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« Sunflower »
de Zhang Yang : le difficile retour du père après la
Révolution culturelle
par Brigitte Duzan, 6 décembre 2017
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Sunflower.jpg)
Sunflower |
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« Sunflower » (《向日葵》)
est le 4ème long métrage de
Zhang Yang (张扬). Coproduction du Studio de Pékin (et Han Sanping
韩三平)
et de Ming Productions (et Peter Loehr)
,
le film a obtenu les Coquilles d'Argent du meilleur
réalisateur et de la meilleure photographie
au festival
de San-Sebastian en 2005.
Le film est une
évocation pleine de sensibilité des difficultés rencontrées
par une famille pékinoise pour retrouver sa dynamique après
la Révolution culturelle, après six ans de
séparation pendant lesquelles le père était emprisonné ; il
montre ensuite leurs efforts pour s’adapter aux mutations de
la société et de la politique, et
il est
d’autant plus attachant qu’il est partiellement
autobiographique.
Un scénario en
trois parties
Après en avoir mûri le projet pendant dix ans, Zhang
Yang a mis quatre ans à réaliser le film, de
l’écriture du scénario à la fin du tournage.
L’histoire
couvre la période allant de 1976, au lendemain de la
mort de Mao et de la chute de la Bande des quatre, à
1999, le tournesol du titre revenant régulièrement
comme thème symbolique spatio-temporel, symbole de
la cour du hutong familial, donc de la ville
traditionnelle en train de disparaître, avec la vie
qui lui était liée.
Le scénario est l’œuvre de
Cai Shangjun
(蔡尚君)
et de Huo Xin (霍昕),
deux membres de l’équipe initiale de quatre
scénaristes qui ont travaillé sur le scénario des
deux premiers longs métrages de
Zhang Yang
en 1997 et 1999
.
Portrait
des tensions entre deux générations |
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_L_affiche_japonaise.jpg)
L’affiche japonaise |
1. 1976
Le film débute avec
la naissance,en 1967, de Zhang Xiangyang (张向阳),
appelé Tournesol. 1967 est également la date de la naissance
de
Zhang Yang, tout comme du producteur Peter
Loehr. Le film a donc dès l’abord valeur symbolique, comme
peinture de la vie d’une génération.
![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Zhang_Yang_Joan_Chen_et_Sun_Haiying.JPG)
De g. à droite : Zhang
Yang, Joan Chen et Sun Haiying |
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Ce n’est cependant qu’une
introduction. La première partie se passe en 1976,
quand le peintre Zhang Gengnian revient chez lui
après six ans en camp "de rééducation", et retrouve
sa femme Li Xiuqing, et son fils Xiangyang qui a
donc huit ans. Il revient cependant handicapé : il a
les mains abîmées par les tortures subies, et ne
peut plus peindre
.
Il
reporte donc sur son fils ses rêves d’artiste.
Xiangyang,
lui, a l’habitude de n’avoir |
aucune discipline,
aucune contrainte, et accueille son père comme un étranger,
en lui lançant des pierres. Mais son père l’oblige à se
remettre au dessin pendant que ses copains jouent ou vont au
cinéma.
2.
1987
Xiangyang a
dix-neuf ans. Il est devenu un très bon peintre, et
son père trouve même qu’il a plus de talent que lui.
Mais Xiangyang tombe amoureux et délaisse la
peinture. Quand il veut quitter la ville pour suivre
la jeune femme, cependant, son père s’y oppose.
3.
1999
Douze ans
plus tard, Xiangyang a trente ans.Il est marié avec
Han Jing (韩静),
mais ne se sent pas encore suffisamment murs pour
avoir des enfants, ce qui est considéré comme une
véritable trahison par les parents de Xiangyang, une
frustration de leurs rêves de descendance.
Le heurt
déterminant entre père et fils intervient alors que
Xiangyang a invité son père à une exposition de ses
tableaux…. |
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Fleurs_de_pourpier.jpg)
Fleurs de pourpier |
Portrait de chaque
époque
![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_La_bande_de_gamins.jpg)
La bande de gamins |
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Au-delà de
la relation tumultueuse entre le père et son fils,
le film est aussi le portrait de la ville autour
d’eux, et un tableau indirect de l’évolution de la
société et de la vie en Chine pendant les vingt
années suivant la fin de la Révolution culturelle.
On a d’abord une évocation du
tremblement de terre catastrophique qui a précédé la
mort de Mao, le 28 juillet 1976, comme marqueur de
cette année-charnière de l’histoire contemporaine
chinoise
.
La |
famille en réchappe et ils vont vivre
sous une tente avec d’autres familles du voisinage, montrant
la solidarité dans la société de l’époque. En même temps,
c’est aussi le moment où le père découvre qu’il a été trahi
par son meilleur ami.
Dans les
années 1990 ensuite, Xiuqing fait preuve du
caractère combatif nécessaire pour obtenir un
appartement moderne. Là encore, il s’agit d’un trait
caractéristique de l’époque, que l’on retrouve dans
la littérature.
Le film
s’achève sur une scène tout aussi caractéristique de
la vie à Pékin, cette fois à l’époque moderne : des
personnes âgées se réunissent dans un parc pour
danser, faire de la gymnastique et se distraire
ensemble. |
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Le_retour_du_pere.jpg)
Le retour du père |
Partiellement
autobiographique
![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Blessures.jpg)
Blessures |
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Zhang Yang
n’a réussi à réaliser « Sunflower » qu’en 2005, mais
cela faisait dix ans qu’il y pensait. C’est en fait
un tableau indirect de l’influence qu’a exercée son
père sur sa propre destinée de réalisateur. Zhang
Yang avait treize ans quand son père, le réalisateur
très connu
Zhang Huaxun (张华勋),
l’a emmené au Sichuan sur le tournage de son film
« Le Bouddha mystérieux » (《神秘的大佛》). Un an plus tard, lui et un ami ont joué les petits enfants de
l’empereur dans un film italien tourné en Chine sur
Marco Polo. |
Ce sont deux expériences dont Zhang Yang a gardé des
souvenirs agréables, l’une parce qu’il s’agissait
d’un film de wuxia, donc assez amusant,
l’autre parce que le fait d’avoir été acteur dans un
film a fait de lui une vedette auprès de ses
camarades de classe. Il ne semble pas qu’il y ait eu
entre son père et lui la tension qu’il dépeint dans
le film. En fait, à la fin de ses études
secondaires, ses parents voulaient qu’il fasse des
études scientifiques, et c’est lui qui a préféré
poursuivre des études artistiques, et devenir
réalisateur comme son père. |
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Reprise_en_main.jpg)
Reprise en main |
Un jalon dans la
carrière de Zhang Yang
Filmé en numérique
![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Sun_Haiying_et_Joan_Chen.jpg)
Sun Haiying et Joan
Chen |
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« Sunflower » est aussi une expérience au niveau de
la photographie. Il a été filmé en numérique, à la
suite de l’expérience faite
avec le
court métrage précédent, tourné en 2002 : « Fleurs
de pourpier » ou « Sun Plant » (《太阳花》),
sur un scénario de Zhang Yang et Huo Xin.
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La photographie est signée Jong Lin, ou Lin
Liang-chung (林良忠),
chef opérateur d’origine taïwanaise qui a commencé
sa carrière avec
Ang Lee (李安),
pour ses trois premiers films, réalisés de 1992 à
1994, et qui a ensuite travaillé avec
Peng Xiaolian (彭小莲)
en 1998 pour
« Once Upona Time in Shanghai » (《上海纪事》).
La photographie a été primée à San Sebastian,
pourtant Zhang Yang ne |
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![](files/films_Zhang_Yang_Sunflower_Pere_et_ado.jpg)
Père et ado |
s’est pas montré enthousiaste : « Le numérique est mieux
adapté aux documentaires. A moins que je tombe sur un
scénario adapté, ou un contexte qui le justifie, je ne pense
pas tourner un autre film en numérique, » a-t-il déclaré à
la sortie de « Sunflower ».
Réminiscences de théâtre
En fait, ce n’est pas la photo le plus remarquable, dans
« Sunflower », mais bien plutôt l’interprétation, qui
rappelle la prédilection de Zhang Yang pour le théâtre. Les
acteurs sont particulièrement bien choisis, en particulier
ceux interprétant le fils à des âges différents, le petit
Zhang Fan ayant même un faux-air du réalisateur.
Interprètes
Sun Haiying
孙海英
dans le rôle de Zhang Gengnian
张庚年
Joan
Chen
陈冲
son épouse Li Xiuqing
李秀清
Liu Zifeng
刘子枫
son
meilleur ami Lao Liu老刘
Zhang Fan
张凡
son fils Zhang Xiangyang
张向阳
(8 ans)
Gao Ge
高歌 -
-
(19 ans)
Wang Haidi
王海地 -
-
(30 ans)
Liang Jing
梁静 Han
Jing
韩静,
épouse de Zhang Xiangyang
Musique : Lin Hai
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