par Brigitte Duzan, 22 janvier 2014, actualisé 1er novembre
2020
Zhao Fei est l’un des grands directeurs de la
photographie des réalisateurs de la cinquième
génération avec lesquels il a fait ses études et
dont il a partagé les grands principes esthétiques :
grandes fresques picturales, soin dans la
composition, jeu sur les couleurs… C’est aujourd’hui
un grand maître de la photographie au cinéma comme
on parle de grands maîtres en peinture.
Compagnon de route de la 5ème génération
Zhao Fei est né en 1961 à Xi'an, dans le Shaanxi (陕西西安).
Fils d’architecte, il a été très tôt attiré par la
peinture et la littérature, apprenant tout seul à
dessiner pendant les années difficiles de la
Révolution culturelle. Mais il a très vite été
attiré par le cinéma, qui est peu à peu devenu son
principal intérêt.
Il est entré en 1978 à l’Institut du cinéma de
Pékin, dans la section photographie, comme
Zhang Yimou (张艺谋),
Zhao Fei, devant une
affiche
de Let the Bullets
Fly, en 2010
Gu
Changwei (顾长卫)
etHou Yong (侯咏),
pour n’en citer que les trois plus
connus. Il était le plus jeune de la classe, et au début,
selon Ni Zhen (倪震),
ses notes ne dépassaient pas un médiocre 3, selon le système
de notification soviétique utilisé alors - de 1 à 5 ; il
n’avait jamais fait de photos de sa vie, et il était
particulièrement impressionné, en particulier, par la
qualité et la beauté de celles de Zhang Yimou
[1].
Il pensait ne jamais pouvoir atteindre
ce niveau.
Le voleur de chevaux,
la symbolique de l’image
Pourtant, quand il obtient son
diplôme en 1982, il trouve tout de suite du travail.
En 1985, il débute comme chef opérateur de
Tian Zhuangzhuang (田壮壮)
pour
« Le voleur de chevaux » (《盗马贼》),
où il s’affirme comme le photographe des grands
espaces, tout en jouant avec subtilité sur le
symbolisme des images, hors des clichés ordinaires.
en constitue une étape déterminante : il permet à Zhao Fei
de synthétiser ses expériences précédentes, en trouvant un
mode subtil d’harmonisation des éléments clés que sont, dans
son œuvre, lumière, couleur, mouvement et composition.
En 1997, autre tournant dans sa carrière : il est le
directeur de la photo de
Chen Kaige (陈凯歌)
pour « L’empereur et l’assassin » (《荆轲刺秦王》)
– travail qui lui aura demandé trois ans de
préparation et de recherche sur la période (les
Royaumes combattants). Zhao Fei est allé jusqu’à
créer des chariot spéciaux pour les caméras,
spécifiquement adaptés, en particulier, pour filmer
au plus près le mouvement des sabots des chevaux.
Mais il a fait aussi beaucoup de recherche sur la
lumière – naturelle autant que possible, sur les
couleurs des costumes – étudiés pour donner un effet
de patine, et passé
L’empereur et
l’assassin, travail sur la couleur,
la composition et le
mouvement
beaucoup de temps à choisir son matériel de prise de vue
(Zeiss et Kodak).
« L’empereur et l’assassin » est un sommet de sa carrière.
Il a été couronné du Grand Prix de la technique au festival
de Cannes en 1999.
Au-delà de la 5ème génération
La célébrité de Zhao Fei n’est dès lors plus limitée aux
cercles cinématographiques chinois. Woody Allen, qui avait
déjà remarqué son travail à la sortie de « Epouses et
concubines », lui demande de venir travailler pour lui ;
Zhao Fei commence avec « Sweet and Lowdown », en 1999 : le
tournage est n’est pas facile car Zhao Fei ne parle pas
l’anglais et a besoin d’un traducteur en permanence sur le
plateau. Mais l’expérience est concluante, Woody Allen très
content, et Zhao Fei travaille sur ses deux films suivants,
en 2000 et 2001.
Ce sont cependant des films mineurs dans la filmographie du
réalisateur ; du troisième, « The Curse of the Jade
Scorpion », Woody Allen reconnaîtra même que c’est sans
doute son plus mauvais film…
Le soleil se lève
aussi, atmosphère et composition
Zhao Fei revient vers la Chine, et travaille avec
les meilleurs réalisateurs du moment. C’est lui, en
particulier, qui signe la somptueuse photographie du
film de
Jiang Wen (姜文)
sorti en 2007 -
« The
Sun also Rises » (《太阳照常升起》)
- autre synthèse de la richesse et de la diversité
de son art ; en quatre parties distinctes, dotées
chacune d’une atmosphère spécifique, le film s’y
prête particulièrement bien et permet de mesurer le
chemin parcouru en une quinzaine d’années, depuis
« Epouses et concubines ». Trois ans plus tard, Zhao Fei
signe encore la photographie du film suivant du même
réalisateur, « Let the Bullets Fly » (《让子弹飞》).
En 2014, c’est lui qui est le chef opérateur du film de
John Woo (吴宇森)
« The Crossing » (《太平轮》),
annoncé comme « le Titanic » chinois.
Zhao Fei s’impose aujourd’hui comme l’un des plus brillants
directeurs chinois de la photographie. Mais il est aussi
passé trois fois derrière la caméra pour réaliser lui-même
ses propres films.
Filmographie comme réalisateur
2011 Single No More
《光棍终结者》
2014 I’m Going to Marry You Tomorrow
《明天我要嫁给你了》
2020 A Stolen Life
《命中罪爱》
« Single No More » a été coréalisé avec Liu Shiliu (刘十六).
C’est une comédie autour du projet de création d’un site de
rencontres que les fondateurs ont appelé « Groupement
d’achats de célibataires » (“团购光棍”).
« I’m
Going to Marry You Tomorrow” est une histoire
d’amour avec Wang Xuebing (王学兵)
dans le rôle principal. Le titre chinois du film est
le titre d’une chanson très connue des années
1990 : Demain je vais t’épouser
[2].
C’est ici le thème du scénario : l’histoire d’une
jeune femme qui s’enfuit le jour de son mariage…
« A Stolen Life » est adapté d’une nouvelle
« moyenne » de Li Shijiang (李师江)
intitulée « Six meurtriers » (《六个凶手》)
[3].
L’histoire est celle de trois meurtres en série,
dans une petite ville côtière du Fujian. Les trois
personnages tués, l’un après l’autre, sont un
joueur, Sun Xingwang (孙兴旺),
le directeur adjoint du marché local, Zhu Zhihong (朱志红),
ainsi que son frère adoptif Zhou Liang (周亮).
Les soupçons se portent sur le frère juré des deux
derniers, Jiang Siming (江四鸣),
mais lui-même est attaqué avant que la police l’ait
arrêté.
A Stolen Life
Le scénario a été coécrit avec la scénariste A Mei (阿美)
et c’est
l’actrice Zhang Jingchu (张静初)
qui interprète le rôle féminin principal de la femme de
Jiang Siming. Le film aurait dû sortir en avril 2020, mais
la sortie a été retardée par l’épidémie du coronavirus.
[1]
Ni Zhen, Memoirs from the Beijing
Film Academy, transl. Chris Berry, Duke University
Press, 2002, p. 73