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« Les
guerriers de l’empire céleste » : un film mi wuxia mi
western de He Ping
par Brigitte Duzan,
3 octobre 2008,
révisé 2 mai 2014
Film de
wuxia mâtiné de western, « Les guerriers de
l’Empire céleste » (《天地英雄》)
est sorti
en 2003 dans la foulée de la série de
wuxiapian
plus ou moins réussis qui se sont multiplié après
2000 pour tenter de capitaliser sur le succès sans
précédent du film d’Ang
Lee (李安)
« Tigre
et Dragon » (《卧虎藏龙》).
C’est
cependant le troisième film dans le genre réalisé
par
He Ping (何平),
après
« Swordsman in Double Flag Town » dès 1991 et « Sun
Valley » (《日光峡谷》)
en 1996,
avec lesquels il forme une sorte de trilogie d’un
genre nouveau : le wuxia-western.
Une
histoire complexe sous les Tang
Le film
commence par une leçon d’histoire, car le récit se
situe à un moment charnière de l’histoire chinoise,
qui mérite effectivement quelques explications. Le
scénario semble inspiré de Jin Yong.
Un
lieutenant mutin, une caravane dans le désert, une
fille de général à escorter… |
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Les guerriers de
l’Empire céleste |
Nous sommes sous
les Tang, au septième siècle, dans l’Ouest de la Chine. Ce
territoire est alors aux franges de l’empire chinois,
disputé par des tribus nomades d’origine proto-turques, les
Tujue (突厥).
Au début du septième siècle, celles-ci ont été unifiées par
un puissant souverain qui a étendu son pouvoir jusqu’en
Afghanistan et en Inde du Nord. Ce n’est qu’en 657 que les
Chinois réussirent à les évincer, temporairement, du bassin
du Tarim, avec l’appui des Ouïgours. Pendant toute cette
période, l’enjeu majeur est la maîtrise de la Route de la
Soie.
Les quatre personnages |
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L’histoire
du film, située dans le désert de Gobi, est à
replacer dans ce contexte. Un Japonais nommé Lai Xi
(来栖),
venu en Chine tout enfant s’initier aux arts
martiaux et resté à la solde de l’empereur de Chine,
désire rentrer chez lui ; l’empereur lui en accorde
enfin la permission, mais après une dernière
mission : retrouver et tuer un lieutenant du nom de
Li (校尉李),
qui, après avoir refusé d’exécuter des prisonniers
Tujue (des femmes et des enfants), a disparu dans le
désert – le type même du chevalier errant au grand
cœur des romans de wuxia. |
Lai Xi le
retrouve, mais le lieutenant s’est mis au service
d’une caravane qui revient d’Inde avec de précieux
documents bouddhistes qu’il s’agit de protéger
contre les raids d’un potentat local allié aux
Tujue, maître An. Ils concluent alors un pacte : ils
ne s’affronteront qu’une fois la caravane en
sécurité. Par ailleurs, Lai Xi est chargé par le
général en charge du poste frontière de raccompagner
sa fille, Wen Zhu (文珠),
jusqu’à la capitale, Chang’an, car la situation à la
frontière est devenue dangereuse pour elle – ce qui
rappelle le |
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Zhao Wei dans le rôle
de Wen Zhu |
scénario d’un film
coréen sorti en 2001, « Musa princesse du désert » de
Kim Sung-su,
avec Zhang
Ziyi.
Trois fils
narratifs imbriqués
Cela fait trois
histoires développées autour de trois personnages différents
dont les destins s’entrecroisent, le Japonais, le
lieutenant, et la fille du général, avec la caravane comme
motif central et unificateur.
Jiang Wen en action |
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L’histoire
de la caravane est évidemment inspirée de
l’histoire, plus ou moins vraie, du moine Xuanzuang
qui aurait quitté la Chine en 629 à l’âge de 27 ans
pour aller étudier le bouddhisme en Inde, et serait
revenu en Chine en 645 pour passer le reste de sa
vie à traduire les précieux documents rapportés de
son séjour indien. He Ping dépeint la caravane
traversant le désert de Gobi dans des circonstances
aussi périlleuses que les convois de pionniers
américains traversant Monument Valley au 19ème
siècle, mais ici ce sont des |
hordes turques –
outre les tempêtes de sable - qui menacent les voyageurs,
dont il ne reste bientôt plus qu’un moine, perdu dans ses
prières. Mais Li et ses comparses finissent par réaliser
qu’il ne transporte pas seulement des livres, mais aussi des
reliques sensées avoir un pouvoir surnaturel, ce qui attise
la convoitise de maître An et de ses sbires.
L’intrigue
comporte ainsi son rebondissement habituel, avec un
recours à un élément vaguement surnaturel, comme
dans les histoires de wuxia. Dans le contexte
de ce film, cependant, il n’est ni crédible ni
nécessaire. Cela fait bifurquer le récit et le
rallonge inutilement.
Un film
qui se perd dans les sables
Comme
toujours chez He Ping, les images sont superbes – il
y a le désert de Gobi, et il est filmé par
Zhao Fei,
autre vétéran du |
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Alliés pour la bonne
cause |
cinéma chinois
qui a fait ses études aux côtés de
Zhang Yimou et
Chen Kaige, et qui a été
leur chef opérateur ensuite. Mais la splendeur visuelle ne
suffit pas à retenir l’attention, malgré de très bons
acteurs par ailleurs (1).
Trop long,
trop simpliste
D’abord le
film est très long, deux heures, et il est à la fois
compliqué et simpliste. L’histoire des reliques tente de
distiller un suspense digne des « aventuriers de l’arche
perdue », mais les effets spéciaux sont tellement pauvres
qu’il aurait mieux valu s’en abstenir. Faute de profondeur,
la multiplication des combats devient mortellement
répétitive. On ne sent même pas la tension qui devrait
exister entre Li et son assassin potentiel. On finit par se
lasser.
Wang Xueqi en
personnage baroque |
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On
retiendra quelques scènes très réussies, et
l’interprétation de Wang Xueqi dans le rôle de
maître An : il est superbe en potentat légèrement
fou qui passe son temps à jouer de l’erhu, et
il a droit à la seule belle séquence de wuxia
du film. Malgré tout, on se lasse même de lui, et de
le voir traîner son instrument à chacune de ses
apparitions, jusque sur le champ de bataille. C’est
le cas de l’ensemble du film : d’excellentes idées,
dénaturées par la longueur et la répétition. |
Et pourtant…
Le film a demandé
plusieurs mois de travail dans des conditions difficiles.
D’abord, se rendre sur les lieux du tournage, commencé en
août 2001, a demandé une logistique complexe. Ensuite, la
ville de Damaying, où se passe une partie de l’action au
début du film, a été entièrement construite, en plein
désert, pour les besoins du film.
Par
ailleurs, le temps a rajouté des difficultés
supplémentaires : l’équipe a dû affronter des chutes
de neige précoces en octobre. La principale scène de
bataille, celle du siège du fort, contrairement à ce
que l’on pourrait penser, a été tournée en décembre,
par une température glaciale. Et la scène de la
grotte (où se réfugie la caravane pour échapper aux
cavaliers turcs – qui sont d’ailleurs des soldats
kazakhs de l’armée chinoise, et ils sont
formidables, les seuls à faire vrai, dans
l’histoire) a dû être ensuite tournée à Pékin, en
janvier, dans un entrepôt désaffecté…. |
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La beauté des
éclairages dans le désert |
On n’en finit pas
de se dire que c’est là un terrible gâchis et regretter le
film qui aurait pu être réalisé et qui est resté dans
les sables. He Ping mettra du temps à s’en remettre.
Nota : le titre
original du film signifie « Héros du ciel et de la terre »,
l’affiche précisant : les hommes ne naissent pas héros. On
n’est pas héros, on le devient. Ce qui pourrait être la
devise de tout xia…
(1) Les acteurs :
Jiang Wen 姜文
le
lieutenant Li
校尉李
Kiichi Nakai
中井貴
Lai Xi
来栖
Zhao Wei
赵薇 Wen
Zhu 文珠
Wang Xueqi 王学圻
maître An
响马子安
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