Liu Miaomiao est l’une des rares réalisatrices de ce
qu’on a coutume d’appeler la « cinquième
génération » du cinéma chinois, avec, entre autres,
Hu Mei (胡玫),
Li Shaohong (李少红)
et
Peng Xiaolian (彭小莲)
[1] ;
non seulement elle a fait partie comme elles de la
promotion sortie en 1982 de l’Institut du cinéma de
Pékin, mais elle en a également été la benjamine :
elle y est entrée à l’âge de seize ans !
Elle est née en 1962 à Guyuan (固原),
dans le sud du Ningxia, et, autre originalité, elle
est d’ethnie hui.
La jeune surdouée de la classe
Quand elle se présente au concours d’entrée à
l’Institut du cinéma de Pékin, elle a dix ans de
moins que les autres candidats, mais elle subjugue
les professeurs par son
Liu Miaomiao
enthousiasme, ses dons à l’oral, l’étendue de ses
connaissances littéraires.
Elle n’était encore qu’en première au lycée, et elle avait
déjà lu deux fois, très sérieusement, le « Rêve dans le
pavillon rouge ». A l’époque, tout le monde savait que le
président Mao avait dit que personne ne pouvait exprimer une
opinion à moins d’avoir lu le« Rêve dans le pavillon rouge »
au moins cinq fois – pour lui, le roman était l’histoire
d’une société féodale en déclin et le début de la lutte des
classes. Liu Miaomiao avait retenu la leçon.
Son père avait un ami âgé, grand lettré du Ningxia, qui
possédait toute une bibliothèque de livres, classiques
anciens et modernes. Liu Miaomiao passait chez lui à la
sortie de l’école et lisait une ou deux heures avant de
rentrer chez elle pour le dîner.
Liu Miaomiao dans les
années 1990
Mais c’est
surtout l’intelligence et la vivacité de sa
prestation dans la partie interprétation de l’examen
qui emporta l’adhésion des professeurs. On lui avait
donné comme rôle celui de l’une des infirmières au
chevet du premier ministre Zhou Enlai malade se
demandant comment s’adresser à son patient
[2].
A l’Institut, par la suite, les cours de la classe
de mise en scène comportant des cours
d’interprétation, avec au répertoire des grandes
pièces de théâtre chinois, elle eut l’occasion de se
perfectionner dans ce domaine. Les réalisateurs de
la 5ème génération étaient aussi
d’excellents acteurs.
Liu Miaomiao a passé l’examen à Xi’an : cette année
1978, six cents candidats se sont présentés là,
trois ont été retenus :
Wu Ziniu (吴子牛),
Zhang Junzhao (张军钊)…
et Liu Miaomiao !
A la fin de ses études, elle est affectée, avec Wu Ziniu, au
Studio de Xiaoxiang (潇湘电影制片厂),
le studio du Hunan qui était un choix relativement convoité.
Cinq films
Son premier travail est, en 1984, le montage du film de
Teng
Wenji (滕文骥)
« On the Beach » (《海滩》).
Puis elle est assistante réalisatrice du film coréalisé par
Chen Lu (陈鲁)
et Pan Xianghe (潘湘鹤)
au studio de Xiaoxiang : « Behind the Screen » (《在银幕后面》).
Elle réalise son premier long métrage l’année
suivante, puis, en 1987, tourne un film resté unique
par le sujet traité : « Women in the Long March »
(《马蹄声碎》),
sur un groupe de huit femmes appartenant à l’Armée
rouge qui ont pris part à la Longue Marche et se
sont retrouvées séparées de leur bataillon, obligées
de se débrouiller par leurs propres moyens. Pour le
tournage, elle part avec son équipe dans les
montagnes sur les traces de ces femmes.
Un film austère en
noir et blanc
En 1993, « Chatterbox », ou « An Innocent Babbler »
(《杂嘴子》),
est présenté au festival de Venise et décroche la
médaille d’or du président du Sénat italien. C’était
un film personnel, pour lequel elle n’avait touché
aucun émolument,
Women in the Long
March
Chatterbox
et pour lequel elle s’était au contraire lourdement endettée
pour pouvoir le présenter à l’étranger.
En 1994, elle réalise « Family Feud » (《家丑》),
coréalisé avec Cui Xiaoqin (崔小芹)
et adapté d’une nouvelle de Ju Yu (季宇),
« Le prêteur sur gage » (《当铺》).
D’une facture très classique, le film est bien reçu, mais elle tombe gravement
malade. Ce sera son dernier film au cinéma.
Family Feud
Traversée du désert et télévision
Liu Miaomiao réalise ensuite plusieurs films pour la
télévision, mais, en 2001, la mort de sa mère a des
conséquences dramatiques sur sa santé. Elle souffre d’une
forme de dépression qui nécessite son hospitalisation. Quand
elle sort de l’hôpital, les médicaments qu’elle prend lui
font tellement trembler les mains qu’elle ne peut tenir ni
une plume ni un livre.
En 2003, elle termine quand même le tournage d’un feuilleton
pour la télévision, « My Dear Baby » (《亲亲宝贝》),
adapté d’un roman de Janet Balaskas. Mais elle est à nouveau
frappée par la mort de son frère. Elle décide alors de
revenir à Guyuan, et se consacre à l’écriture de scénarios,
en collaboration avec l’écrivain hui du Ningxia Shi Shuqing
(石舒清),
également originaire de la région de Xihaigu (西海固),
où se trouve Guyuan, qui constitue le cadre et la trame de
ses récits
[3].
En 2004, elle monte le film de
Feng Xiaogang (冯小刚)
« A
World Without
Thieves » (《天下无贼》).
En 2005, elle réalise un dernier film, « Wordless Mountains
» (《大山无言》),
avec l’actrice Yue Hong (岳红),