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Huang Jianxin
黄建新
Né en 1954
Présentation
par Brigitte Duzan, 28 février
2012, actualisé
4 avril 2017
Huang
Jianxin est aujourd’hui surtout connu comme le
coréalisateur, avec le grand chef du China Film
Group Han Sanping (韩三平),
des deux grosses productions récemment réalisées à
la gloire du Parti et de la République :
« The
Founding of a Nation » (《建国大业》)
en 2009, pour commémorer le soixantième anniversaire
de la fondation de la République populaire, et
« Beginning of the Great Revival » (《建党伟业》)
en 2011, pour marquer le 90ème
anniversaire de la fondation du Parti.
Il doit cet
honneur au fait qu’il est le directeur de la
quatrième unité de production du China Film Group,
la plus grosse société de production
cinématographique aujourd’hui en Chine, toujours
fermement sous contrôle de l’Etat. Il fut pourtant
l’un des plus brillants et des plus remuants des
jeunes réalisateurs frais émoulus de l’Académie du
cinéma de Pékin en 1983. |
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Huang Jianxin |
Construire
du neuf
Son prénom,
Jianxin (建新),
signifie “construire du neuf”. Son principal
objectif au début de sa carrière a été de se
démarquer du reste des réalisateurs de sa
génération, la cinquième. Et il y est assez bien
parvenu.
Formation
Il est né
en 1954 à Xi’an (西安),
et son
parcours a ensuite été assez courant à l’époque :
engagé dans l’armée à seize ans, il a été un temps
photographe amateur avant de reprendre ses études à
l’université du Nord-Ouest, en 1975.
Il est
ensuite entré au studio de Xi'an, comme monteur et
‘scripte’. En 1980, il est choisi comme secrétaire
de plateau |
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Han Sanping |
The 10th Bullet Scar |
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sur le
tournage du film d’Ai Shui (艾水)
de « The Tenth Bullet Scar » (《第十个弹孔》),
film qui va déterminer sa carrière, en lui donnant
envie d’être metteur en scène lui-même. Il aura
aussi une influence primordiale sur ses débuts :
c’est en effet l’un des premiers films policiers à
être tournés en Chine, au moment où le cinéma
chinois amorce sa modernisation et le début de sa
diversification, dès la fin des années 1970, mais un
film assez typique de l’époque : il consiste en une
enquête sur un acte criminel aboutissant à
l’identification d’une cause remontant à la
Révolution culturelle.
Huang
Jianxin reprendra le genre pour son premier film,
mais en en pervertissant le modèle.
Il devient ensuite assistant
réalisateur sur le tournage de plusieurs films
dont « La
rivière sans balises »
(《没有航标的河流》)
sorti en
1983. Le film est de
Wu Tianming (吴天明), |
et c’est Wu
Tianming, justement, qui produira son premier film,
au studio de Xia’an, lui servant de mentor comme à
tant d’autres.
Premiers
films
En
attendant, Huang Jianxin va parfaire sa formation à
l’Académie du cinéma de Pékin et, quand il en sort,
en 1983, accède enfin au poste de metteur en scène.
C’est alors qu’il entreprend le projet de son
premier film, qui sortira en 1985 :
« The
Black Cannon Incident » (《黑炮事件》).
Résolument avant-gardiste dans le fond comme dans
la forme, ce film pose tout de suite Huang Jianxin
en trublion du 7ème art, à une époque de
grande effervescence créatrice en Chine.
Le
personnage principal, interprète dans une entreprise
chinoise, est en contact avec l’étranger ; il n’en
faut pas plus pour éveiller la suspicion un jour
qu’il envoie un |
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La rivière sans
balises |
The Black Cannon
Incident |
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télégramme
demandant qu’on lui retrouve le « canon noir ». Ce
n’est qu’une pièce d’échec, mais le message
elliptique le fait soupçonner d’espionnage… C’est
d’un humour décapant, le genre de film qu’on aurait
du mal à réaliser dans les conditions de censure
actuelles en Chine. Cet humour va être la marque de
fabrique des prochains films du réalisateur.
Huang
Jianxin récidive l’année suivante en tournant une
suite, « Dislocation » (《错位》),
dont la satire est tout aussi acerbe. Fatigué des
réunions interminables et répétées auxquelles il est
soumis, l’interprète du film précédent, devenu le
chef d’une grosse entreprise, se construit un robot
pour qu’il prenne sa place. Tout va bien jusqu’au
jour où le robot décide de mener une vie
indépendante, et se met à agir de façon différente
de celle de son créateur.
Pour son
troisième film, il adapte une nouvelle de Wang Shuo
(王朔),
trublion, lui, de la littérature et extrêmement |
Dislocation |
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populaire
en ces années de « fièvre culturelle » (1) :
« Samsâra »
(《轮回》)
est une réflexion sur l’avenir sans guère d’espoir
d’un personnage typique de l’univers déjanté de Wang
Shuo, où le concept bouddhiste n’est qu’une
métaphore (2). C’est un film qui reflète la période,
mais une réflexion qui tourne court (alors que le
film, lui, est très long) ; il y manque la dose
d’humour qui faisait une bonne partie de l’intérêt
du style des deux films précédents.
Le
durcissement politique au lendemain des événements
de Tian’anmen, en juin 1989, poussent Huang Jianxin
à partir. Il va passer un an en Australie, mais il
fait déjà figure de précurseur de la génération de
réalisateurs qui va émerger à partir de 1990, par
son choix de sujets urbains, résolument à
contre-courant des thèmes traités par les
réalisateurs de la cinquième génération. Il ne les
traite cependant pas à la |
manière
réaliste qui va être le propre des cinéastes des
années 1990, très marqués par le style documentaire.
Huang Jianxin a le ton ironique des satiristes.
Rester
dans le système
Quand il
rentre en Chine, il continue dans sa veine
humoristique avec une peinture de la vie dans les
petites villes de province, sous forme d’une
trilogie réalisée entre 1993 et 1996. Il se tourne
alors vers les comédies légères qui vont être l’une
des solutions retenues par le cinéma chinois pour
sortir de sa crise financière. C’est le moment où
l’étau se resserre sur les réalisateurs, où
Feng Xiaogang (冯小刚)
se retrouve aux prises avec la censure, et voit, en
1997, sa société de production acculée à la faillite
et fermée.
La voie de
la comédie |
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The Wooden Man’s
Bride, 1993 |
Il faut
choisir : rester dans le système, en en acceptant
les contraintes, ou choisir l’indépendance, avec
d’autres contraintes. Huang Jianxin fait le même
choix que Feng Xiaogang : ce sera la voie de la
sécurité. La connivence entre les deux réalisateurs
est claire :
Feng Xiaogang joue dans le film de
Huang Jianxin sorti en 2001, « The Marriage
Certificate » (《谁说我不在乎》)
et Huang Jianxin est le producteur de
« Big Shot’s
Funeral » (《大腕》),
sorti la même année.
En juin 2005, après le succès de
« A
World without Thieves » (《天下无贼》),
Huang Jianxin sort à son tour une nouvelle comédie,
« Gimme
Kudos » (《求求你,表扬我》), qui devait
initialement sortir fin 2004 et qui est produite par
Feng Xiaogang.
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Surveillance, 1996 |
Tous
deux espèrent pouvoir prouver qu’on peut continuer à
faire un cinéma original tout en travaillant dans le
système. Les choix sont cependant dorénavant
limités. Huang Jianxin participe au développement du
marché de la comédie, et en particulier de la
comédie de fin d’année, dont les « industriels » du cinéma
attendent une reconquête du public. Mais Feng
Xiaogang se révèle vite le maître incontesté sur un
marché qui devient en outre extrêmement
concurrentiel. L’avenir, pour Huang Jianxin, semble
être ailleurs.
La voie du
blockbuster officiel
Désormais
producteur et maître d’une unité de production du
tout puissant China Film Group, Huang Jianxin s’est
reconverti un temps dans le blockbuster
institutionnel auquel il a donné, il faut bien le
dire, un certain style, un défi comme un autre.
C’est grâce à des réalisateurs comme
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The Marriage
Certificate, 2001 (Feng
Gong et Lü Liping, avec Feng Xiaogang à droite) |
1988 《轮回》
Samsâra
1992 《站直啰!别趴下》
Stand
Up, Don’t Bend Over
1993 《五魁》
The Wooden Man’s Bride
1994 《背靠背,脸对脸》
Back to
Back, Face to Face
1995 《红灯停绿灯行》
Signal Left, Turn Right
1996 《埋伏》
Surveillance
1997 《睡不着》
Xi’an’s finest
1999 《说出你的秘密》
Tell me Your Secret
2001
《谁说我不在乎》
The
Marriage Certificate
2005
《求求你,表扬我》
Gimme Kudos
2009
《建国大业》
The
Founding of the Republic –
codirected
with Han Sanping
2011
《建党伟业》
Beginning of the Great Revival –
id.
Huang
Jianxin est également l’auteur de nombreux articles
de critique cinématographique. |
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Huang Jianxin
aujourd’hui |
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