Jia Zhangke de
retour au festival de cinéma de Pingyao, mais pour quoi
faire ?
par Brigitte Duzan, 8 juin 2021
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Le PYIFF |
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À la surprise générale, en octobre 2020,à l’issue de la 4ème
édition du Festival international de cinéma de Pingyao ou
PYIFF (平遥国际电影展)
qu’il a lui-même cofondé,
Jia Zhangke a annoncé qu’il laissait la
barre à d’autres.
Un peu d’eau est passée sous les ponts, et le voici de
retour, mais dans des conditions pour le moins imprécises.
Le 1er juin 2021, lors d’une conférence de presse
à Taiyuan, il a annoncé que la 5ème édition du
festival aurait bien lieu, du 12 au 19 octobre suivants,
dans la vieille ville de Pingyao comme les quatre
précédentes, mais avec quelques changements.
Le principal changement annoncé tient à l’organisation : le
festival est désormais coorganisé par l’Institut du cinéma
du Shanxi (山西电影学院)
de l’Université des communications du Shanxi (山西传媒学院)
qui sera, entre autres, responsable de l’allocation des
fonds alloués au festival par le gouvernement de la
province.
Cet Institut de formation aux métiers du cinéma a été fondé
en avril 2020 par Jia Zhangke lui-même, avec les grands noms
de ce qui a été le « cinéma indépendant » chinois : les
réalisateurs
Ning
Hao (宁浩),
Li
Ruijun (李睿珺),
Zhang Yibai (张一白),
Bi Gan (毕赣),
le directeur de la photo
Yu
Lik-wai (余力为),
et certains des anciens collaborateurs de Jia Zhangke. Bi
Gan et Li Ruijun sont eux-mêmes d’anciens élèves de
l’Université des communications du Shanxi qui est par
ailleurs un organisme de formation à des postes de
responsabilité dans les institutions de contrôle comme
l’Administration d’Etat de la radio et de la télévision,
dont dépend aussi le cinéma.
Par ailleurs, l’équipe de direction et de programmation a
également été restructurée. Marco Müller, cofondateur du
festival, abandonne ses fonctions de directeur artistique
pour devenir conseiller en chef, et uniquement pour la
sélection des films internationaux. La direction artistique
est confiée à Lin Xudong (林旭东),
qui a monté trois films de Jia Zhangke, à commencer par
« 24
City » (《二十四城记》),
et qui fait partie de l’équipe de l’Institut du cinéma du
Shanxi. Le reste de l’équipe de programmation du festival
est inchangé et continuera à assurer la sélection des films
… non chinois.
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Les cofondateurs du
festival, Jia Zhangke et Marco Müller |
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Quant à la structure même du festival, elle reste la même,
avec ses cinq sections : Crouching Tigers (卧虎)
pour les premiers films de réalisateurs internationaux ;
Hidden Dragons (藏龙)
pour les premiers films en langue chinoise ; deux sections
de rétrospectives et une section consacrée aux productions
locales, ou en lien avec la province, avec des prix visant à
les promouvoir et les aider.
Quant au rôle et à la place de Jia Zhangke dans cette
nouvelle mouture du festival, elle reste floue. Interrogé à
ce sujet, il a répondu par une boutade : qu’il aurait enfin
la possibilité de s’asseoir avec le public pour regarder les
films… L’image du réalisateur assis au milieu de rangées de
fauteuils vides illustrant l’article de Patrick Frater sur
la réorganisation du festival paru sur le site de Variety
semble tristement symbolique.
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Jia Zhangke (photo
Variety) |
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Pingyao va donc rester une ouverture intéressante au cinéma
mondial pour les cinéphiles chinois, mais sous contrôle
renforcé. Quant au cinéma chinois, il est à craindre qu’il
soit réduit à son expression officielle, Pingyao devenant en
gros un doublon du festival de Shanghai.
Dans ces conditions, il faut prier le ciel que le
festival FIRST de Xining
puisse continuer à offrir une vitrine au meilleur de
la nouvelle génération des cinéastes chinois - vitrine ô
combien fragile, et d’autant plus précieuse.
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