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« The Summer is Gone », mais un réalisateur est né : Zhang Dalei !

par Brigitte Duzan, 7 mai 2017

 

« The Summer is Gone » (《八月》) est le premier film réalisé par Zhang Dalei (张大磊), dont le parcours est aussi original que son film. Dévoilé au FIRST Film Festival de Xining (西宁FIRST青年电影展) en juillet 2016, couronné du double prix du meilleur film et du meilleur acteur au festival du Golden Horse à

 

Summer is Gone

Taipei en novembre 2016, le film a également impressionné public et critiques à la Berlinale en février 2017 et au panorama China New Force début mai 2017.

 

Zhang Daleia mis six ans à le terminer : c’est un long processus de maturation. Le film frappe d’abord par la qualité de l’image, la photo d’un superbe noir et blanc étant signée du chef opérateur de « Tharlo » (《塔洛》), Songye (吕松野) – pas étonnant, c’est Pema Tseden (万玛才旦) qui a été le producteur exécutif du film. Mais, au-delà de la photo, tout le film est un petit chef-d’œuvre de sensibilité artistique qui rend parfaitement, de manière allusive comme dans la grande tradition du poème chinois [1], l’atmosphère de l’époque évoquée, le début des années 1990.

 

La Chine des années 1990 à travers le regard d’un enfant

 

La Chine à un tournant

 

Kong Weiyi dans le rôle de Xiaolei

 

Le scénario est en grande partie autobiographique, écrit par Zhang Dalei lui-même, et c’est sans doute ce qui donne tant de vérité au film. Il revisite son enfance à travers les images qui lui en restent et remontent du passé, comme une sorte de songe éveillé aux couleurs forcément un tant soit peu sépia par moment, ou d‘un noir et blanc brumeux.

 

L’époque est celle du début des années 1990, quand Zhang Dalei avait une dizaine d’années, et le film se passe pendant un été très chaud, quelque part dans une petite ville de Mongolie intérieure. C’est l’époque de la relance par Deng Xiaoping de la politique de réforme, marquée en particulier par la fermeture des vieilles entreprises d’Etat non rentables, fermetures accompagnées de licenciements massifs. C’est une époque de transition socio-économique, où les individus, privés de la sécurité matérielle dont ils jouissaient jusque-là, doivent faire face à des contraintes d’adaptation éprouvantes.

 

C’est le cas du père de l’enfant qui est le personnage principal du film, alter ego et quasi homonyme du réalisateur, Zhang Xiaolei (张小雷). Son père travaillait pour le studio de cinéma local et a été licencié car le studio va fermer et être repris par un homme d’affaires. Il est dans l’expectative, comme son fils qui a douze ans et doit entrer au collège, mais n’a pas des notes suffisantes pour intégrer le

 

Père et fils

meilleur établissement de la ville. Cela rend sa mère terriblement nerveuse et elle finira par l’y faire rentrer « par la porte de derrière ».  

 

La grand-mère, de son côté, est en train de mourir – c’est d’ailleurs en rendant visite à sa propre grand-mère au seuil de la mort que Zhang Dalei a eu l’idée de départ de son scénario. Tout le monde est à un tournant de son existence, comme la Chine elle-même, dans la chaleur de l’été où tout semble aller au ralenti, comme en apesanteur, le temps d’une ultime balade à la campagne avant que l’orage éclate, que le père parte tourner un nouveau film dans la steppe mongole et que le fils entre au collège, dans son nouvel uniforme.

 

La page est tournée, la Chine prête à entrer dans la modernité ; à la fin de l’été, l’épiphyllum est en fleur, à l’entrée de la maison, mais la grand-mère est morte…

 

Un monde entrevu comme dans un rêve

 

Un monde découvert comme par effraction

 

Il ne faut pas chercher la grande fresque réaliste habituelle dans le cinéma chinois, ou le documentaire à la Wang Bing. Ce monde en transition est univers personnel, subjectif et compartimenté, vu à travers le regard de Xiaolei qui observe mais ne comprend pas tout. Il ne voit pas tout car il perçoit ce qui l’intéresse, ce qui le fascine et l’attire, par bribes d’images sans lien évident : la voisine qui joue

du violon de l’autre côté de la rue, et dont il rêve, le caïd qui soutire les ceintures de cuir à ses copains et s’invite au premier rang du cinéma avec son clan, les films que monte son père, la famille autour du lit de la grand-mère, les adultes qui dansent pendant qu’il s’endort en les regardant…

 

Le reste, c’est la caméra qui le capte, et c’est magique.

 

Un film d’un rare pouvoir évocateur

 

Basé sur ce scénario elliptique et allusif, le film se déroule comme un album d’images sépia que l’on aurait tiré un moment d’un tiroir avant de le refermer. Il est aussi remarquable par la photo que par le jeu des acteurs, tous non professionnels.

 

L’art du noir et blanc de Songye

  

Lü Songye est étonnant car le noir et blanc de « Tharlo » n’est pas celui de « The Summer is Gone », chacun est adapté à son sujet. Celui du film de Zhang Dalei n’est pas uniforme : il arbore de subtiles teintes sépia, légèrement rosées même dans les frondaisons des arbres, pour prendre des couleurs expressionnistes à la Murnau dans les scènes de nuit, inquiétantes même lors de

 

Dernière danse

l’arrestation du copain caïd détrousseur de ceintures, par exemple.

 

La caméra s’attarde sur les détails du quotidien, mais de façon rêveuse, en nous restituant l’atmosphère détendue des années 1990, avant que le temps s’emballe. Même la mort prend son temps, et l’été semble ne vouloir jamais finir.

 

Le son s’allie à l’image, ou dans les interstices de l’image ; une lampe en gros plan semble reléguer les sons en hors champ, mais la musique est soigneusement choisie pour renforcer les impressions visuelles, et les chants en particulier.

 

Excellents interprètes

 

Dernière balade à la campagne

 

Le fait d’avoir choisi des acteurs non professionnels renforce le caractère évocateur du film. L’actrice qui interprète la mère de Xiaolei avait engagé Zhang Dalei pour filmer le mariage d’amis ; c’est ainsi qu’il l’a connue et lui a demandé ensuite d’interpréter le rôle.

 

Le rôle du père est interprété par un quasi sosie du réalisateur, ce qui ajoute à l’effet de miroir et de mise en abîme du film. Mais le plus étonnant est bien sûr l’enfant qui joue le rôle de Xiaolei, qui avait dix ans au

moment du tournage, et auquel a été décerné le prix d’interprétation du festival du Golden Horse. Il est le fils d’un ami de Zhang Dalei

 

Xiaolei               Kong Weiyi 孔维一 

Son père           Zhang Chen 张晨

Sa mère            Guo Yanyun 郭燕芸

 

Références et influences

 

Le film joue enfin sur les nombreuses références cinématographiques qui parcourent le film pour le dater et suggérer l’époque, par l’image et le son, et en particulier les chansons (chanson nostalgique typique entonnée au moment de la réunion d’adieux, par exemple).

 

Le cinéma est très important dans le film. L’enfant dort sous une affiche de Bruce Lee, et se faufile au cinéma pour voir une comédie chinoise. Son père se bat avec une mauvaise copie VHS, sous-titrée en mandarin, de « Taxi Driver » qu’il regarde en boucle. Surtout, au moment où le cinéma est privatisé, père et fils font des pieds et des mains pour pouvoir assister à la séance d’un film qui a attiré une

 

Dernière photo devant l’épiphyllum en fleur

foule de spectateurs. Il s’agit de « The Fugitive » (en chinois 《亡命天涯》), un thriller américain de 1993 avec Harrison Ford et Tommy Lee Jones dans les rôles principaux, qui est sorti en Chine en novembre 1994 après avoir été doublé. Voilà qui donne une datation précise. 

 

Par ailleurs, l’esthétique du film rappelle beaucoup celle des films d’Ozu et de Hou Hsiao-hsien, et le personnage de Xiaolei rappelle aussi celui de Yi Yi dans le film d’Edward Yang.

 

La richesse de ces citations et influences ajoute à la subtilité de la restitution de l’atmosphère de l’époque dans le film.

 

Trailer

 

 


[1] L’image poétique peut se lire comme écriture indirecte interprétée dans son rapport à l’émotion subjective, ou comme au-delà de la représentation émanant de la prise de conscience taoïste de l’inexprimable. L’image de « The Summer is Gone » agit dans ces deux sens. C’est ce que François Jullien appelle La valeur allusive (Editions de l’Ecole française d’Extrême Orient, 1985, repris par Puf Quadrige, 1985)

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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