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Metteurs en scène

 
 
 
     
 

Wu Zuguang 吴祖光

1917-2003

Présentation

par Brigitte Duzan, 25 janvier 2012

 

A la fois écrivain, dramaturge, scénariste et réalisateur, Wu Zuguang (吴祖光) était avant tout un grand lettré, calligraphe et poète à ses heures, passionné de théâtre et d’opéra traditionnel depuis son plus jeune âge, autant de caractéristiques qui en firent une victime toute désignée des campagnes maoïstes contre les intellectuels.

 

Il fut aussi un grand déçu du régime communiste qu’il avait rejoint dans l’enthousiasme à ses débuts ; mais, si d’autres se réfugièrent dans la nostalgie du passé, lui choisit au contraire de crier sa désillusion, jusqu’à sa mort.

 

Lettré, fils de lettré, et dramaturge

 

Wu Zuguang (吴祖光) est né en 1917 à Pékin, dans une famille de lettrés originaire de Wujin, près de Changzhou,

 

Wu Zuguang jeune

dans la province du Jiangsu (江苏省武进县). Dans l’atmosphère de la maison, le jeune Zuguang a développé naturellement très jeune un goût pour les lettres et les arts, et en particulier une passion pour l’opéra.  

 

Yu Shangyuan

 

A la fin du secondaire, il est entré à l’université franco-chinoise de Pékin pour faire des études de littérature. Il n’y est cependant resté qu’une année. Début 1937, à l’instigation du grand promoteur du renouveau du théâtre chinois, Yu Shangyuan (余上沅), il part à l’Institut national d’art dramatique de Nankin, d’abord comme secrétaire du directeur, puis comme professeur d’histoire de l’opéra chinois. Il fait alors la connaissance du grand dramaturge Cao Yu (曹禺).

 

Il n’est que depuis six mois à Nankin, cependant, quand éclate « l’incident du 7 juillet » (七七事变), ce que nous appelons ‘incident du pont Marco Polo’ qui marque le début de la guerre contre le Japon. Wu Zuguang écrit alors sa première pièce de théâtre : une pièce de théâtre ‘parlé’ (

) intitulée « La cité du phénix » (《凤凰城》), qui a pour personnage principal une héroïne de la guerre anti-japonaise, Miao Kexiu (苗可秀).

 

Jouée jusqu’à Hong Kong, la pièce rencontre aussitôt un immense succès, ce qui encourage Wu Zuguang à continuer dans cette voie : dans les dix années suivantes, il écrit une dizaine de pièces. En même temps, il rejoint Chongqing où, en 1941, il devient scénariste et metteur en scène pour l’Association théâtrale de la jeunesse. En 1942, sa pièce « Retour dans la tempête » (风雪夜归人) est un nouveau succès. Il n’a encore que 25 ans.

 

En 1945, il devient rédacteur en chef du supplément littéraire du journal Xinmin wanbao (新民晚报). Quand il revient à Shanghai, l’année suivante, il prend en charge l’un des suppléments de l’édition shanghaienne du journal. Il publie alors deux pièces : « Le pourfendeur de démons » (《捉鬼传》) et « Chang’e s’enfuit dans la lune » (嫦娥奔月). Attaque déguisée contre le Guomingdang, cette dernière lui vaut des menaces. En 1947, il s’enfuit à Hong Kong.

 

Scénariste et réalisateur

 

A Hong Kong

 

A Hong Kong, il travaille comme scénariste pour deux compagnies cinématographiques, Yonghua (永华影业公司) et  Dazhonghua (大中华影业公司), la plupart de ses scénarios étant des adaptations de ses pièces. L’un des films sans doute les plus célèbres alors réalisé sur l’un de ses scénarios est « L’âme de la Chine » (国魂), par Bu Wancang (卜万苍), en 1948 : située sous la dynastie des Song du Sud (au treizième siècle), c’est une allégorie politique à travers la peinture de la vie dépravée du premier ministre, alors que le pays est envahi par les hordes mongoles.

 

Mais Wu Zuguang passe alors aussi derrière la caméra. Outre deux films dont on lui fournit les scénarios, il en réalise deux autres sur les siens propres : en 1947 « Retour dans la tempête » (《风雪夜归人》), adapté de sa pièce de 1942, et « Douce jeunesse » (《莫负青春》), en 1949 ; ce dernier, avec la grande actrice Zhou Xuan (周璇), est traité comme une sorte de comédie musicale, avec des intermèdes musicaux interprétés par l’actrice :

 

 

Extrait (chanson à la mn 1.28)

 

Retour à Pékin

 

Le chant du drapeau rouge

 

C’est fort de cette expérience qu’il revient à Pékin après la fondation de la République populaire : il entre alors au Bureau du cinéma, comme scénariste et réalisateur. Son premier film, en 1950, est « Le chant du drapeau rouge » (红旗歌), réalisé au studio du Nord-Est, qui débute avec la fameuse chanson, et décrit la vie des ouvrières d’une usine de textile dans ‘l’ancienne société’.

 

 

 

Le film « Le chant du drapeau rouge »

 

L’art de Mei Lanfang

 

Il consacre les deux années 1955 et 1956 à réaliser des documentaires sur l’opéra. En 1955, il réalise, avec Cen Fan (岑范), un long film en deux parties sur Mei Lanfang : « L’art de Mei Lanfang » (《梅兰芳舞台艺术》), avec des extraits de ses interprétations les plus célèbres (un opéra kunqu et trois opéras de Pékin). Ce film est complété la même année par « La déesse de la rivière Luo » (《洛神》), opéra de Pékin également interprété par Mei Lanfang.

 

 

L’art de Mei Lanfang

 

L’année suivante, en 1956, Wu Zuguang tourne encore un opéra de Pékin : « Larmes dans la montagne déserte » (《荒山泪》).
 


Larmes dans la montagne déserte
 

C’est la période des ‘Cent Fleurs’, mais elle s’achève bientôt…

 

Droitier

 

En 1957, ulcéré par l’avalanche de critiques qu’il a lui-même encouragées, Mao Zedong réplique par une campagne de répression ‘contre les droitiers’. Wu Zuguang s’est laissé aller à la critique, comme beaucoup d’autres, s’élevant contre l’emprise du Parti sur la scène culturelle, déclarant que Li Bai, Du Fu et les poètes des Tang étaient libres de créer sans avoir un commissaire politique pour contrôler ce qu’ils écrivaient…

 

Il est condamné et envoyé défricher les terres sauvages du Grand Nord. Il n’en revient qu’en 1960. On le charge alors d’écrire des livrets d’opéra et des pièces de théâtre. C’est l’époque du rajustement après la catastrophe économique et humaine provoquée par le Grand Bond en avant : le gouvernement veut promouvoir le cinéma pour les masses paysannes, épuisées et décimées par la famine. Parmi les films encouragés figurent les films d’opéras régionaux

 

Larmes dans la montagne déserte

particulièrement prisés par le public populaire des campagnes.

 

C’est alors que Wu Zuguang écrit le livret de « La Rose de Wouke » (《花为媒) qui est un chef d’œuvre du genre. Le film sort en 1963. C’est une splendeur, et la fin d’une ère pour l’opéra… Il va bientôt être réduit à quelques huit « modèles », et Wu Zuguang envoyé se réformer dans une « école de cadres »…

 

Après la Révolution culturelle

 

Critique du Parti

 

A la fin de la Révolution culturelle, le Parti tente de se concilier les intellectuels en leur offrant de devenir membres. Contre l’avis de son ami le grand traducteur Yang Xianyi, Wu Zuguang répond à l’appel et entre au parti en 1980. Cela ne l’empêche cependant pas de maintenir son indépendance, et de continuer ses critiques. Lors d’un voyage aux Etats-Unis en 1983, en particulier, il s’élève contre la discipline imposée par le Parti et contre la campagne ‘contre la pollution spirituelle’ (清除精神污染运动) qui se déchaîne d’octobre à décembre. A son retour en Chine, il organise même une pétition contre ce genre de purge.

 

Mais il continue son travail de création. En 1983, il écrit une nouvelle pièce de théâtre ‘parlé’,  « Par monts et par vaux » (《闯江湖》), qu’il adapte ensuite au cinéma ; le film est réalisé en 1984 par Cen Fan. L’histoire est basée sur celle de son épouse, Xin Fengxia (新凤霞).

 

Xin Fengxia

 

Xin Fengxia fut une célèbre actrice et chanteuse d’opéra pingju, celle, justement, qui interprète le rôle principal dans « La Rose de Wouke » (《花为媒. Sa vie montre à quel point la situation sociale des comédiens a pu changer après 1949 ; elle montre aussi la tragédie qu’a représenté la Révolution culturelle pour de nombreux intellectuels et artistes.

 

Elle est née dans un taudis de Suzhou et y a grandi pendant la guerre de résistance contre le Japon. Comme un de ses oncles était musicien dans une troupe d’opéra et que sa fille y était actrice, Fengxia a appris le métier dès l’âge de sept ans. C’était une manière comme une autre d’échapper à la misère ; elle n’était pas payée, mais recevait un bol de riz tous les jours.

 

Avec Xing Fengxia, jeunes

 

Mais, quand elle eut quatorze ans, son père tomba malade et elle devint la principale source de revenus de la famille. Elle alla donc travailler dans une usine textile pendant la journée, en jouant le soir dans la troupe de pingju de son oncle. Sa mère l’accompagnait pour éviter qu’elle soit harcelée ou attaquée et battue par des hooligans.

 

Avec Xin Fengxia dans les années 1990

 

A quatorze ans, elle commença à déjà  interpréter des rôles principaux. A dix-huit ans, elle joua dans l’opéra de Wu Zuguang « Retour dans la tempête » (《风雪夜归人》), et c’est elle aussi qui interprète les chansons de l’un des films dont Wu Zuguang avait écrit le scénario à Hong Kong. En 1949, elle était célèbre.

 

Sa mère avait rêvé qu’elle puisse devenir la concubine de quelque riche personnage. Les temps avaient changé, et Fengxia avait d’autres plans. Comme dans les romans

d’autrefois, elle voulait épouser un lettré qui serait aussi son mentor. Quand elle rencontra Wu Zuguang pour la première fois, elle était une jeune célébrité de vingt ans et lui un dramaturge de trente quatre. En fait, un journal avait demandé à Wu Zuguang de l’interviewer ; il l’invita donc à dîner parce que c’était le seul moment de libre qu’elle avait.

 

Quelques mois plus tard, elle lui demanda de l’aider à écrire un discours parce qu’elle avait été élue représentante de la Ligue de la jeunesse. C’est elle qui lui proposa de l’épouser. Le mariage eut lieu en janvier 1951, et ils connurent une période d’intense bonheur. Comme elle n’avait jamais été à l’école et était illettrée, il lui apprit à lire et à écrire. Elle commença à écrire un journal et des essais.

 

En 1957, cependant, ils furent séparés lorsque Wu Zuguang fut étiqueté droitier et envoyé dans le Grand Nord. Elle resta seule pour élever leurs trois enfants, et économisa en outre pour lui envoyer des paquets de nourriture. C’était la période du Grand Bond en avant, pendant laquelle elle dut donner jusqu’à six représentations par jour.

 

Ils eurent à nouveau quelques années de bonheur paisible de 1960 jusqu’à la Révolution culturelle. Ils furent alors séparés, et séparés de leurs enfants. Fengxia dut creuser des abris anti-aériens, entre autres. En 1975, elle put retourner dans sa troupe, mais sa santé avait été durement affectée. Elle eut une thrombose cérébrale, mal diagnostiquée : elle resta paralysée du côté gauche et resta sans traitement pendant trois ans.

 

Elle resta handicapée jusqu’à sa mort, en 1998, incapable de remonter sur scène. Son mari l’encouragea à écrire ; elle a laissé des mémoires qui dressent un tableau passionnant et émouvant de la vie d’une actrice avant et après 1949 (1).

 

Essais pour noyer le chagrin

 

1987 et après

 

Wu Zuguang âgé, dans son bureau

 

Fidèle à lui-même, Wu Zuguang recommença ses critiques du Parti et du gouvernement en 1986. En 1987, il s’éleva contre la campagne ’anti-bourgeois‘ et demanda la fin de la censure ; il fut contraint de démissionner du Parti. Il était en train de préparer un recueil d’essais intitulé « Essais pour noyer le chagrin » (《解忧集》) ; il se référait à un vers de Cao Cao qui disait qu’il n’y avait qu’un moyen pour ce faire : le vin (何以解忧,唯有杜康).

 

Il écrivit une lettre à la Commission de discipline du Parti pour expliquer les trois

raisons qui l’avaient poussé à démissionner : la première était sa déception envers le Parti. La lettre fut publiée en septembre à Hong Kong. Par la suite, il adopta encore une position courageuse lors des événements de Tian’anmen.

 

Mais il n’a plus rien écrit. Il est mort le 9 avril 2003 d’une crise cardiaque.

 

 

(1) “Reminiscences” de Xin Fengxia, Panda Books, 1981, avec une préface de la traductrice, Gladys Yang, et une postface de Wu Zuguang.

 

 

 


 

A lire en complément

 

Wu Zuguang et l’indépendance de l’artiste, par Marie-Claire Kuo-Quiquemelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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