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Marie-Claire Kuo-Quiquemelle : le cinéma comme art et comme culture

par Brigitte Duzan, 28 avril 2017

 

Historienne et sinologue, Marie-Claire Kuo-Quiquemelle est connue pour sa connaissance approfondie du cinéma chinois et son action pour le faire apprécier et le diffuser. Elle est célèbre pour avoir programmé, avec Jean-Loup Passek, la grande rétrospective consacrée au cinéma chinois qui a eu lieu au Centre Georges Pompidou du 15 décembre 1984 au 28 février 1985, le catalogue édité à cette occasion étant toujours un ouvrage de référence fondamental.

 

Elle gère un fonds de cinéma chinois constitué au fil du temps à partir des années 1970, a réalisé des documentaires sur le cinéma chinois, mais aussi sur divers aspects de la culture et des traditions chinoises, est une spécialiste du cinéma d’animation chinois qui est son cheval de bataille, participe régulièrement à festivals et rétrospectives. Tout ceci n’étant que différentes parties émergées d’un iceberg, ou d’un puzzle à reconstituer. Commençons par le début…

 

Marie-Claire Kuo-Quiquemelle en avril 2017

 

Préambule

 

Tout est parti d’un voyage de tourisme au retour d’un séjour aux Etats-Unis, un peu par hasard, grâce à une annonce dans Le Monde proposant un voyage en Chine. C’était en 1964, à l’époque de la reconnaissance de la Chine par le général De Gaulle, reconnaissance qui a marqué la reprise des relations diplomatiques entre la France et la Chine. C’était l’époque aussi d’une immense curiosité pour un pays qui restait mystérieux aux yeux des Occidentaux, et qui allait l’être d’autant plus qu’il allait bientôt se couper totalement du monde, pendant dix ans.

 

En rentrant de ce voyage, elle s’inscrit en classe de chinois à Langues O, puis à la Sorbonne.

 

Les débuts d’une passion et d’un engagement

 

A l’époque, pour pouvoir s’inscrire en chinois à l’université, il fallait d’abord avoir commencé l’étude de la langue au lycée. Mais seuls trois établissements en offraient la possibilité. C’est parce qu’elle avait une licence d’histoire qu’elle a pu s’inscrire à la Sorbonne. A partir de là, son intérêt est allé croissant, non seulement pour la langue elle-même, mais aussi pour le pays et sa culture.

 

En 1965, en effet, est projeté à Paris la première partie du chef d’œuvre des frères Wan, « Le Roi des Singes bouleverse le Palais céleste » (《大闹天宫》), en compétition à Locarno cette année-là. C’est le film qui marque le début de sa passion pour ce cinéma, qui s’est étendue ensuite à l’opéra et à tous les arts, et qu’elle a cherché à faire partager en diffusant les plus belles œuvres du répertoire.

 

Mais c’était une période chaotique : en Chine, 1966 est l’année du début de la Révolution culturelle, et en France, 1968 marque une période de bouleversement dans les universités.

 

De la réforme de l’enseignement du chinois au cinéma

 

La culture, élément essentiel de l’enseignement de la langue

 

Jacques Gernet

 

C’est justement la réorganisation des universités parisiennes à la suite des événements de 1968 qui a permis d’y promouvoir l’enseignement du chinois, en ouvrant des classes aux débutants qui en étaient jusque-là exclus. Ce qu’on appelait Langues O, où pouvaient entrer les débutants, avait des classes surchargées, dans des locaux exigus. Une réforme s’imposait.

 

Le mouvement démarre à la Sorbonne ; Marie-Claire y participe en tant que représentante des étudiants, mais surtout en fidèle disciple du grand sinologue Jacques Gernet [1] qui joue alors un rôle déterminant dans l’évolution de la discipline et dont elle a continué à défendre et promouvoir les idées.

 

L’idée de base, fondamentale, est qu’une langue n’a de sens, et ne peut donc être enseignée, que dans son contexte culturel, qui en fait toute la richesse. L’enseignement d’une

langue limité à ses composantes syntaxiques et lexicales atteint vite ses limites.

 

L’enseignement duchinois à Paris 7

 

C’est dans cette optique que Jacques Gernet fonde en 1968 l'Unité d'enseignement et de recherche des Langues et civilisations de l'Asie de l'Est (ou UER d’Asie orientale), qu'il dirige jusqu'en 1973. Comportant japonais, coréen et vietnamien aux côtés du chinois, cette UER trouve sa place à l’université Paris 7 qui, à la suite de la loi Edgar Faure, est au même moment en train de se structurer, à partir de la reconfiguration de la Faculté des sciences, autour d’un noyau de disciplines médicales et scientifiques, dans une optique pluridisciplinaire et d’ouverture culturelle.

 

L’université ainsi créée, et hébergée un temps sur une partie du campus de Jussieu-Paris 6, associe médecine, sciences et lettres (dont les langues). Dans l’esprit d’ouverture de l’époque, le chinois est ainsi introduit dans l’enseignement des langues à l’université, avec le soutien d’Edgar Faure et après des heures de discussion auxquelles participe Marie-Claire en tant que déléguée des étudiants.

 

Comme se rappelle le premier président de Paris 7, Michel Alliot, la principale question posée par les candidats à l’université en 1970 était de savoir « ce qu’il y avait de neuf » [2]. Parmi cela, il y avait le chinois.

 

La langue comme culture

 

Les cours ont tout de suite rencontré un grand succès. Restait à trouver des enseignants spécialisés, capables d’enseigner des disciplines non strictement linguistiques, mais venant en complément des cours de langue stricto sensu.

 

Les principaux cours ont été assurés par de grands professeurs, dont beaucoup venus de l’Inalco : Jacques Gernet, bien sûr, pour le chinois classique, Marie-Claire Bergère [3] pour l’histoire et la civilisation, Eric Trombert [4] pour l’histoire de la Chine ancienne, Jacques Reclus pour la traduction et son épouse (d’abord lectrice) pour la langue et la littérature [5]

 

Pour les autres disciplines, les enseignants ont été recherchés parmi les "lecteurs" de l’université – statut créé pour l’enseignement de

 

Jacques Reclus devant sa machine à écrire

l’anglais, consistant à faire venir des étudiants étrangers pour deux ou trois ans, en les payant neuf mois dans l’année, ce qui permettait aussi de recruter des enseignants étrangers sans diplômes reconnus en France. Puis la recherche s’est étendue à des intellectuels et artistes chinois vivant en France en y gagnant misérablement leur vie, souvent dans des restaurants, et ravis de pouvoir enseigner des disciplines qui leur étaient chères.

 

C’est ainsi, par exemple, qu’ont été recrutés des spécialistes de l’opéra de Pékin, de poésie classique et autres disciplines littéraires et artistiques, commele peintre Xiong Bingming (熊秉明) [6], qui était lecteur à Langes-O, et a été chargé de deux cours, un cours de calligraphie et un cours sur Lu Xun.

 

En même temps, toute une dynamique a été créée pour transformer les postes de lecteurs en postes d’assistants et les sécuriser. Et Marie-Claire Quiquemelle a pris son bâton de pèlerin pour aller défendre certains dossiers auprès du ministère. C’est ainsi que Pénélope Bourgeois et Ines Tan, par exemple, ont accédé au poste d’assistant.

 

Mais la constitution du corps enseignant n’était pas la seule difficulté…

 

Le cinéma à défaut de manuel

 

Dans les années 1970, il était difficile de trouver des livres et des documents pour l’enseignement du chinois : à cause de la Révolution culturelle, en Chine, pratiquement toutes les publications avaient été gelées, et les rayonnages des libraires étaient quasiment vides, hormis les œuvres du président Mao.

 

Certains professeurs avaient leurs ressources personnelles, et pouvaient accéder à certains documents grâce à leurs contacts à l’étranger. C’est le cas, par exemple, de madame Reclus qui distribuait à ses élèves des polycopiés, dont l’un était une copie d’un manuel de Pékin et d’autres des textes envoyés par des amis taïwanais [7]. Mais les enseignants manquaient cruellement d’outils pédagogiques.

 

Marie-Claire Quiquemelle a donc pensé que le cinéma pourrait, dans ces conditions, offrir un potentiel à la fois culturel et linguistique en complément des peu d’outils disponibles. Elle a alors constitué un petit groupe de recherche à Paris 7 et, à partir de 1972, a organisé des projections de films : une séance hebdomadaire, avec surtout des films de Chine populaire, complétés à l’occasion par des films de Hong Kong.

 

La Princesse à l’éventail de fer

 

Le public était mixte : des étudiants français, mais aussi des Chinois vivant à Paris et inscrits à l’université pour apprendre le français ; les films projetés leur permettaient de se ressourcer, de se replonger dans une culture qui était leur culture ancestrale. C’est dans le cadre de ce ciné-club universitaire qu’a eu lieu la projection du

premier long métrage d’animation chinois : « La Princesse à l’éventail de fer » (《铁扇公主》) [8].  

 

Les films étaient, pour la plupart, prêtés au départ par les services culturels de l’ambassade de Chine. Mais, peu à peu, ils ont été achetés ou sont provenus de dons, surtout de Hong Kong. C’est ainsi que s’est constitué un fonds de films qui s’est peu à peu étoffé et a été complété au fil du temps par des documents d’archives permettant des recherches sur les films, et qu’elle a institutionnalisé sous forme associative en fondant le Centre de documentation sur le cinéma chinois ou CDCC, formellement constitué en 1979 [9].

 

En 1973, déjà, elle a pu monter un programme d’une trentaine de films à la Cinémathèque française, alors sous la direction d’Henri Langlois. C’était le début d’un long travail de prospection et conservation de films dont beaucoup sont aujourd’hui difficilement trouvables.

 

Promotion, diffusion et préservation du cinéma chinois

 

Ce qui a commencé comme une nécessité due aux hasards du moment a été poursuivi et systématisé avec le sens d’une mission à accomplir, dans un double sens : faire connaître et préserver.

 

Mission d’information et diffusion

 

Dans les années 1970 encore, le cinéma chinois était un domaine quasiment vierge en France. La première projection d’un film chinois en France est réputée être celle de « La Rose de Pushui » (《西厢记》), sorti en 1927 à Shanghai et projeté l’année suivante, dans une version écourtée, au Studio 28 à Paris [10]. Des films sont diffusés au début des années 1950 par l’Association des amitiés franco-chinoises – dont « La fille aux cheveux blancs » (《白毛女》), le grand classique de Shui Hua (水华) et Wang Bin (王滨) sorti en 1950.

 

C’est dans ce cadre que sont présentés la plupart des films chinois diffusés en France jusqu’en 1971, quand Danielle Wasserman, directrice du Studio Séverin, en projette une petite demi-douzaine, initiative qu’elle répète en 1978 avec la programmation de six films réalisés entre 1960 et 1964 qui avaient été interdits pendant toute la Révolution culturelle, mais qui venaient de ressortir en Chine l’année précédente

  

C’est donc dans ce contexte que l’action de Marie-Claire Quiquemelle prend toute sa signification. Forte de sa première expérience, elle participe en 1979 au Festival du cinéma du Tiers Monde où est présentée une quinzaine de films [11].

 

Mais la première grande rétrospective du cinéma chinois est celle du festival Ombres électriques qu’elle organise au cinéma La Pagode en juin 1982, à la suite de celle qui avait eu lieu Turinen début d’année sous la direction de Marco Müller, et à laquelle elle avait collaboré [12]. Une petite moitié des quelque 130 films chinois du programme turinois ont ensuite été prêtés au CDCC pour le festival Ombres électriques : du « Collier de perles » (《一串珍珠》) réalisé en 1926 par Li Zeyuan (李泽源) à « La véritable histoire d’AQ » (《阿Q正传》) de Cen Fan (岑范) qui fit sensation au festival de Cannes en 1982. Soit un panorama de près de soixante ans de cinéma en soixante films.

 

Un collier de perles (1926)

 

La rétrospective a rencontré un grand succès auprès du public, mais n’a eu pour principal soutien que celui du Club Méditerranée ; elle n’a bénéficié d’aucun soutien d’organismes publics, Centre national du cinéma (CNC) ou autres. Elle a eu cependant un impact important. D’abord elle a permis de corriger des idées préconçues et de lever les préventions qu’avaient les journalistes, en particulier, contre le cinéma chinois, faute de le connaître. C’est cette rétrospective, aussi, qui a convaincu le responsable des Films de l’Atalante, Gérard Vaugeois, de sortir en salles deux des plus beaux films du programme : « Le Roi des Singes » (《大闹天宫》) et « Les Anges du boulevard » (《马路天使》), sortis respectivement en France en juin et décembre 1983.

 

C’est à la suite de cette manifestation que naît l’idée d’une grande rétrospective du cinéma chinois à la Cinémathèque française, comme elle en consacre régulièrement à diverses cinématographies nationales, mais comme le fait aussi le Centre national Georges Pompidou. La manifestation est finalement organisée conjointement par les deux établissements et l’événement a lieu du 15 décembre 1984 au 28 février 1985, au Centre Pompidou.

 

C’est Jean-Loup Passek, directeur depuis 1973 du festival de La Rochelle et depuis 1978 des collections cinéma du Centre Pompidou, qui est chargé de chapeauter la programmation et l’organisation de l’événement, et Marie-Claire s’impose alors pour le seconder. Elle conçoit le programme, commençant en 1922 avec « La romance d’un marchand ambulant » (《掷果缘》) de Zhang Shichuan (张石川) et terminant en 1984 avec un film alors juste achevé, « Par monts et par vaux » (《闯江湖》) de Cen Fan (岑范) : 141 films, dont une centaine en provenance de Chine, les autres de cinémathèques et autres fonds, et la plupart inconnus en France.

 

Le cinéma chinois

 

Mais, parallèlement, Marie-Claire a aussi dirigé la rédaction du catalogue de la rétrospective, et en particulier de ses fiches sur les films et notes biographiques sur les réalisateurs, réalisées par Magali Reclus, Eric Trombert et elle-même. Sobrement intitulé « Le cinéma chinois », l’ouvrage est resté la référence fondamentale sur ces soixante ans de cinéma,du début des années 1920 au début des années 1980. 

 

Depuis lors, elle continue à faire connaître un cinéma qui s’est vite développé en se diversifiant, et dans la même optique culturelle au sens large que celle qui avait présidé aux débuts de son action à Paris 7 sous l’égide de Jacques Gernet. C’est ainsi que, en collaboration avec Gilles Guiheux, alors directeur de l’Institut Confucius de cette même université, elle a lancé dans cet établissement, à l’automne 2010, un cycle de cinéma

chinois intitulé « De l’écrit à l’écran » consacré aux films chinois adapté d’œuvres littéraires, dans le but de développer la culture cinématographique en lien avec la littérature. Le cycle achève sa 7ème saison en cette fin de printemps 2017, avec près d’une centaine de films à son actif. 

 

De façon générale, Marie-Claire Quiquemelle a participé et participe aux divers festivals de cinéma chinois et rétrospectives de films anciens, et en particulier aux programmesde films d’animation, le cinéma d’animation chinois étant devenu l’un de ses plus importants domaines de recherche.

 

Promotion du cinéma d’animation chinois

 

Elle a commencé par projeter au ciné-club de Paris 7 le premier long métrage d’animation chinois : « La Princesse à l’éventail de fer » (《铁扇公主》), puis, au cours de ses recherches et de ses voyages à Shanghai, a fait la connaissance des grands artistes des Studios d’art de Shanghai (上海美术电影制片厂), les frères Wan (万氏兄弟), Ah Da (阿达), Te Wei (特伟) entre autres. Elle a œuvré pour la défense et la promotion des Studios et de leurs artistes, en soulignant et expliquant les particularités de leurs films et les techniques spécifiques qu’ils ont développées [13].

 

Marie-Claire en dialogue avec Te Wei à Shanghai

en 2005 (still du film Rêves de singe)

 

Un de ses films favoris : La flûte du bouvier

(Te Wei/Qian Jiajun, 1963)

 

Elle continue à suivre les développements de ce cinéma alors que les équipes des Studios de Shanghai ont été dispersées sous prétexte de moderniser le secteur. Tout en déplorant la baisse générale du niveau des films promus aujourd’hui par les autorités du cinéma, elle garde des contacts avec les artistes qui ont survécu aux Studios, et en a noué avec ceux qui ont émergé ces dernières années et tentent de survivre en indépendants.

 

En 2014, elle a organisé une rétrospective de 110 films d’animation chinois, qui a eu lieu en septembre au Centre culturel de Chine à Paris. A la suite de ces projections, elle a publié un catalogue richement illustré, édité par le CDCC, qui fait le point sur les films et leurs auteurs, de 1941 à 2014.

 

Ce cinéma d’animation qui a produit de véritables œuvres d’art est devenu sa grande spécialité. Elle est sans doute celle, dans le monde, qui le connaît le mieux, parce qu’elle en connaissait les auteurs et les arcanes, sur le terrain.

 

Mission de préservation

 

Outre cette action de diffusion et promotion, Marie-Claire Quiquemelle s’est aussi, par le biais du CDCC, investie de la mission de préserver des films rares, dont elle détient parfois l’unique copie subsistante.

 

Avec le cinéaste d’animation Pu Jiaxiang

à Shanghai en décembre 2012

  

Shi Hui et LiLihua dans

Fake Phoenixes Jiafeng Xuhua

 

C’est alors queles échanges culturels avec la Chine continentale étant impossibles, dans les années 1970, qu’elle est souvent allée à Hong Kong. Se trouvaient là de nombreux cinéastes de Shanghai, partis au moment de la fondation de la République populaire, qui y poursuivaient leur travail et leurs carrières. Des copies de vieux films étaient conservées dans des entrepôts où elles souffraient du climat, chaud et humide, et beaucoup s’abîmaient. A ce moment-là, les Archives du film de Hong Kong n’existaient pas encore, elles n’ont été créées qu’à partir de 1993. Or, quand une pellicule commence à s’abîmer, le processus est irréversible.

 

Marie-Claire a alors fait la connaissance de diverses personnalités du cinéma, dont Wu Xingzai (吴性栽), créateur de la Wenhua en 1946, et Tong Yuejuan (童月娟), cofondatrice de la compagnie Xinhua, puis, à Hong Kong, de la compagnie de la Grande Muraille. C’est Wu Xingzai lui-même,

par exemple, qui lui a confié Jiafeng Xuhuang (《假凤虚凰》) ou « Fake Phoenixes » [14], un film tourné en 1947 à la Wenhua (文华影片公司) par le dramaturge et réalisateur Huang Zuolin (黄佐临), sur un scénario de Sang Hu (桑弧), avec, dans les rôles principaux, deux des grandes stars de l’époque : l’acteur Shi Hui (石挥) et l’actrice Li Lihua (李丽华).

 

C’est le premier film chinois à avoir été doublé en Chine par des Chinois, et projeté à l’étranger - en Europe et aux Etats-Unis - après la seconde guerre mondiale. Le magazine Time a même consacré trois pages au film dans l’un de ses numéros de l’année. Il ne reste à l’heure actuelle qu’une copie du film, en 16mm, et c’est celle du CDCC. C’est un exemple.

 

Ces films sont très délicats. Jiafeng Xuhuang n’a pas été restauré, mais a été nettoyé, manuellement. Ces anciens films, explique Marie-Claire Quiquemelle, étaient projetés avec des machines qui étaient huilées ; au cours du temps, à la graisse s’est mêlée de la poussière, il faut donc les nettoyer minutieusement. Les films du CDCC font l’objet de soins attentifs.

 

C’est dans le même esprit que, dans les années 1980, elle a également développé des liens étroits avec des réalisateurs de Chine continentale, et en particulier les grands maîtres du cinéma chinois d’animation.

 

C’est en grande partie pour donner une identité juridique à ce fond de films rares qu’elle a créé le CDCC en 1979, les pellicules étant archivées et préservées dans les voûtes de la Direction du patrimoine du CNC à Bois d’Arcy.

 

Avec Kuo Kwan-Leung, interviewés

au musée de Shanghai en novembre 2015

 

Bai Guang et le mythe de l’enchanteresse

 

Elle les prête pour des festivals, des rétrospectives et manifestations diverses. C’est ainsi que, en décembre 2015, le CDCC a collaboré avec les Archives du film de Shanghai pour une programmation exceptionnelle de grands classiques du cinéma chinois, apportant pour l’occasion cinq films rares marquant la transition du cinéma de Shanghai à celui de Hong Kong à la fin des

années 1940. Elle avait également prêté à la Cinémathèque française le dernier des films de cette programmation, « Enchanteress of a Generation » ou « Héroïne des années vingt » (《一代妖姬》), pour le programme « Portrait de femmes dans le cinéma chinois », en novembre 2014, programme par ailleurs inégal où il n’avait pas été mis en valeur comme il le méritait. 

 

Travail de recherche au CNRS

 

Et comme si tout cela ne suffisait pas, elle a mené parallèlement un travail de recherche dans le cadre de son poste au CNRS, poste de collaborateur technique dans l’équipe de recherche associée sur la littérature chinoise qui lui a été attribué au début des années 1970.

 

Dans un esprit culturel et ethnographique, elle aainsi parcouru la Chine pour en fixer sur la pellicule les traditions et coutumes menacées, ses intérêts allant de l’opéra traditionnel dans ses composantes régionales et populaires aux traditions culturelles des miao du Guizhou dont elle a rassemblé une formidable collection de tissus brodés.

 

Elle ne regrette qu’une chose : ne pas avoir assez de temps pour parvenir à compiler des ouvrages sur les sujets qui lui tiennent le plus à cœur et dont elle détient un savoir unique.

 


 

Filmographie et publications

 

Documentaires

- Les disciples du Jardin des poiriers, 52’, CNRS 1987

- Fleur de scène, naissance d’une star de l’opéra de Pékin, 27’, CNRS 1986  (portrait de Wang Runqing)

- Zayoun, la Chine des merveilles, 52’, 1991  (les richesses mêlées de Quanzhou)

- La danse des dieux, 50’, 1994  (théâtre masqué Di Xi de la région d’Anshun, au Guizhou)

- Le mythe du buffle, 52’, 1995  (documentaire sur les miao du Guizhou)

- Les tambours divins de l’Amdo, le rituel d’été au pays de Reb Gong, 61’, 1998

- Des tréteaux en plein vent, 31’, 1988  (tourné dans le Hebei fin 1987)

- Les Pélerins de l’Amnye Machen, 59’, 2006  (un pèlerinage en terre tibétaine)

- Rêves de singe, les Studios d’art de Shanghai, coréalisé avec Julien Gaurichon, 26’, 2006.

 

Directeur de publication

Le cinéma chinois, ouvrage collectif sous la direction de M.C. Quiquemelle et Jean-Louis Passek, Centre Georges Pompidou, 1985, 279 p.

 

Articles

Dans divers dictionnaires et ouvrages collectifs sur le cinéma :

- Les Frères Wan et 60 ans de dessins animés chinois, Centre international du film d’animation d’Annecy, 1985.

Repris en anglais dans :

- The Wan Brothers and Sixty Years of Animated Film in China, in Perspectives on Chinese Cinema, ed. by Chris Berry, British Film Institute 1991, pp. 175-186.

- Le théâtre traditionnel chinois, l’opéra de Pékin, brochure illustrée du Centre national de documentation pédagogique (CNDP) avec 24 diapositives, 1987.

- La compagnie cinématographique Lianhua et le cinéma progressiste chinois, 1931-1937, avec Anne Kerlan-Stephens, Arts asiatiques 2006, vol. 61 n° 1, pp. 181-195.

A lire numérisé en ligne : http://www.persee.fr/doc/arasi_0004-3958_2006_num_61_1_1647

- Notices biographiques in Dictionnaire du cinéma asiatique, sous la direction d’Adrien Gombeaud, Nouveau Monde éditions, octobre 2008.

 

Sur les Miao :

- Tissu et broderies Miao de la province du Guizhou, Arts asiatiques 2004, vol. 59 n° 1, pp. 101-125.

A lire numérisé en ligne : http://www.persee.fr/doc/arasi_0004-3958_2004_num_59_1_1517

 


 

Bibliographie

 

- Littérature chinoise, trimestre 3, 1984, rédacteur en chef Yang Xianyi, Spécial cinéma : Présence du cinéma chinois en France, compte rendu d’une table ronde organisée et animée par Denis Lavaud, et ayant réuni à Paris, en février 1984, Régis Bergeron, Patrick de Froidcourt, Gérard Vaugeois et Marie-Claire Quiquemelle, pp. 4-11.

 


 


[1] Eminent sinologue né en 1921, élève de Paul Demiéville, membre de l’Ecole française d’Extrême-Orient. Directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) puis à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, il enseigne parallèlement la langue et la civilisation chinoises à la Faculté des lettres de Paris (Sorbonne) à partir de 1957. Il est titulaire de la chaire d'histoire sociale et intellectuelle de la Chine au Collège de France de 1975 à 1992. Son principal ouvrage, « Le Monde chinois », publié en 1972, reste un ouvrage de référence.
Notice bibliographique et principales publications (ouvrages et articles) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Gernet

[2] Selon l’entrevue parue en mai 1990 dans le numéro spécial « Paris 7 a 20 ans » du journal de l'université 7 à dire (pages 9 à 11). A lire sur le site de l’université :

http://w3.univ-paris-diderot.fr/sc/site.php?bc=archivesP7&np=Alliot

[3] Agrégée d’histoire, professeur à l’Inalco (professeur émérite, puis honoraire), ancien directeur de recherche à l’Ehess, Notice bibliographique : http://cecmc.ehess.fr/index.php?2560

[4] Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la culture matérielle de la Chine médiévale.

Bibliographie : http://www.crcao.fr/IMG/pdf/Bibliographie_d_Eric_TROMBERT.pdf

[5] Jacques Reclus (1894-1984), fils de l’anarchiste Paul Reclus, élevé en exil en Ecosse puis à Bruxelles, musicologue et pianiste dont la carrière fut stoppée par la perte de deux doigts pendant la guerre de 14 ; en 1927, à la demande de l’anarchiste chinois Wu Kegang, il part enseigner le français à l’Université du travail à Shanghai, bientôt privée de fonds par le Guomingdang. Jacques Reclus reste pourtant en Chine, et, pendant la guerre contre le Japon, se retrouve à Kunming où, en 1939, il rencontre Huang Shuyi dont il a une fille, Magali, l’année suivante. Leur mariage est célébré après leur retour à Pékin, en 1947. Ils rentrent ensemble en France en 1952, en laissant Magali aux soins d’une tante maternelle ; elle ne les rejoindra qu’en 1979.

[6] Peintre, sculpteur et calligraphe réputé (1922-2002).

[7] Son mari et elle ont traduit des textes classiques dont certains sont restés inédits, et quelques autres ont été publiés par le Centre de publication lié à l’UER : « Le vendeur d’huile », de Feng Menglong en 1976 et « Retrouvailles » de Lao She, en 1977 par exemple.

[8] Sur les films des frères Wan, voir : http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Wan_xiongdi.htm

[9] Voir le détail des fonds et activités du CDCC sur son site : http://cdccparis.blogspot.fr/2008/04/le-c_28.html

Le CDCC est aujourd’hui présidé par Kuo Kwan-Leung (郭钧亮), l’époux de Marie-Claire Kuo-Quiquemelle qui travaille activement avec elle à la préservation et mise en valeur du fonds.

[10] Première salle parisienne d’avant-garde inaugurée le 10 février 1928 par Jean-Placide Mauclaire, dont « La Rose de Pushui » fait partie des films de lancement.

[11] Cet éphémère festival né de l’esprit du temps fut précédé du cycle cinéma du festival de Royan, lancé en mai 1976 et consacré au cinéma d’Asie du sud-est. A un moment où Mao était encore vivant, et où Deng Xiaoping amorçait son retour, le cinéma chinois attira la curiosité, mais les films chinois programmés étaient des films de la fin de la Révolution culturelle qui ne pouvaient se comparer aux films indonésiens ou vietnamiens projetés par ailleurs, dont : « Des jours ensoleillés » (艳阳天) réalisé par Lin Nong (林农) en 1973, « Notre époque de feu » (火红的年代) sorti en 1974 et « La rupture » (決裂), de Li Wenhua (李文化) produit par le Studio de Pékin en 1975.

Voir l’article du Monde diplomatique annonçant le festival :

https://www.monde-diplomatique.fr/1976/05/RAMONET/33778

[12] La rétrospective s’est tenue du 25 février au 8 mars 1982, en présence d’une délégation chinoise de dix acteurs et réalisateurs, menée par le vice-ministre de la culture et vice-président de China Film Chen Huangmei (陈荒煤). C’est vraiment la manifestation qui, au début des années 1980, a fait prendre conscience en Occident de la richesse du cinéma chinois.

[14] En français « La Dot en carton »

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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