l’un
des grands classiques chinois du début des années 1980
par Brigitte
Duzan, 23 octobre 2016
« The
Rickshaw Boy » ou « Le Pousse-pousse » (《骆驼祥子》)
fait partie
des films qui ont marqué le cinéma chinois au début
des années 1980, avant que ces œuvres ne soient
injustement reléguées aux oubliettes de l’histoire
par le succès médiatique et médiatisé des
réalisateurs de la cinquième génération.
Son auteur,
Ling Zifeng (凌子风),
est considéré comme faisant partie de la troisième
génération des réalisateurs chinois, la génération
de
Sang Hu (桑弧)
et
Shui Hua (水华) :
des cinéastes dont l’un des genres favoris est
l’adaptation de grands classiques de la littérature
chinoise, pièces de théâtre, opéras, romans ou
nouvelles.
La nouvelle
« Le
Pousse-pousse » (《骆驼祥子》)
entre dans
cette catégorie : le film est l’adaptation
d’une nouvelle éponyme de Lao She (老舍), initialement
publiée en 1936, qui constitue l’apogée de la
période créatrice la plus brillante de l’auteur.
Le Pousse-pousse
L’histoire se
passe dans
les années 1930, à Pékin. Le personnage principal, surnommé
Xiangzi (祥子),
c’est-à-dire (ironiquement) ‘le veinard’, est un jeune
campagnard venu dans la capitale chercher un avenir
meilleur ; travailleur et optimiste, il se faittireur de pousse
et n’a plus dès lors
qu’un idéal en tête : économiser
suffisamment pour se payer son propre pousse et devenir
ainsi indépendant. Chaque fois qu’il est proche de son but,
cependant, il se fait voler son argent et retombe au point
de départ, jusqu’à finir par perdre ses illusions et tomber
dans la misère, la déchéance et le désespoir.
Siqin Gaowa dans le
rôle de la Tigresse
C’est une
œuvre sombre, qui dépeint la société chinoise des
années 1930 comme viciée et mortifère, gangrenée à
tous les niveaux par une course générale à l’argent,
les uns pour s’enrichir, les autres pour survivre,
ces derniers n’ayant aucun espoir, finalement, de
voir des jours meilleurs. Une société où l’homme est
un véritable loup pour l’homme et finit par
corrompre même les éléments les plus purs comme
Xiangzi.
Peinture
désabusée de la société des années 1930, l’œuvre
valut pourtant à Lao She de sévères critiques, à une
époque où les directives officielles demandaient des
œuvres « positives ». Il dut la remanier au début
des années 1950.
Le film
Le film est globalement fidèle à la nouvelle, avec
une certaine inflexion du ton général, dans la ligne
des « corrections » effectuées par Lao She, qui ont
été conservées dans les principales éditions
officielles du récit. L’autre initiative de Ling
Zifeng est l’insertion de quelques scènes de
comédies qui tendent à alléger l’atmosphère générale
du film, tout en restant cependant marginales.
La différence essentielle est peut-être l’optique
globale des deux œuvres :
la nouvelle de Lao She
est
plutôt une réflexion sur la société, et la place que
peut y avoir l’individu (et la
Avec Zhang Fengyi
notion d’individualisme) ; le film, quant à lui, aborde
l’histoire plutôt sous l’aspect de l’individu, broyé par la
société. En ce sens, chacune des deux œuvres reflète
l’esprit de leur époque, et peut en être considérée comme
représentative.
Les acteurs
Les rôles secondaires sont tous remarquablement
interprétés, mais ce sont les deux rôles principaux
qui ont surtout contribué au succès du film : ils
sont interprétés par un acteur et une actrice dont
il lança la carrière.
1. Xiangzi est interprété par Zhang
Fengyi (张丰毅).
Entré à l’Académie du cinéma de Pékin en 1978,
Reconstitution du
vieux Pékin
dans la section
interprétation, il commença sa carrière d’acteur à Hong Kong
dans un film peu mémorable sorti en 1982 . Cette même année,
il joua ensuite dans « Memories of Old Beijing » (《城南旧事》),
premier film de Wu Yonggang (吴永刚),
et dans … « Le Pousse-pousse ».
Les chameaux
Il devint
aussitôt célèbre, mais sa notoriété fut encore
accrue, en 1993, par son rôle dans
« Adieu ma concubine »
(《霸王别姬》) de
Chen Kaige (陈凯歌),
film où il interprète l’un des deux rôles
principaux : celui de de Duan Xiaolou (段小楼)
aux côtés de
Leslie Cheung. Il
est
2. Huniu (虎妞),
la ‘Tigresse’ dans la traduction du roman par Anne Cheng,
est interprétée par l’actrice d’origine mongole Siqin Gaowa
(斯琴高娃) :
c’est le film qui l’a fait connaître, lui valant le prix du
Coq d’or et le prix des Cent Fleurs de la meilleure actrice
lors de la sortie du film, en 1983.