Ces films ont eu un impact considérable. Ils
ont entraîné la renaissance du temple de Shaolin, à Denfeng
(登封),
dans la préfecture de Zhangzhou (郑州市),
au Henan, et ont relancé la mode des films dits « de
kungfu », dont Jet Li est devenu une nouvelle star, après
Bruce Lee.
Les années d’or des films d’arts martiaux
Once Upon a Time in China
Après « Dragon Fight » (《龙在天涯》),
en 1989, où il joue aux côtés de sa seconde épouse,
Nina Li Chi (利智),
épousée en 1999, mais qui n’a pas par ailleurs grand
intérêt, Jet Li enchaîne avec l’un de ses grands
rôles : celui du héros national Wong Fei-hung dans
« Once Upona Time in China » (《黄飞鸿》),
le grand classique de 1991 de
Tsui Hark
coproduit par son Film Workshop et la Golden
Harvest.
Once Upon a Time in
China
Once Upon a Time in China, trailer
Mêlant l’imaginaire des arts martiaux, avec des combats plus
aériens que violents, et la satire historique et sociale,
avec une narration sans guère de cohérence mais le tirant
vers la comédie, le film rencontre un tel succès qu’il
déclenche une véritable folie des arts martiaux à Hong Kong,
jusqu’au milieu des années 1990. Il est suivi d’une série de
quatre autres films, autour du même personnage légendaire de
Wong Fei-hung.
Mais Jet Li ne joue que dans les trois premiers : outre
celui de 1991, «
Once Upona Time in China 2 » (《黄飞鸿之二 :男儿当自强》) sorti
en 1992 et « Once Upon a Time in China 3 » (《黄飞鸿之三 :狮王争霸》)
en 1993.
Les deux premiers films de la série sont parmi les plus
populaires de ce qui est considéré comme l’âge d’or du
cinéma de Hong Kong, la période de 1986 à 1993.
Jet Li jouera encore dans une pseudo-parodie de la série,
toujours autour du personnage de Wong Fei-hung: « Last Hero
in China » (《黄飞鸿之铁鸡斗蜈蚣》),
réalisé par Wong Jing (王晶)
et sorti également en 1993. On sent l’exploitation d’un
filon, avec des effets beaucoup plus appuyés, tant pour ce
qui concerne la violence que la comédie, Wong Fei-hung
déménageant dans des locaux plus spacieux, mais situés à
côté d’un hôtel de passe…
Jet Li reprendra le rôle de Wong Fei-hung,
enfin, dans le 6ème et dernier film de la série,
« Once
Upona Time in China and America » (《黄飞鸿之西域雄狮》),
sorti à Hong Kong en février 1997 – un film coréalisé par
Lau Kar-wing (刘家荣)
et Sammo Hung (洪金宝)
également auteur de la chorégraphie des scènes de combats.
D’une légende à l’autre
Entre temps, Jet Li a tourné un film (vaguement) adapté du
roman de Jin Yong (金庸)
« The Smiling Proud Wanderer » (《笑傲江湖》)
[3] :
« Swordsman 2 » (《笑傲江湖之东方不敗》),
second film de la trilogie de Ching Siu-tung (程小东)
sorti en 1993, où c’est cependant
Brigitte Lin (林青霞),
dans le rôle de Dongfang Bubai (东方不败),
qui a la vedette.
Taichi Master, 1993
Cette même année 1993, Jet Li joue aussi, aux côtés
de Michelle Yeoh,
dans le « Tai Chi Master » (《太极张三丰》)
réalisé par
l’autre grand chorégraphe d’arts martiaux de Hong
Kong,
Yuen Woo-ping (袁和平),
film également produit par l’acteur qui s’engage de
plus en plus dans la production des films où il
joue.
Après un film sur un sujet contemporain de Corey
Yuen (元奎),
il tourne un nouveau film dans la lignée des
Shaolin,
sorti en mars 1994 : « The New Legend of Shaolin » (《洪熙官之少林五祖》),
coréalisé par Corey Yuen et Wong Jing. Le film raconte les
exploits de Hung Hei-gun, ou Hung Hsi-kuan (洪熙官),
un marchand de théqui s’est révolté contre le gouvernement
des Qing, à la fin de la dynastie, et qui a rejoint le
temple de Shaolin du sud, dans le Fujian.
Le film est basé sur une relation père-fils entre
l’abbé du monastère et l’ex-marchand, relation que
l’on retrouve dans un film de 1995 de Corey Yuen :
« My Father is a Hero » (《给爸爸的信》),
histoire d’un officier de police - interprété par
Jet Li - et de son fils, la mère étant interprétée
par
Anita Mui (梅艳芳).
C’est une parenthèse dans les films d’arts martiaux.
Jet Li est cependant revenu en 1994 vers les grands
rôles de maîtres d’art martiaux légendaires, avec « Fist
of Legend » (《精武英雄》)
de Gordon Chan (陈嘉上),
un remake du « Fist of Fury » (精武门)
de 1972 de Lo Wei (罗維)
avec Bruce Lee dans son second grand rôle, celui de
Chen Zhen (陈真),
l’élève (fictif) de Huo
Yuanjia (霍元甲).
Films américains
Fist of Legend, 1994
A partir de 1998, Jet Li est appelé à Hollywood où il joue
dans cinq films entre « Lethal
Weapon 4 » de Richard Donner en 1998 et « The One », un film
d’arts martiaux traité en science-fiction, en 2001.
Pendant cette période, il a refusé de jouer dans
« Tigre
et dragon » (《卧虎藏龙》),
parce que, dit-on, sa femme lui avait fait promettre de ne
pas jouer pendant qu’elle était enceinte, mais il a aussi
refusé le rôle de Seraph dans « The Matrix ».
De Hero à Fearless
Hero, 2002
Son grand rôle du début des années 2000 est à
nouveau dans un film chinois, un blockbuster qui a
battu des records historiques de recettes lors de sa
sortie à Hong Kong et en Chine en 2002 : c’est le
rôle de Sans nom (无名),
aux côtés de Tony Leung Chiu-wai et Donnie Yen, dans
« Hero »
(《英雄》)
de
Zhang Yimou,
réalisé dans la foulée de
« Tigre et dragon »
- une sorte de revanche pour Jet Li qui avait dû
renoncer au rôle finalement tenu par Chow Yun-fat.
Après un retour aux Etats-Unis pour quelques films,
il revient en Chine pour interpréter une autre
légende des arts martiaux, Huo Yuanjia (霍元甲).
Cette fois le film est réalisé par
Ronny Yu (于仁泰),
c’est l’un des succès de l’année 2006 à Hong Kong :
« Fearless »
(《霍元甲》).
Le film a connu un succès d’autant plus grand que
Jet Li avait annoncé que ce serait son dernier film
d’arts martiaux ; le public s’est donc précipité
pour le voir. Il a pourtant continué à tourner, et
dès l’année suivante,
Fearless (Huo
Yuanjia), 2006
mais, après « War », thriller américain chorégraphié par
Corey Yuen, sorti aux Etats-Unis en juillet 2007, ce sont
des films et des rôles différents, loin des démonstrations
de wushu.
The Warlord et après
Le général Pang dans
The Warlords, 2007
Fin 2007, il est en Chine pour interpréter le rôle
du général Pang (庞将)
dans
« The
Warlords » (《投名状》)
– ou « Les Seigneurs de guerre » - de
Peter Chan (陈可辛),
aux côtés d’Andy Lau et de Takeshi Kaneshiro ; c’est
un film qui met l’accent sur la ligne narrative
plutôt que sur les arts martiaux, et qui vaut à Jet
Li un prix d’interprétation aux Hong Kong Film
Awards en 2008 : il est dans ce film un combattant
tragique, aux qualités martiales à peine esquissées,
muré dans ses dilemmes et son sentiment de
culpabilité.
En 2008, il joue dans deux films américains : le
rôle de Sun Wukong (the Silent Monk) dans « The
Forbidden
Kingdom » (《功夫之王》)
de Rob Minkoff avec Jackie Chan, sur un scénario de
John Fusco
et avec des séquences de combat chorégraphiées par
Yuen
Woo-ping.
Et le rôle de l’empereur dans un film d’horreur
américain qui se passe en Chine sous la dynastie des
Han, « The Mummy : Tomb of the Dragon Emperor ».
Ocean Heaven
En 2010, « Ocean Heaven » ou
« Océan
Paradis » (《海洋天堂》)
de
Xue
Xiaolu (薛晓路)
est une agréable surprise, avec un Jet Li dans un
rôle inattendu et très bien interprété de père d’un
enfant autiste se sachant condamné par un cancer du
foie, et tentant l’impossible pour rendre son fils
autonome avant de disparaître.
Océan Paradis, 2010
Le moine Fahai dans
The Sorcerer and the White Snake
On sait que Jet Li a défendu et promu le film et s’y
est beaucoup investi, comme il l’avait d’ailleurs
également fait pour « Fearless ». On retrouve dans
les deux cas un reflet de ses convictions de
bouddhiste. Mais, dans le second, on ressent une
empathie profonde avec le sujet.
En 2011, il a retrouvé Ching
Siu-tung pour le rôle du moine Fahai (法海)
dans « The Sorcerer and the White Snake » (《白蛇传说之法海》),
film en 3D basé sur la légende du serpent blanc,
sorti en septembre à la Biennale de Venise.
Cependant, l’acteur a révélé en 2013 qu’il souffrait
d’hyperthyroïdie, et ne pouvait plus faire d’exercices trop
violents.
Mais il a continué à tourner.
En 2016, l’acteur Vin Diesel avec lequel il devait jouer
dans « xXx:
The Return of Xander Cage » a révélé qu’il avait dû être
remplacé par Donnie Yen. Mais c’est peut-être tout
simplement parce qu’il devait tourner un autre film, « Feng
Shen Bang 3D » (《封神榜》),
adapté du roman du 16ème siècle « L’Investiture
des dieux » ou Fengshen
Yanyi
(《封神演义》)
qui raconte la chute du roi Zhou, dernier souverain de la
dynastie des Shang. Jet Li interprète le rôle du stratège
Jiang Ziya (姜子牙),
conseiller du futur fondateur de la dynastie des Zhou.
Philanthropie
Après des années de travail aux Etats-Unis, il avait obtenu
la citoyenneté américaine, mais il y a renoncé en 2009 pour
adopter la nationalité singapourienne, semble-t-il pour ses
deux filles.
Depuis 2006, il est par ailleurs ambassadeur de la Croix
rouge de Chine. En 2007, il était aux Maldives lors du
tsunami qui a frappé la côte. Il a ensuite créé une
fondation pour venir en aide aux victimes de catastrophes
naturelles. Il a ainsi apporté de l’aide en 2008 aux
victimes du Typhon Morakot à Taiwan et à celles du
tremblement de terre du Sichuan, et en 2013 à celles du
tremblement de terre de Lushan, à Yan’an.
En 2011, il a fondé la société Taiji Zen avec Jack Ma dans
le but de promouvoir le bien-être physique et moral à
travers des exercices de taijiquan, en particulier.
[2]
Détail qui permet au passage de relativiser
l’interdiction officielle des arts martiaux en Chine
à partir de 1949, interdiction officiellement levée
en 1989. La pratique des arts martiaux fut donc
réintroduite dans les écoles dès le début des années
1970, dans un climat de relative ouverture qui a vu
aussi la timide reprise des tournages aux studios de
Shanghai. Mais elle était tournée vers la
représentation, et non considérée comme sport de
combat.