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Marie-Claire
Kuo-Quiquemelle : le cinéma comme art et comme culture
par Brigitte Duzan, 28 avril 2017
Historienne et sinologue, Marie-Claire
Kuo-Quiquemelle est
connue pour sa connaissance approfondie du cinéma
chinois et son action pour le faire apprécier et le
diffuser. Elle est célèbre pour avoir programmé,
avec Jean-Loup Passek, la grande rétrospective
consacrée au cinéma chinois qui a eu lieu au Centre
Georges Pompidou du 15 décembre 1984 au 28 février
1985, le catalogue édité à cette occasion étant
toujours un ouvrage de référence fondamental.
Elle gère un fonds de cinéma chinois constitué au
fil du temps à partir des années 1970, a réalisé des
documentaires sur le cinéma chinois, mais aussi sur
divers aspects de la culture et des traditions
chinoises, est une spécialiste du cinéma d’animation
chinois qui est son cheval de bataille, participe
régulièrement à festivals et rétrospectives. Tout
ceci n’étant que différentes parties émergées d’un
iceberg, ou d’un puzzle à reconstituer. Commençons
par le début… |
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Marie-Claire
Kuo-Quiquemelle en avril 2017 |
Préambule
Tout est parti d’un voyage de tourisme au retour d’un séjour
aux Etats-Unis, un peu par hasard, grâce à une annonce dans
Le Monde proposant un voyage en Chine. C’était en 1964, à
l’époque de la reconnaissance de la Chine par le général De
Gaulle, reconnaissance qui a marqué la reprise des relations
diplomatiques entre la France et la Chine. C’était l’époque
aussi d’une immense curiosité pour un pays qui restait
mystérieux aux yeux des Occidentaux, et qui allait l’être
d’autant plus qu’il allait bientôt se couper totalement du
monde, pendant dix ans.
En rentrant de ce voyage, elle s’inscrit en classe de
chinois à Langues O, puis à la Sorbonne.
Les débuts d’une passion et d’un engagement
A l’époque, pour pouvoir s’inscrire en chinois à
l’université, il fallait d’abord avoir commencé l’étude de
la langue au lycée. Mais seuls trois établissements en
offraient la possibilité. C’est parce qu’elle avait une
licence d’histoire qu’elle a pu s’inscrire à la Sorbonne. A
partir de là, son intérêt est allé croissant, non seulement
pour la langue elle-même, mais aussi pour le pays et sa
culture.
En 1965, en effet, est projeté à Paris la première partie du
chef d’œuvre des
frères Wan,
« Le
Roi des Singes bouleverse le Palais céleste » (《大闹天宫》),
en compétition à Locarno cette année-là. C’est le film qui
marque le début de sa passion pour ce cinéma, qui s’est
étendue ensuite à l’opéra et à tous les arts, et qu’elle a
cherché à faire partager en diffusant les plus belles œuvres
du répertoire.
Mais c’était une période chaotique : en Chine, 1966 est
l’année du début de la Révolution culturelle, et en France,
1968 marque une période de bouleversement dans les
universités.
De la réforme de l’enseignement du chinois au cinéma
La culture, élément essentiel de l’enseignement de la langue
Jacques Gernet |
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C’est justement la réorganisation des universités
parisiennes à la suite des événements de 1968 qui a
permis d’y promouvoir l’enseignement du chinois, en
ouvrant des classes aux débutants qui en étaient
jusque-là exclus. Ce qu’on appelait Langues O, où
pouvaient entrer les débutants, avait des classes
surchargées, dans des locaux exigus. Une réforme
s’imposait.
Le mouvement démarre à la Sorbonne ;
Marie-Claire y participe en tant que représentante
des étudiants, mais surtout en fidèle disciple du
grand sinologue Jacques Gernet
qui joue alors un rôle déterminant dans l’évolution
de la discipline et dont elle a continué à défendre
et promouvoir les idées.
L’idée de base, fondamentale, est qu’une langue n’a
de sens, et ne peut donc être enseignée, que dans
son contexte culturel, qui en fait toute la
richesse. L’enseignement d’une |
langue limité à ses composantes syntaxiques et lexicales
atteint vite ses limites.
L’enseignement duchinois à Paris 7
C’est dans cette
optique que Jacques Gernet fonde en 1968 l'Unité
d'enseignement et de recherche des
Langues et civilisations de l'Asie de l'Est (ou UER d’Asie
orientale), qu'il
dirige jusqu'en 1973. Comportant japonais, coréen et
vietnamien aux côtés du chinois,
cette UER trouve sa place à l’université Paris 7 qui, à la
suite de la loi Edgar Faure, est au même moment en train de
se structurer, à partir de la reconfiguration de la Faculté
des sciences, autour d’un noyau de disciplines médicales et
scientifiques, dans une optique pluridisciplinaire et
d’ouverture culturelle.
L’université ainsi créée, et hébergée un temps sur une
partie du campus de Jussieu-Paris 6, associe médecine,
sciences et lettres (dont les langues). Dans l’esprit
d’ouverture de l’époque, le chinois est ainsi introduit dans
l’enseignement des langues à l’université, avec le soutien
d’Edgar Faure et après des heures de discussion auxquelles
participe Marie-Claire en tant que déléguée des étudiants.
Comme se rappelle
le premier président de Paris 7, Michel Alliot, la
principale question posée par les candidats à l’université
en 1970 était de savoir « ce qu’il y avait de neuf »
.
Parmi cela, il y avait le chinois.
La langue comme culture
Les cours ont tout de suite rencontré un grand succès.
Restait à trouver des enseignants spécialisés, capables
d’enseigner des disciplines non strictement linguistiques,
mais venant en complément des cours de langue stricto sensu.
Les
principaux cours ont été assurés par de grands
professeurs, dont beaucoup venus de l’Inalco :
Jacques Gernet, bien sûr, pour le chinois classique,
Marie-Claire Bergère
pour l’histoire et la civilisation, Eric
Trombert
pour
l’histoire de la Chine ancienne, Jacques Reclus pour
la traduction et son épouse (d’abord lectrice) pour
la langue et la littérature
…
Pour les autres disciplines, les enseignants ont été
recherchés parmi les "lecteurs" de l’université –
statut créé pour l’enseignement de |
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Jacques Reclus devant
sa machine à écrire |
l’anglais, consistant à faire venir des étudiants étrangers
pour deux ou trois ans, en les payant neuf mois dans
l’année, ce qui permettait aussi de recruter des enseignants
étrangers sans diplômes reconnus en France. Puis la
recherche s’est étendue à des intellectuels et artistes
chinois vivant en France en y gagnant misérablement leur
vie, souvent dans des restaurants, et ravis de pouvoir
enseigner des disciplines qui leur étaient chères.
C’est ainsi, par exemple, qu’ont été recrutés des
spécialistes de l’opéra de Pékin, de poésie classique et
autres disciplines littéraires et artistiques, commele
peintre Xiong Bingming (熊秉明)
,
qui était lecteur à Langes-O, et a été chargé de deux cours,
un cours de calligraphie et un cours sur
Lu Xun.
En même temps, toute une dynamique a été créée pour
transformer les postes de lecteurs en postes d’assistants et
les sécuriser. Et Marie-Claire Quiquemelle a pris son bâton
de pèlerin pour aller défendre certains dossiers auprès du
ministère. C’est ainsi que Pénélope Bourgeois et Ines Tan,
par exemple, ont accédé au poste d’assistant.
Mais la constitution du corps enseignant n’était pas la
seule difficulté…
Le cinéma à défaut de manuel
Dans les années 1970, il était difficile de trouver des
livres et des documents pour l’enseignement du chinois : à
cause de la Révolution culturelle, en Chine, pratiquement
toutes les publications avaient été gelées, et les
rayonnages des libraires étaient quasiment vides, hormis les
œuvres du président Mao.
Certains
professeurs avaient leurs ressources personnelles, et
pouvaient accéder à certains documents grâce à leurs
contacts à l’étranger. C’est le cas, par exemple, de madame
Reclus qui distribuait à ses élèves des polycopiés, dont
l’un était une copie d’un manuel de Pékin et d’autres des
textes envoyés par des amis taïwanais
.
Mais les enseignants manquaient cruellement d’outils
pédagogiques.
Marie-Claire Quiquemelle a donc pensé que le cinéma
pourrait, dans ces conditions, offrir un potentiel à la fois
culturel et linguistique en complément des peu d’outils
disponibles. Elle a alors constitué un petit groupe de
recherche à Paris 7 et, à partir de 1972, a organisé des
projections de films : une séance hebdomadaire, avec surtout
des films de Chine populaire, complétés à l’occasion par des
films de Hong Kong.
La Princesse à
l’éventail de fer |
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Le public était mixte : des étudiants français, mais
aussi des Chinois vivant à Paris et inscrits à
l’université pour apprendre le français ; les films
projetés leur permettaient de se ressourcer, de se
replonger dans une culture qui était leur culture
ancestrale. C’est dans le cadre de ce ciné-club
universitaire qu’a eu lieu la projection du |
premier long métrage d’animation chinois : « La Princesse à
l’éventail de fer » (《铁扇公主》)
.
Les films étaient,
pour la plupart, prêtés au départ par les services culturels
de l’ambassade de Chine. Mais, peu à peu, ils ont été
achetés ou sont provenus de dons, surtout de Hong Kong.
C’est ainsi que s’est constitué un fonds de films qui s’est
peu à peu étoffé et a été complété au fil du temps par des
documents d’archives permettant des recherches sur les
films, et qu’elle a institutionnalisé sous forme associative
en fondant le Centre de documentation sur le cinéma
chinois ou CDCC, formellement constitué en
1979
.
En 1973, déjà, elle a pu monter un programme d’une trentaine
de films à la Cinémathèque française, alors sous la
direction d’Henri Langlois. C’était le début d’un long
travail de prospection et conservation de films dont
beaucoup sont aujourd’hui difficilement trouvables.
Promotion, diffusion et préservation du cinéma chinois
Ce qui a commencé comme une nécessité due aux hasards du
moment a été poursuivi et systématisé avec le sens d’une
mission à accomplir, dans un double sens : faire connaître
et préserver.
Mission d’information et diffusion
Dans les années 1970 encore, le cinéma chinois était un
domaine quasiment vierge en France. La première projection
d’un film chinois en France est réputée être celle de
« La
Rose de Pushui » (《西厢记》),
sorti en 1927 à Shanghai et projeté l’année suivante, dans
une version écourtée, au Studio 28 à Paris
.
Des films sont diffusés au début des années 1950 par
l’Association des amitiés franco-chinoises – dont
« La
fille aux cheveux blancs » (《白毛女》),
le grand classique de
Shui
Hua (水华)
et Wang Bin (王滨)
sorti en 1950.
C’est dans ce cadre que sont présentés la plupart des films
chinois diffusés en France jusqu’en 1971, quand Danielle
Wasserman, directrice du Studio Séverin, en projette une
petite demi-douzaine, initiative qu’elle répète en 1978 avec
la programmation de six films réalisés entre 1960 et 1964
qui avaient été interdits pendant toute la Révolution
culturelle, mais qui venaient de ressortir en Chine l’année
précédente
C’est donc
dans ce contexte que l’action de Marie-Claire
Quiquemelle prend toute sa signification. Forte de
sa première expérience, elle participe en 1979 au
Festival du cinéma du Tiers Monde où est présentée
une quinzaine de films
.
Mais la
première grande rétrospective du cinéma chinois est
celle du festival Ombres électriques qu’elle
organise au cinéma La Pagode en juin 1982,
à la suite de celle qui avait eu lieu Turinen début
d’année sous la direction de Marco Müller, et à
laquelle elle avait collaboré
.
Une petite moitié des quelque 130 films chinois du
programme turinois ont ensuite été prêtés au CDCC
pour le festival Ombres électriques : du « Collier
de perles » (《一串珍珠》)
réalisé en 1926 par Li
Zeyuan (李泽源)
à
« La
véritable histoire d’AQ » (《阿Q正传》)
de Cen Fan (岑范)
qui fit sensation au festival de Cannes en 1982.
Soit un panorama de près de soixante ans de cinéma
en soixante films. |
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Un collier de perles
(1926) |
La rétrospective a rencontré un grand succès auprès du
public, mais n’a eu pour principal soutien que celui du Club
Méditerranée ; elle n’a bénéficié d’aucun soutien
d’organismes publics, Centre national du cinéma (CNC) ou
autres. Elle a eu cependant un impact important. D’abord
elle a permis de corriger des idées préconçues et de lever
les préventions qu’avaient les journalistes, en particulier,
contre le cinéma chinois, faute de le connaître. C’est cette
rétrospective, aussi, qui a convaincu le responsable des
Films de l’Atalante, Gérard Vaugeois, de sortir en salles
deux des plus beaux films du programme :
« Le
Roi des Singes » (《大闹天宫》)
et
« Les
Anges du boulevard » (《马路天使》),
sortis respectivement en France en juin et décembre 1983.
C’est à la suite de cette manifestation que naît l’idée
d’une grande rétrospective du cinéma chinois à la
Cinémathèque française, comme elle en consacre
régulièrement à diverses cinématographies nationales, mais
comme le fait aussi le Centre national Georges Pompidou.
La manifestation est finalement organisée conjointement
par les deux établissements et l’événement a lieu du 15
décembre 1984 au 28 février 1985, au Centre Pompidou.
C’est Jean-Loup Passek, directeur depuis 1973 du festival de
La Rochelle et depuis 1978 des collections cinéma du Centre
Pompidou, qui est chargé de chapeauter la programmation et
l’organisation de l’événement, et Marie-Claire s’impose
alors pour le seconder. Elle conçoit le programme,
commençant en 1922 avec « La romance d’un marchand
ambulant » (《掷果缘》)
de Zhang Shichuan (张石川) et
terminant en 1984 avec un film alors juste achevé, « Par
monts et par vaux » (《闯江湖》)
de Cen Fan (岑范)
: 141 films, dont une centaine en provenance de Chine, les
autres de cinémathèques et autres fonds, et la plupart
inconnus en France.
Le cinéma chinois |
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Mais, parallèlement, Marie-Claire a aussi dirigé la
rédaction du catalogue de la rétrospective, et en
particulier de ses fiches sur les films et notes
biographiques sur les réalisateurs, réalisées par
Magali Reclus, Eric Trombert et elle-même. Sobrement
intitulé « Le cinéma chinois », l’ouvrage est resté
la référence fondamentale sur ces soixante ans de
cinéma,du début des années 1920 au début des années
1980.
Depuis lors, elle continue à faire connaître un
cinéma qui s’est vite développé en se diversifiant,
et dans la même optique culturelle au sens large que
celle qui avait présidé aux débuts de son action à
Paris 7 sous l’égide de Jacques Gernet. C’est ainsi
que, en collaboration avec Gilles Guiheux, alors
directeur de l’Institut Confucius de cette même
université, elle a lancé dans cet établissement, à
l’automne 2010, un cycle de cinéma |
chinois intitulé
« De
l’écrit à l’écran » consacré aux films
chinois adapté d’œuvres littéraires, dans le but de
développer la culture cinématographique en lien avec la
littérature. Le cycle achève sa 7ème saison en
cette fin de printemps 2017, avec près d’une centaine de
films à son actif.
De façon générale, Marie-Claire Quiquemelle a participé et
participe aux divers festivals de cinéma chinois et
rétrospectives de films anciens, et en particulier aux
programmesde films d’animation, le cinéma d’animation
chinois étant devenu l’un de ses plus importants domaines de
recherche.
Promotion du cinéma d’animation chinois
Elle a commencé par projeter au ciné-club de Paris 7
le premier long métrage d’animation chinois : « La
Princesse à l’éventail de fer » (《铁扇公主》),
puis, au cours de ses recherches et de ses voyages à
Shanghai, a fait la connaissance des grands artistes
des
Studios d’art de Shanghai (上海美术电影制片厂),
les
frères Wan (万氏兄弟),
Ah Da (阿达),
Te Wei (特伟)
entre autres. Elle a œuvré pour la défense et la
promotion des Studios et de leurs artistes, en
soulignant et expliquant les particularités de leurs
films et les techniques spécifiques qu’ils ont
développées
.
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Marie-Claire en
dialogue avec Te Wei à Shanghai
en 2005 (still du film
Rêves de singe) |
Un de ses films
favoris : La flûte du bouvier
(Te Wei/Qian Jiajun,
1963) |
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Elle continue à suivre les développements de ce
cinéma alors que les équipes des Studios de Shanghai
ont été dispersées sous prétexte de moderniser le
secteur. Tout en déplorant la baisse générale du
niveau des films promus aujourd’hui par les
autorités du cinéma, elle garde des contacts avec
les artistes qui ont survécu aux Studios, et en a
noué avec ceux qui ont émergé ces dernières années
et tentent de survivre en indépendants. |
En 2014, elle a organisé une
rétrospective de 110 films d’animation chinois, qui
a eu lieu en
septembre
au Centre culturel de Chine à
Paris. A la suite de ces projections, elle a publié
un
catalogue
richement illustré,
édité par le CDCC,
qui
fait le point sur les films et leurs auteurs, de
1941 à 2014.
Ce cinéma d’animation qui a produit de véritables
œuvres d’art est devenu sa grande spécialité. Elle
est sans doute celle, dans le monde, qui le connaît
le mieux, parce qu’elle en connaissait les auteurs
et les arcanes, sur le terrain.
Mission de préservation
Outre cette action de diffusion et promotion,
Marie-Claire Quiquemelle s’est aussi, par le biais
du CDCC, investie de la mission de préserver des
films rares, dont elle détient parfois l’unique
copie subsistante. |
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Avec le cinéaste
d’animation Pu Jiaxiang
à Shanghai en décembre
2012 |
Shi Hui et LiLihua
dans
Fake Phoenixes
Jiafeng Xuhua |
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C’est alors queles échanges culturels avec la Chine
continentale étant impossibles, dans les années
1970, qu’elle est souvent allée à Hong Kong. Se
trouvaient là de nombreux cinéastes de Shanghai,
partis au moment de la fondation de la République
populaire, qui y poursuivaient leur travail et leurs
carrières. Des copies de vieux films étaient
conservées dans des entrepôts où elles souffraient
du climat, chaud et humide, et beaucoup s’abîmaient.
A ce moment-là, les Archives du film de Hong Kong
n’existaient pas encore, elles n’ont été créées qu’à
partir de 1993. Or, quand une pellicule commence à
s’abîmer, le processus est irréversible.
Marie-Claire a alors fait la connaissance de
diverses personnalités du cinéma, dont Wu Xingzai (吴性栽),
créateur de la Wenhua en 1946, et Tong Yuejuan (童月娟),
cofondatrice de la compagnie Xinhua, puis, à Hong
Kong, de la compagnie de la Grande Muraille. C’est
Wu Xingzai lui-même, |
par exemple, qui lui a confié
Jiafeng Xuhuang
(《假凤虚凰》)
ou « Fake Phoenixes »
,
un film tourné en 1947 à la Wenhua (文华影片公司)
par le dramaturge et réalisateur Huang Zuolin (黄佐临),
sur un scénario de
Sang
Hu (桑弧),
avec, dans les rôles principaux, deux des grandes stars de
l’époque : l’acteur
Shi
Hui (石挥)
et l’actrice
Li
Lihua (李丽华).
C’est le premier film chinois à avoir été doublé en Chine
par des Chinois, et projeté à l’étranger - en Europe et aux
Etats-Unis - après la seconde guerre mondiale. Le magazine
Time a même consacré trois pages au film dans l’un de ses
numéros de l’année. Il ne reste à l’heure actuelle qu’une
copie du film, en 16mm, et c’est celle du CDCC. C’est un
exemple.
Ces films sont très délicats.
Jiafeng Xuhuang
n’a pas été restauré, mais a été nettoyé, manuellement. Ces
anciens films, explique Marie-Claire Quiquemelle, étaient
projetés avec des machines qui étaient huilées ; au cours du
temps, à la graisse s’est mêlée de la poussière, il faut
donc les nettoyer minutieusement. Les films du CDCC font
l’objet de soins attentifs.
C’est dans le même esprit que, dans les années 1980,
elle a également développé des liens étroits avec
des réalisateurs de Chine continentale, et en
particulier les grands maîtres du cinéma chinois
d’animation.
C’est en grande partie pour donner une identité
juridique à ce fond de films rares qu’elle a créé le
CDCC en 1979, les pellicules étant archivées et
préservées dans les voûtes de la Direction du
patrimoine du CNC à Bois d’Arcy. |
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Avec Kuo Kwan-Leung,
interviewés
au musée de Shanghai
en novembre 2015 |
Bai Guang et le mythe
de l’enchanteresse |
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Elle les prête pour des festivals, des
rétrospectives et manifestations diverses. C’est
ainsi que, en décembre 2015, le CDCC a collaboré
avec les Archives du film de Shanghai pour une
programmation exceptionnelle de grands classiques du
cinéma chinois, apportant pour
l’occasion cinq films rares marquant la transition
du cinéma de Shanghai à celui de Hong Kong à la fin
des |
années 1940. Elle avait également prêté à la Cinémathèque
française le dernier des films de cette programmation,
« Enchanteress of a Generation » ou « Héroïne des années
vingt » (《一代妖姬》),
pour le programme
« Portrait
de femmes dans le cinéma chinois »,
en novembre 2014, programme par ailleurs inégal où il
n’avait pas été mis en valeur comme il le méritait.
Travail de recherche au CNRS
Et comme si tout cela ne suffisait pas, elle a mené
parallèlement un travail de recherche dans le cadre de son
poste au CNRS, poste de collaborateur technique dans
l’équipe de recherche associée sur la littérature chinoise
qui lui a été attribué au début des années 1970.
Dans un esprit culturel et ethnographique, elle aainsi
parcouru la Chine pour en fixer sur la pellicule les
traditions et coutumes menacées, ses intérêts allant de
l’opéra traditionnel dans ses composantes régionales et
populaires aux traditions culturelles des miao du Guizhou
dont elle a rassemblé une formidable collection de tissus
brodés.
Elle ne regrette qu’une chose : ne pas avoir assez de temps
pour parvenir à compiler des ouvrages sur les sujets qui lui
tiennent le plus à cœur et dont elle détient un savoir
unique.
Filmographie et publications
Documentaires
- Les disciples du Jardin des poiriers, 52’, CNRS 1987
- Fleur de scène, naissance d’une star de l’opéra de Pékin,
27’, CNRS 1986 (portrait de Wang Runqing)
- Zayoun, la Chine des merveilles, 52’, 1991 (les richesses
mêlées de Quanzhou)
- La danse des dieux, 50’, 1994 (théâtre masqué Di Xi de la
région d’Anshun, au Guizhou)
- Le mythe du buffle, 52’, 1995 (documentaire sur les miao
du Guizhou)
- Les tambours divins de l’Amdo, le rituel d’été au pays de
Reb Gong, 61’, 1998
- Des tréteaux en plein vent, 31’, 1988 (tourné dans le
Hebei fin 1987)
- Les Pélerins de l’Amnye Machen, 59’, 2006 (un pèlerinage
en terre tibétaine)
- Rêves de singe, les Studios d’art de Shanghai, coréalisé
avec Julien Gaurichon, 26’, 2006.
Directeur de publication
Le cinéma chinois, ouvrage collectif sous la direction de
M.C. Quiquemelle et Jean-Louis Passek, Centre Georges
Pompidou, 1985, 279 p.
Articles
Dans divers dictionnaires et ouvrages collectifs sur le
cinéma :
- Les Frères Wan et 60 ans de dessins animés chinois, Centre
international du film d’animation d’Annecy, 1985.
Repris en anglais dans :
- The Wan Brothers and Sixty Years of Animated Film in
China, in Perspectives on Chinese Cinema, ed. by
Chris Berry, British Film Institute 1991, pp. 175-186.
- Le théâtre traditionnel chinois, l’opéra de Pékin,
brochure illustrée du Centre national de documentation
pédagogique (CNDP) avec 24 diapositives, 1987.
- La compagnie cinématographique Lianhua et le cinéma
progressiste chinois, 1931-1937, avec Anne Kerlan-Stephens,
Arts asiatiques 2006, vol. 61 n° 1, pp. 181-195.
A lire numérisé en ligne :
http://www.persee.fr/doc/arasi_0004-3958_2006_num_61_1_1647
- Notices biographiques in Dictionnaire du cinéma
asiatique, sous la direction d’Adrien Gombeaud, Nouveau
Monde éditions, octobre 2008.
Sur les Miao :
- Tissu et broderies Miao de la province du Guizhou, Arts
asiatiques 2004, vol. 59 n° 1, pp. 101-125.
A lire numérisé en ligne :
http://www.persee.fr/doc/arasi_0004-3958_2004_num_59_1_1517
Bibliographie
- Littérature chinoise, trimestre 3, 1984, rédacteur en chef
Yang Xianyi, Spécial cinéma : Présence du cinéma chinois en
France, compte rendu d’une table ronde organisée et animée
par Denis Lavaud, et ayant réuni à Paris, en février 1984,
Régis Bergeron, Patrick de Froidcourt, Gérard Vaugeois et
Marie-Claire Quiquemelle, pp. 4-11.
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