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Ray Yeung 杨曜恺
Présentation
par Brigitte Duzan, 21 mai 2021, actualisé 25 février 2024
Metteur en
scène hongkongais de théâtre et de cinéma
,
Ray Yeung est un réalisateur de films à thèmes LGBTQ.
Il se présente comme « réalisateur gay » et défend
la cause et les droits de la communauté LGBTQ de
Hong Kong. Son troisième film -
« Suk.Suk » (《叔·叔》),
sorti en France en mai 2021 sous le titre « Un
printemps à Hong Kong » - a été acclamé par la critique
dans les festivals où il a été présenté, de Hong
Kong à Busanet à Berlin.
Thématique rare dans le cinéma de Hong Kong
Le cinéma de Hong Kong a longtemps été non seulement
le plus performant en termes quantitatifs, de
production, mais il a aussi été extrêmement créatif.
Ce serait une erreur de le limiter aux films de
kung-fu et de triades. Il est donc d’autant plus
étonnant de constater que, parmi autant de très bons
réalisateurs, il y en ait aussi peu qui aient traité
des thèmes |
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Ray Yeung (photo
douban) |
LGBT. On compte sur les doigts de la main ceux qui l’ont
fait, et encore les films sont très peu connus, à deux ou
trois exceptions près. On cite bien sûr toujours « Happy
Together » (《春光乍泄》)
de
Wong Kar-wai (王家卫),
ou
parfois le « Lan Yu » (《藍宇》)
de
Stanley Kwan (关锦鹏) ;
mais il est bien rare que l’on voie mentionnés les films de
Yonfan (杨凡),
et pourtant ils sont d’une rare beauté. Quant à l’excellent
film, drôle et enlevé,
d’Ann
Hui (许鞍华)
sorti en 2010, « All About Love » (《得闲炒饭》),
il a disparu des écrans et même de ses rétrospectives
.
Ray Yeung est donc un cas exceptionnel dans le contexte
hongkongais, et d’autant plus qu’il a commencé très tôt à se
positionner sur ce créneau : dès 2000, quand il a réinstauré
le festival HKLGFF (Hong Kong Lesbian and Gay Film Festival)
créé dix ans auparavant dans le but de promouvoir
l’élimination des discriminations contre les « minorités
sexuelles » à Hong Kong par le biais d’œuvres
cinématographiques. Puis il s’est lancé dans le cinéma avec
le sens d’une mission : il n’avait pas envie d’attendre une
amélioration de la situation et un changement des
mentalités, il voulait agir pour le promouvoir.
Il a commencé par réaliser des courts métrages, les
trois derniers en 2011, 2012 et 2015. Mais il avait
auparavant réalisé un premier long métrage.
Deux premiers longs métrages
2006 : « Cut Sleeve Boys »《我爱断背衫》
« Cut Sleeve Boys » est une comédie satirique :
l’histoire de deux homosexuels chinois, anciens
camarades de collège, qui vivent en Angleterre,
Ashley Wang et Melvin Shu. Tous deux ont de la peine
à se trouver un compagnon. Mais, après avoir
rencontré par hasard un transsexuel, Ash décide
d’essayer de devenir un travesti. Il découvre alors
que les femmes asiatiques sont considérées comme
bien plus attirantes que les hommes. Melvin, lui,
continue à privilégier son look de monsieur muscle.
Chacun est engagé dans une redécouverte identitaire.
Le film est en fait une satire de l’obsession de
masculinité dans le contexte de la culture gay. |
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Cut Sleeve Boys |

L’empereur Han Aidi et
Dongxian |
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L’expression « Cut Sleeves » est une référence à
l’homosexualité masculine
,
très ancienne tradition chinoise puisqu’il est avéré
qu’elle était très répandue dans l’élite lettrée dès
la dynastie des Han, dans les siècles juste avant
l’ère chrétienne et juste après. Le terme vient
d’une anecdote concernant l’empereur Ai des Han (Han
Aidi
漢哀帝)
et un jeune politicien nommé Dong Xian (董賢)
qui était son amant. Selon « L’Histoire des Han » (《汉书》),
l’empereur fut appelé à une réunion alors qu’il
était couché avec Dong Xian ; comme celui-ci
reposait sur sa manche, pour ne pas le réveiller,
l’empereur préféra la couper. Le terme était devenu
courant du temps de Pu Songling (蒲松龄)
où l’on parlait de la « passion de la manche
coupée » (断袖之癖),
terme que Pu Songling utilise dans ses « Contes du
Liaozhai » (《聊斋志异》).
Le film est sorti en première mondiale au festival
de Rotterdam en janvier 2006 en recueillant des
critiques mitigées. Ray Yeung a ensuite réalisé des
courts métrages |
jusqu’en 2015, sur des histoires semblables, rappelant
l’univers des films de
Cui
Zi’en (崔子恩) :
des jeunes garçons découvrent leur homosexualité à
l’occasion de vacances, de rencontres fortuites.
2015 :«Front Cover»《封面有男天》
Cette fois-ci, l’histoire se passe aux Etats-Unis. À
force de travail, un jeune Chinois, Ryan, est
parvenu à décrocher un poste d’assistant auprès
d’une styliste de mode très en vue. Elle lui assigne
comme mission de s’occuper d’un acteur chinois juste
arrivé de Pékin en vue de séances de photos. Le
jeune acteur refuse de se laisser relooker à
l’occidentale, et demande au contraire à Ryan de lui
créer une image illustrant le soft power de la Chine
moderne. Après un désaccord initial, ils découvrent
qu’ils ont en fait beaucoup en commun et développent
peu à peu une attirance l’un pou l’autre. L’acteur
est en fait gay mais ne veut surtout pas le
manifester par crainte de ruiner sa carrière. Un
tabloïde chinois va cependant publier des photos de
lui le montrant en homosexuel…
Le film est sorti aux Etats-Unis et à Hong Kong en
août et octobre 2016. La critique a été dans
l’ensemble positive. |
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Front Cover |
Consécration avec « Suk.Suk »
Cependant, pour autant que le scénario soit bien
écrit et que le film soit bien joué, « Front Cover »
reste cependant peu innovatif. Ray Yeung a fait
beaucoup mieux avec son troisième film,
« Suk.Suk »
(《叔·叔》),
sorti en 2019 : il a délaissé le champ des amours
homosexuelles de jeunesse pour mettre en scène deux
hommes déjà assez âgés, mariés et pères de famille
sans problèmes, qui décident de braver les
conventions.
Le film, cette fois, a fait l’unanimité des
critiques ; en 2019, il a en particulier été
couronnée du prix du meilleur film hongkongais par
la Société des critiques cinématographiques de Hong
Kong. C’est un succès qui montre bien la maturation
du talent du réalisateur. |
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Suk. Suk (Un printemps
à Hong Kong) |
Récompensé à la Berlinale
En 2024, Ray Yeung a poursuivi avec un autre volet
de sa peinture des homosexuels hongkongais
vieillissants, cette fois au féminin :
« All Shall
Be Well » (《從今以後》) est
l’histoire d’un couple de lesbiennes arrivées à la
soixantaine qui vivent ensemble depuis plus de
trente ans. Lorsque Pat meurt soudain, Angie reçoit
le soutien de la famille de Pat, mais bientôt des
disputes éclatent, d’abord autour des funérailles,
puis autour de l’héritage : Angie n’a aucun droit en
particulier sur l’appartement, c’était Pat qui
gérait tout….
En compétition à la
Berlinale 2024
dans la section Panorama, le film a été couronné
d’un Teddy Award du meilleur long métrage.
L’actrice Patra Au / Au Ga Man (區嘉雯)
qui interprète le rôle d’Angie jouait déjà « Suk
Suk » (《叔·叔》
), en 2020 : elle interprétait la femme du chauffeur
de taxi, Pak. |
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All Shall Be Well |
Filmographie
Courts métrages
1998 : Yellow Fever
《黄热病》
2009 : Doggy, Doggy
2011 : Derek & Lucas
《德里克和卢卡斯》
7’
2012 : Entwine
《纠缠》 12’
2015 : Paper Wrap Fire
《纸包火》
13’
Longs métrages
2006 : Cut Sleeve Boys 《我爱断背衫》
2015
: Front Cover 《封面有男天》
2019 :
Suk.Suk
《叔·叔》
2024 :
All Shall Be Well 《從今以後》
Berlinale Panorama,
Teddy Awards, Best Feature Film
Il a mis en scène deux pièces de théâtre à Londres
et à Hong Kong.
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