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Scénaristes

 
 
 
     
 

Pu Shunqing 濮舜卿

Présentation

par Brigitte Duzan, 14 décembre 2018 

 

Pu Shunqing est reconnue dans l’histoire du cinéma chinois comme la première femme scénariste dont le nom ait figuré au générique d’un film [1].

 

Née en 1902 dans ce qui est aujourd’hui le district de Yuhang de la ville de Hangzhou (杭州市余杭区), dans le Zhejiang, elle a fait des études à l’université du Sud-Est (aujourd’hui université de Nankin) et y a fondé la Société d’art dramatique du Sud-Est avec son camarade de promotion et futur époux le dramaturge Hou Yao (侯曜), également pionnier du cinéma.

 

Dramaturge

 

Avant d’écrire des scénarios, Pu Shunqing s’est fait connaître comme dramaturge avec une première pièce, en trois actes, « Le Paradis sur terre » (《人间的乐园》), dont le texte est

 

Pu Shunqing

publié en juin 1928 par la Commercial Press de Shanghai (商务印书馆), dans un recueil de trois pièces [2], mais qui date en fait du début des années 1920.  

 

Elle y réécrit l’histoire de la Genèse en introduisant un personnage féminin supplémentaire, nommé Sagesse (), qui encourage Eve à manger la pomme du jardin d’Eden, puis à construire un paradis sur terre. Eve persuade Adam de travailler dur pour l’aider dans cette entreprise afin de ne pas accepter passivement leur destin, mais au contraire d’en être les maîtres. Dans cette relecture féministe de la Genèse, Pu Shunqing fait de la femme l’agent d’une libération des esprits : « Si vous ne croyez pas en dieu, il disparaîtra », déclare Sagesse, et il disparaît effectivement à la fin de la pièce.

 

Les pièces de Pu Shunqing portent la marque de leur époque – et des idées du 4 mai, en particulier sur l’émancipation de la femme. Elles sont aussi caractérisées par un symbolisme qui tend à donner une expression universelle à ses personnages et aux problèmes sociaux traités. Mais c’est aussi parfois en affectant la forme de genres littéraires traditionnels, comme les contes fantastiques. C’est le cas, par exemple, d’une courte pièce en un acte intitulée « Aurore » (《黎明》) où un couple sans nom de villageois paisibles sont attirés en ville par un démon nommé Usine ; ils sont attaqués par d’autres démons (Argent, Ethique, Opinion publique), la femme est enchaînée par Usine, et lutte pour se libérer avec l’aide de six esprits féminins tout aussi symboliques, Indépendance, Autonomie, etc…

 

Collaboration avec Hou Yao

 

Selon Hong Shen (洪深), autre dramaturge qui incarne les liens étroits entre théâtre et cinéma à l’époque, Pu Shunqing aurait influencé Hou Yao sur la question de l’émancipation féminine, mais c’était de toute façon un sujet en vogue.

 

Premier scénario pour Hou Yao

 

Le premier film qu’ils ont réalisé ensemble est adapté d’une pièce de théâtre intitulée : « Sa vie nouvelle » (《她的新生命》). Le titre de la pièce évoque cette femme nouvelle (新女性) en devenir depuis les réformes manquées de la fin de la dynastie des Qing, modèle fortement inspiré de modèles étrangers – de Madame Roland à la Dame aux camélias en passant par la Nora d’Ibsen - qui répondait aux idéaux des années 1920-1930 en Chine, au moins parmi les intellectuels.

 

Réalisé en 1924 et intitulé « La Femme abandonnée » (《弃妇》), le film apparaît comme un précurseur des films des années 1930 sur cette femme nouvelle [3]. Le scénario conte l’histoire d’une jeune femme désavouée par la famille de son mari parce qu’elle veut poursuivre une carrière professionnelle, et qui lutte contre les forces de la tradition pour tenter de réaliser ses ambitions. Dans la pièce, la servante se sacrifiait pour sa maîtresse. La fin du film ouvre sur une note quelque peu plus optimiste : la servante – interprétée par Pu Shunqing - survit à sa maîtresse – incarnée par une star de l’époque, Wang Hanlun (王汉伦) ; c’est elle qui promet désormais de poursuivre la quête émancipatrice laissée inachevée.

 

Le film a été primé en 1927 lors d’un concours organisé par une association de femmes à Shanghai.

 

Deuxième scénario adapté de sa propre pièce

 

Les Marionnettes de Cupidon

 

L’année suivante, Pu Shunqing adapte l’une de ses propres pièces : « Les marionnettes de Cupidon » (《爱神的玩偶》). Coréalisé en 1925 par Hou Yao et Mei Xuechou (梅雪俦), et comme le précédent au studio de la Grande Muraille (长城画片公司) dont Mei Xuechou était un cofondateur, le film est resté dans l’histoire du cinéma chinois comme le premier film en Chine dont l’histoire soit contée du point de vue d’une narratrice, et dont la scénariste soit répertoriée.

 

Hormis ce trait distinctif, l’histoire ressemble à un mélodrame traditionnel chinois. La belle-mère et la

cousine par alliance de l’héroïne, Ming Guoying (明国英), tentent de la marier pour s’emparer de son héritage. Elle leur résiste, et part à Hangzhou enseigner dans une petite école. Elle y rencontre Renjun (人俊) qui tombe amoureux d’elle. Mais Guoying finit par être enfermée dans un asile de fous où elle se retrouve avec deux femmes que leurs peines d’amour ont rendues folles. Renjun parvient à se glisser dans l’asile pour lui propose de s’enfuir avec lui, « dans une société nouvelle » où construire une existence différente … 

 

Guoying est un personnage plus complexe que l’héroïne habituelle de ce genre de mélodrame : elle refuse non seulement le mariage arrangé par sa belle-mère, mais aussi de s’enfuir avec l’homme qui l’aime. Ce qu’elle veut, c’est rester libre et indépendante. Et quand elle accepte finalement l’aide de Renjun pour sortir de l’asile, la suite de leur relation reste incertaine.

 

Pu Shunqing a poursuivi son travail de scénariste dans les années 1926-1929, toujours avec Hou Yao, mais on trouve rarement ses scénarios mentionnés, et encore moins discutés. On sait encore moins

 

Zhai Qiqi dans Les Marionnettes de Cupidon

qu’elle l’a assisté pour le montage et la réalisation de plusieurs films. 

 

Scénariste, monteuse et assistante réalisatrice

 

Pu Shunqing a épousé Hou Yao à la fin de 1926, et ils sont alors tous les deux entrés à la compagnie Minxin (民新影片公司), au moment où la compagnie était transférée de Hong Kong à Shanghai, la situation économique à Hong Kong rendant les conditions de production très difficiles [4].

 

1927 : L’histoire de Yingying 

 

A partir de leur entrée à la Minxin, elle est l’assistante de Hou Yao dans divers domaines. Elle commence, en 1926, par l’assister pour le montage du film « Le Dieu de la Paix » (《和平之神》). Puis, en 1927, elle est à nouveau sa coscénariste, mais aussi son assistante réalisatrice pour « La Rose de Pushui » (《西厢记》), un film muet miraculeusement préservé, dont le scénario est inspiré de « L’histoire de Yingying » (《莺莺传》), un chuanqi des Tang remanié au 12e siècle pour que l’histoire se termine bien et comble les attentes populaires.

 

Le scénario du film se termine par le mariage de Yingying avec le jeune lettré qui l’a sauvée des griffes d’un bandit et l’a séduite ; ayant réussi aux examens impériaux, il remplit les conditions qu’a posées la mère de Yingying pour pouvoir l’épouser. C’est un dénouement assez classique, de type « lettrés talentueux et jeunes beautés » (才子佳人) qui, dans les années 1920, devenait le symbole de l’aspiration des jeunes à devenir libres de choisir leurs conjoints. On peut voir l’influence de Pu Shunqing dans le choix et le traitement de ce sujet.

  

C’est un film novateur dans bien des domaines mais qui reste un divertissement, de même que le film suivant, réalisé la même année : une satire des mariages arrangés ridiculisant le Roi des entremetteurs, lui-même malheureux en mariage. La montée des tensions politiques entraîne ensuite une orientation de Pu Shunqing et de son mari vers des sujets patriotiques et nationalistes, mais en gardant une certaine tonalité féministe.

 

1928 : L’histoire de Mulan

 

En 1928, d’abord, Pu Shunqing écrit le scénario d’un film basé sur l’histoire d’un émissaire du Guomingdang nommé Cai Gongshi (蔡公時), torturé et exécuté à Jinan par des soldats Japonais début mai 1928 [5]. Pour écrire son scénario, Pu Shuqing est allée interviewer la veuve du défunt.

 

Mulan s’engage dans l’armée

 

Tournage de Mulan s’engage dans l’armée, 1928
L’équipe de la Minxin, au centre (assis) Pu Shunqing

et You Hao Et à g. (assis) le producteur

Li Minwei et l’actrice Lin Chuchu

 

Dans ce climat de tension, la même année, sort « Mulan s’engage dans l’armée » (《木兰从军》), un film patriotique dont le tournage a duré deux ans, en tournant dans cinq différentes provinces, avec l’aide d’un seigneur de la guerre du Nord qui fournit des soldats et des chevaux comme figurants. En même temps, l’histoire de Mulan exaltait les valeurs guerrières des femmes telles que.

 

Cependant, le film est sorti après celui sur le même sujet réalisé par Li Pingqian (李萍倩) et produit par la compagnie rivale Tianyi (天一影片公司). La Minxin avait investi 30 000 yuan dans son film, elle ne se remit pas de son relatif échec.

En 1930, elle fut absorbée dans la Lianhua (联华影业公司), ce qui signa aussi la fin de la carrière cinématographique de Pu Shunqing.  

 

1930 : Retour à l’écriture

 

Elle a continué à écrire des scénarios, qui n’ont cependant jamais été tournés. Au début des années 1930, elle est devenue avocate à Tianjin ; dans son numéro du dimanche 4 octobre 1931, le supplément illustré du Journal du commerce de la ville (天津商报画刊) la présente comme « la première avocate du nord de la Chine » (律师华北第一人). Elle devient conseiller juridique au journal Shenbao (申报), avec une rubrique spéciale pour répondre aux questions des lecteurs… et des lectrices.

 

Ses pièces de théâtre figurent dans le volume « Théâtre » de l’anthologie de la nouvelle littérature chinoise (《中国新文学大系-戏剧》) éditée en 1935 par Zhao Jiabi (赵家璧).

 

Après la défaite du Japon, en 1946, elle s’oriente vers une carrière politique comme représentante et porte-parole d’organisations féminines, et réussit en décembre 1947 à

 

Le supplément illustré du Journal du commerce de Tianjin, 4 octobre 1931

se faire élire déléguée à l’Assemblée nationale (国民大会) à Nankin, alors capitale. Elle devient dès lors une militante engagée dans la défense des droits de la femme, mettant en pratique les idées exprimées symboliquement dans ses premiers scénarios.  

 

Mais on perd ensuite ses traces.

 


 

Ressource documentaire

 

S. Louisa Wei, "Pu Shunqing", Women Film Pioneers Project, Jaines Gaines, Radha Vatsal and Monica Dall’Asta, Center for Digital Research and Scholarship. New York, NY: Columbia University Libraries, 2013. Biographie numérisée : https://wfpp.cdrs.columbia.edu/pioneer/pu-shunqing/

 

  


 

[3] Et en particulier « Femmes nouvelles » (《新女性》) de Cai Chusheng (蔡楚生), avec Ruan Lingyu (阮玲玉) dans le rôle principal, un film réalisé en 1934 mais dont l’histoire se passe à Shanghai dans les années 1920.

[4] La Minxin a été créée par Li Minwei (黎民伟) à Hong Kong en 1922. Elle a produit dix-neuf films à Shanghai de 1926 à 1929, tous d’un haut niveau artistique et littéraire.

[5] L’incident de Jinan était l’un des premiers qui devaient mener à l’occupation de la Mandchourie par les Japonais.

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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