« Liang
Shanbo et Zhu Yingtai » : légende, opéra et film
par Brigitte Duzan,
04 septembre
2011
Premier
film en couleur de l’histoire de la République
populaire, et chef d’œuvre de
Sang Hu (桑弧),
« Liang
Shanbo et Zhu Yingtai » (《梁山伯与祝英台》)
eut un grand succès à sa sortie, en 1954. La beauté
des images surprend encore aujourd’hui.
Une légende
remontant aux Tang
Comme c’est
le cas pour de nombreux opéras, l'histoire du livret
prend son origine dans un grand texte classique de
la littérature chinoise. Celle-ci fait partie des
quatre grandes histoires populaires, ou légendes, du
folklore chinois (四大民间传说)
: l’histoire du bouvier et de la tisserande (《牛郎织女》),
celle de
dame Mengjiang faisant s’écrouler la Grande Muraille
en pleurant (《孟姜女哭长城》),
et la légende du serpent blanc (《白蛇传》).
Affiche du film
« Liang Shanbo et Zhu Yingtai »
Les sources
On en trouve une
première mention dans un texte de la dynastie des Tang,
datant du septième siècle, le Shi dao si fan zhi (《十道四蕃志》),
de Liang Zaiyan (梁載言).
Puis, à la fin des Tang, Zhang Du (张读)
en donne une version déjà plus détaillée dans son Xuan
shi zhi (《宣室志》) :
Yingtai, fille de
la famille Zhu de Shangyu, se déguisa en homme et alla à
l’école avec Liang Shanbo, de Kuaiji [会稽
auj. Shaoxing]…
Elle revint chez elle la première. Ce n’est que deux ans
plus tard, lorsque Shanbo vint lui rendre visite, qu’il
apprit qu’elle était une femme. […] Il voulut la demander en
mariage, mais sa famille l’avait déjà promise à la famille
Ma. Shanbo devint magistrat à Yin [鄞,
auj. à l’ouest de Ningbo] ; il mourut de maladie et fut
enterré à Mao [鄮,
à l’est de Ningbo]. Alors que Yingtai se rendait en bateau
chez les Ma, elle passa non loin de la tombe de Shanbo. Un
vent de tempête et de grandes vagues empêchèrent le bateau
d’avancer. Lorsqu’elle apprit que c’était la tombe de Shanbo
qui était là, Yingtai mit pied à terre et s’effondra. Le sol
s’ouvrit soudain et elle y disparut. Le chancelier Xie An
(谢安)proclama la
sépulture “Tombe de la femme vertueuse”.
Les personnages de la
légende
L’histoire
sera ensuite l’objet de développements et ajouts au
cours des siècles, mais elle arrive à une
version
quasiment identique à celle d'aujourd'hui dès la
dynastie des Song, avec le "Yi zhong wang miao ji"
(《义忠王庙记》)
attribué à Li Maocheng (李茂诚).
Il y manque seulement le chapitre final, avec
l’histoire des papillons, qui apparaît à l’époque de
la dynastie des Qing (1).
L’histoire
est connue comme celle des « amants papillons ». On
en a fait le « Roméo et Juliette » oriental ("东方的《罗密欧与朱丽叶》").En
2006, le ministre chinois de la culture a transmis à
l’UNESCO une requête officielle émanant de six
villes chinoises pour que la légende soit inscrite
sur la liste des œuvres déclarées Patrimoine oral et
immatériel de l’humanité (2).
La légende dans sa
forme moderne
La légende de Liang
Shanbo et Zhu Yingtai se passe sous la dynastie des Jin de
l’Est (317-420), détail qui n’est pas sans importance : la
dynastie avait pour capitale Jiankang (建康),
autre nom de l’ancienne capitale du royaume de Wu qui, au
début du sixième siècle, se posa en rivale de Luoyang, la
capitale du Nord, ce qui lui valut d’être détruite et sa
population décimée. Elle fut reconstruite sous les Tang, et
rebaptisée Nanjing sous les Ming. C’est donc une légende du
Sud de la Chine, qui la prédisposait à être adaptée en opéra
du Sud, yue (越剧)
ou huangmei (黃梅戏).
Zhu Yingtai était
le neuvième enfant, mais la seule fille, d’une riche famille
de Shangyu (上虞),
aujourd’hui englobée dans la ville de Shaoxing (绍兴),
dans le Zhejiang. Les traditions interdisaient aux filles
d’aller à l’école, mais la jeune fille réussit à convaincre
son père de la laisser se déguiser en garçon pour aller
suivre des cours à Hangzhou, afin de préparer les examens
impériaux.
Pendant le
voyage qui la conduit là, elle rencontre le jeune
Liang Shanbo, qui vient d’un autre district de
Shaoxing, Kuaiji (会稽).
Dès leur première rencontre, ils ressentent une
grande affinité, et deviennent « frères jurés » dans
la grande tradition chinoise.
Ils
étudient pendant trois ans ensemble dans la même
école, et Yingtai tombe peu à peu amoureuse de son
compagnon qui, tout à ses études, ne s’aperçoit de
rien. Un jour, cependant, elle reçoit une lettre qui
lui annonce que son père est malade, et lui demande
de rentrer immédiatement. La mort dans l’âme, elle
prend congé de Shanbo, mais, avant de partir, va
voir la femme du maître d’école, lui avoue sa
véritable identité et, lui remettant un pendant de
jade comme cadeau de fiançailles, lui demande de lui
servir d’intermédiaire auprès de Shanbo.
Transformés en
papillons
Celui-ci
l’accompagne sur une partie du chemin du retour, et, pendant
le trajet, Yingtai tente désespérément de lui faire
comprendre, par des allusions, qu’elle est une femme ; mais
il ne comprend pas. Finalement, avant qu’il parte, dans le
même pavillon où ils s’étaient rencontrés la première fois,
elle lui déclare qu’elle a une petite sœur qui lui ressemble
comme une goutte d’eau ressemble à une autre goutte d’eau,
et qu’elle se fera son intermédiaire pour demander sa main.
Shanbo ne vient lui
rendre visite qu’au bout de plusieurs mois et découvre alors
sa véritable identité. Passionnément épris l’un de l’autre,
ils se jurent un amour éternel. Mais leur joie est de courte
durée car Yingtai a été promise au fils d’une riche famille,
Ma Wencai. Shanbo est désespéré ; il accède au poste de
magistrat provincial, mais tombe gravement malade et meurt
quelque temps plus tard.
Le jour du mariage
arrangé de Yingtai, alors que la procession approche de la
tombe de Liang Shanbo, un vent violent se lève, et de
mystérieux tourbillons empêchent le palanquin de poursuivre
son chemin. En proie au plus profond désespoir, Yingtai en
descend pour aller se prosterner sur la tombe, et déclare
qu’elle n’épousera pas Ma Wencai. La tombe s’ouvre alors
dans un grondement de tonnerre, elle s’y précipite et
disparaît.
C’est alors que les
porteurs du palanquin et les participants à la procession
nuptiale voient surgir de la sépulture deux papillons qui
s’envolent ensemble, pour ne plus jamais être séparés.
Adaptations à
l’opéra et au cinéma
La légende
a été l’objet de nombreuses adaptations au théâtre
et à la télévision, mais le plus intéressant sont
les opéras qui en ont été adaptés, et ont donné
lieu, à leur tour, à des versions filmées.
Légende du
Sud, l’histoire de Liang Shanbo et Zhu Yingtai se
prêtait, logiquement, à des adaptations en opéras du
Sud. Il en existe deux versions principales : une
version en opéra huangmei (黃梅戏)
et une
autre en opéra yue (越剧).
a) L’opéra huangmei et le film « Love Eterne »
L’opéra
huangmei (黃梅戏)
est apparu comme une forme de théâtre régional, avec
chants et danses, dans le district de Huangmei, dans
le sud-est de la province du Hubei, puis a évolué
comme une forme distincte d’opéra dans les zones
proches de la province de l’Anhui. C’est une forme
Affiche du film
« Love Eterne »
relativement
simple d’opéra, sans les gestes typiques de l’opéra
traditionnel (en particulier sans les mouvements de manches
et de pieds), un opéra qui a gardé beaucoup de ses origines
de théâtre populaire.
Ivy Ling Po
Pendant la
révolte des Taiping, l’opéra s’est étendu dans le
Guangdong, et de là est passé à Hong Kong où il est
devenu un genre musical à part, très populaire dans
les années cinquante, au moment de la vague massive
d’immigration en provenance du Continent.
L’opéra
huangmei y a atteint un sommet stylistique et
populaire en 1963 avec le film « Love Eterne »
(《梁山伯与祝英台》),
une production de la Shaw Brothers réalisée par
Li Han-hsiang (李翰祥).
Le film battit tous les records d’entrées et de
recettes à Taiwan, où certains le virent une
centaine de fois. Il devint aussi légendaire dans le
monde du cinéma chinois qu’« Autant en emporte le
vent » en
Occident. La musique au tempo enlevé et au charme rural
souleva l’enthousiasme, et
les interprètes y furent pour beaucoup :
Ivy Ling Po (凌波)
dans le rôle de Liang Shanbo and
Betty Loh Ti (乐蒂)
dans celui de Zhu Yingtai (3).
Les deux
actrices/chanteuses furent couronnées dans divers
festivals pour leur interprétation dans le film ; le
jury des Golden
Horse awards fut tellement impressionné par le jeu
d’Ivy Ling Po qu’ils créèrent une catégorie spéciale
à cette occasion : ‘outstanding performance’.
L’autre version,
concurrente, de l’adaptation en opéra de l’histoire des
amants papillons est un
opéra
yueou
yueju (越剧),et c’est celle qu’a choisie Sang Hu pour son film
« Liang Shanbo et Zhu Yingtai » (qui a cependant le même
titre chinois que « Love Eterne »).
Le yueju a
fêté son centième anniversaire en 2006, c’est donc une forme
relativement récente d’opéra régional chinois (comparé, par
exemple, aux 600 ans du kunqu). Un célèbre critique
l’a comparé à une jeune femme de vingt ans née à la campagne
mais partie à la ville pour gagner sa vie, et qui, au
contact de son nouvel environnement, s’est forgée une
nouvelle personnalité.
Le yueju est
en effet né au début du vingtième siècle dans un village du
Zhejiang avant de se développer à Shanghai. Tout a commencé
un jour de mars 1906, à Shengzhou (嵊州),
district de Shaoxing : un groupe de conteurs fit la première
représentation de deux pièces considérées comme précurseurs
de l’opéra yue, basées sur une forme locale de conte
en musique, les conteurs interprétant des rôles différents
de la narration.
C’est cependant
lorsque l’opéra naissant commença à être représenté à
Shanghai, à partir de 1917, qu’il se développa et acquit ses
lettres de noblesse. En particulier, l’opéra yue,
comme les autres opéras chinois, était au départ interprété
par des troupes entièrement masculines. C’est à Shanghai, en
1923, qu’eut lieu la première représentation par une troupe
féminine. Après une période d’interprétation mixte, le
yueju devint dans les années quarante un opéra
entièrement joué et chanté par des femmes.
Cette
caractéristique influa en retour sur la nature de l’opéra
lui-même : un opéra urbain, empreint de romantisme, aux
tonalités beaucoup plus douces et subtiles que l’opéra
chinois traditionnel, avec des costumes aux teintes pastel
d’un grand raffinement. L’histoire de Liang Shanbo et Zhu
Yingtaiest unedes histoires d’amour typiques
du répertoire.
L’une des premières
questions que l’on peut donc se poser est ce qui a pu, en
1953, motiver le choix d’un tel opéra pour en faire un film.
Mais la question est finalement de peu d’importance en
regard de la qualité esthétique et artistique du film.
2. Le film de
Sang Hu
Connotation
politique
On peut, il
est vrai, s’étonner de voir figurer ce film dans la
liste des productions cinématographiques sorties
comme lui en 1954 : « La Terre » (《土地》),
de Shui Hua (水华),
« La lettre à plumes » (《鸡毛信》)de
Shi Hui
(石挥),
« Tranchons les griffes du démon » (《斩断魔爪》)de Shen Fu
(沈浮)
ou « Reconnaissance à travers le Yangzi » (《渡江侦察记》)de Tang
Xiaodan (汤晓丹): autant de films empreints d’un souffle révolutionnaire qui ont pour
thème les précédentes années de guerre et de
résistance.
Le film de Sang Hu
Un autre film sorti
en 1954 fournit cependant une clef : c’est « Une crise » (《一场风波》)de
Lin Nong (林农)
et Xie Jin (谢晋).
La crise en question est une crise familiale : dans un
village, on découvre qu’une veuve dont le mari est mort
depuis dix ans a fauté avec un paysan, alors que, selon la
tradition, une veuve doit rester ad vitam aeternam fidèle à
son défunt mari, sous peine de mort. Pour étouffer le
scandale, le clan tente d’obliger sa fille à épouser le
paysan… Il y a là un réquisitoire contre la morale féodale
et une description quasi documentaire sur les conduites
traditionnelles à un moment où le pouvoir chinois tentait de
faire appliquer la récente loi sur le mariage, promulguée le
1er mai 1950, et de promouvoir un mouvement de
libération de la femme qu’il considérait comme l’une de ses
priorités.
Ancien livret de
l’opéra
Le film de
Sang Hu va en fait dans le même sens, mais dans le
domaine de l’éducation : le message qu’il véhicule
est celui de l’égalité entre les jeunes des deux
sexes, et l’absurdité d’empêcher les jeunes filles
de poursuivre des études au même titre que leurs
pairs masculins. Au début du film, lorsque Zhu
Yingtai a réussi à obtenir l’autorisation de son
père et part, déguisée en garçon, pour Hangzhou,
quand elle rencontre Liang Shanbo, la première chose
dont ils discutent concerne précisément ce sujet.
C’est parce
que sa petite servante a commis un lapsus, risquant
de révéler son identité réelle, que Zhu Yingtai fait
allusion à une prétendue petite sœur restée à la
maison en dépit de son désir d’aller elle aussi
faire des études. Et c’est parce que les deux jeunes
tombent d’accord sur le fait que filles et garçons
devraient accéder au même titre à
l’éducation,
qu’ils se sentent suffisamment proches pour devenir « frères
jurés ».
L’égalité entre les
sexes s’étend ensuite au domaine du mariage : le mariage
arrangé de Yingtai les conduit au désespoir, finit par mener
Liang Shanbo à la mort, et Yingtai à se sacrifier sur sa
tombe pour le retrouver dans l’au-delà.
L’opéra qu’a choisi
Sang Hu est une manière raffinée de transmettre ce message ;
le choix est en outre particulièrement logique pour un
réalisateur shanghaïen, dont la culture était très proche
des milieux littéraires et théâtraux de la métropole.
Un article sur le film
dans la presse chinoise, avec les deux actrices
Perfection
esthétique
Le plus important,
cependant, est qu’il a réussi à réaliser une œuvre d’une
grande beauté, rehaussée par la splendeur des couleurs :
c’était le premier grand film en couleurs sur pellicule
Sovcolor de l’histoire du cinéma chinois, procédé technique
« dont le caractère généralement trop criard avait été
atténué presque jusqu’aux limites du pastel » (4),
c’est-à-dire en accord parfait avec les couleurs habituelles
de l’opéra yue.
En outre,
Sang Hu avait passé beaucoup de temps à réfléchir
sur les décors. Il ne voulait pas rompre le charme
subtil de l’opéra en le filmant en extérieur, mais
il ne voulait pas non plus de décors traditionnels.
Finalement, il les a fait peindre, dans le style de
la peinture de paysage traditionnelle chinoise. Et
il a joué à fond la carte de la magie du théâtre en
commençant sa première séquence par un rideau qui
s’ouvre sur une scène de théâtre, justement. Cette
touche de raffinement ajoutée à celle des costumes
est parfaitement en symbiose avec la musique, très
douce, de l’opéra yue.
Par son
extrême expressivité et sa grande retenue, le jeu
des deux actrices, ensuite, donne toute sa
profondeur à un scénario dont les dialogues sont
très littéraires : Yuan Xuefen (袁雪芬)dans
le rôle de Zhu Yingtai, et Fan Ruijuan (范瑞娟)
dans celui de Liang Shanbo. Ce sont donc deux stars
de l’opéra yue auxquelles Sang Hu avait fait
appel.
Yuan Xuefen
Fan Ruijuan dans le
rôle de Liang Shanbo
Outre le
fait d’être une chanteuse doublée d’une actrice
exceptionnelle, la première a également joué un rôle
de premier plan dans la réforme de l’opéra yue
dans les années 1940, réforme qui a touché en
particulier les décors ainsi que les couleurs et le
style des costumes. Quant à Fan Ruijuan, spécialisée
dans les rôles de jeunes hommes, dans l’opéra yue
(yueju xiaosheng 越剧小生),
elle finit par créer son propre style, ou école Fan
(范派).
Le film fut
primé pour ses qualités esthétiques au festival
d’Edinbourg et lauréat du prix du film musical au
festival de Karlovy-Vary. Il sortit à Paris, et ce
fut le premier film de Chine populaire à sortir sur
nos écrans. Présenté au festival
de Cannes, en
1955, il impressionna les critiques. Comme eux éblouis par
les images, la musique et le jeu des deux actrices, nous
finissons par en oublier la connotation politique. C’est
bien là la grande qualité du film, et du travail du
réalisateur : il nous reste un chef d’œuvre intemporel qui
rejoint la légende qu’il a pour thème.
(2) Le concept de « patrimoine oral de l’humanité » a été défini dès
1997, une première liste de chefs d’œuvre a été "proclamée"
en 2001, et la Convention pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel est entrée en vigueur en avril 2006.
Pour la Chine y figurent l’opéra kunqu, proclamé en
2001et inscrit officiellement en 2008, l’art du guqin,
proclamé en 2003, ainsi que des traditions de chant ouïgour
et mongol (urtin duu) proclamées en 2005.
(3) et Jackie Chan
enfant dans une brève apparition.
Autres adaptations cinématographiques(pour mémoire) :
Il existe environ
une trentaine de versions différentes d’opéras adaptés de
cette histoire, dont les plus connues sont les deux
mentionnées plus haut, ainsi qu’une version en opéra du
Sichuan intitulée « A l’ombre du saule » (《柳荫记》).
L’histoire a
inspiré une quinzaine de films de 1926 à nos jours, dont six
entre 1940 et 1960, et sur ces six, cinq sont des films
d'opéra. La comparaison avec ces autres films montre le
grand raffinement du film de Sang Hu.
Outre celui cité
dans cet article, « The Love Eterne », mentionnons encore :
1958 : The Tragic Story of
Liang Shanbo and Zhu Yingtai (《梁祝恨史》)
réalisé par
Li Tie (李铁)
– opéra yueju, en cantonais.