Leslie Cheung aura été l’une des plus grandes stars
de Hong Kong, immensément populaire autant comme
chanteur que comme acteur, capable de galvaniser la
foule dans une salle de concert comme à l’écran.
Considéré comme l’un des fondateurs de la canto-pop,
il est aussi l’interprète des grands films des
années 1980-90 à Hong Kong.
Son suicide, en 2003, a révélé un personnage
complexe et douloureux derrière les apparences, et
laissé un souvenir qui perdure dans la mémoire
collective de Hong Kong comme dans celle de ses fans
dans le monde entier.
Enfance malheureuse et débuts difficiles
Enfance triste
Leslie Cheung
Leslie Cheung est né en 1956 à Kowloon, à Hong Kong, dernier
enfant d’une fratrie de dix, dans une famille hakka. Son
père était un tailleur réputé, dont la clientèle comptait
des acteurs célèbres.
Mais il avait une concubine, ce qui était courant, le foyer
n’était pas uni, et ses parents ont divorcé quand il était
enfant ; il a été élevé par sa grand-mère. A l’âge de douze
ans, il est envoyé chez des parents en Angleterre. Il va à
l’école et travaille dans le restaurant familial.
Enthousiasmé par le film « Autant en emporte le vent », il
se choisit le prénom Leslie, en hommage à l’acteur Leslie
Howard qui y joue le rôle d’Ashley Wilkes.
A la fin de ses études secondaires, il s’inscrit à
l’université de Leeds, pour faire des études sur le
management dans l’industrie textile. Il préfère suivre des
cours de stylisme, mais son père fait un infarctus, et il
doit rentrer à Hong Kong. Il ne reviendra jamais en
Angleterre, même après le rétablissement de son père.
Débuts difficiles de chanteur et acteur
Second prix au
concours de la chanson d’ATV, 1977
Il décide
de se lancer dans la chanson. Il n’a pourtant pas
une très belle voix. Il lui faudra des années de
travail pour parvenir à la former. En1977,
il participe pourtant à un concours de chanson pour
amateurs, l’ATV Asian Music Contest (“亚洲歌唱比赛”),
et il décroche le second prix. Mais le succès ne
vient pas tout de suite. Ses premières apparitions à
la télévision ne donnent rien. Sur scène, il est
même plusieurs fois hué, en particulier pour son
attitude de jeune rebelle qui déplaît au public,
dans la Hong Kong de la fin des années 1970.
En 1978, il décroche un rôle dans un film qu’il qualifiera
lui-même de désastre, « Erotic Dreams of the Red Chamber » (《红楼春上春》).
C’est un début très peu glorieux, mais c’est un début.
Extraitde Erotic Dreams of the Red Chamber, avec Leslie
Cheung
C’est au début des années 1980 que sa carrière prend
peu à peu un tour nouveau. Il tourne dans des films
sur les problèmes de la jeunesse hongkongaise qui
commencent à le poser en idole des adolescents :
« Encore » (《喝采》)
de Clifford Choi, en 1980, « Job Hunter » (《失业生》)
de Clarence Ford en 1981, et surtout, en 1982,
« Nomad » (《烈火青春》)
de Patrick Tam (谭家明),
un des films qui s’inscrit dans les débuts de la
Nouvelle Vague du cinéma de Hong Kong. Leslie Cheung
y interprète le rôle principal de Louis, un jeune
homme d’une riche famille hongkongaise dont la mère
est morte et qui peine à trouver un but à sa vie.
En même temps, il commence à percer dans le domaine
de la chanson. Il sort son premier album en 1983 :
« The
Wind Blows».
Dans The Drummer, 1983
Mais c’est grâce à
John Woo
qu’il connaît la célébrité, en 1986.
De brillants lendemains
Comme acteur
Dans A better
Tomorrow, 1986
Son rôle de Kit, aux côté de Ti Lung et de Chow
Yun-fat, dans « A Better Tomorrow » (《英雄本色》),
marque un tournant dans sa carrière : coproduit par
Tsui Hark,
le film bat des records au box office et va entraîner
le tournage d’une suite et une floraison de remakes.
Leslie Cheung enchaîne l’année suivante avec « A
Chinese Ghost Story » (《倩女幽魂》),
réalisé par Ching Siu-tung (程小东)
et, à nouveau, produit par
Tsui Hark.
Dans A Chinese Ghost
Story, 1987
Avec Anita Mui dans
Rouge, 1988
En 1988, il tourne avec
Stanley Kwan,
dans
« Rouge » (《胭脂扣》).
C’est un rôle qui l’éloigne un peu des précédents et
marque une transition vers ses grands rôles des
années 1990. Le premier de ceux-ci est celui de Ah
Fei dans le film de
Wong Kar-wai
« Days of Being Wild » ou « Nos années sauvages » (《阿飞正传》),
rôle primé aux Hong Kong Film awards en 1991.
Mais, à la fin du tournage de ce film, il décide de
partir au Canada, pour tenter d’échapper à la
pression médiatique. Il s’installe à Vancouver en
1990, mais il s’y ennuie vite et, pressé par les
producteurs, revient rapidement à Hong Kong.
Comme chanteur
En même temps, il est un chanteur de plus en plus
populaire, et accumule les prix. Quand, en 1989, il
annonce qu’il va cesser de chanter, il organise un
concert d’adieu, intitulé
Final Encounter of the Legend ; c’est le
premier chanteur de cantopop à le faire :
le concert est donné pendant trente-trois soirées
consécutives au Hong Kong Coliseum.
Dans Nos années
sauvages (Ah Fei), 1990
Dans The Bride with
White Hair, 1993
Il a trente-trois ans. Il arrête de chanter pendant
cinq ans, jusqu’en 1995, mais n’arrête pas de
composer : il compose une dizaine de chansons
pendant cette période, en particulier pour des
films, dont « Red
Cheek, White Hair »
(《红颜白发》),
chanson finale
de
« The
Bride with White Hair » (《白发魔女传》)
de
Ronny Yu
dans lequel interprète le rôle principal aux côtés
de
Brigitte Lin ;
la chanson est couronnée du prix de la
meilleure chanson de film au festival du Golden
Horse en 1993.
La chanson
《红颜白发》
Les succès des années 1990
Les années 1993 et 1994 sont fertiles. 1993 est
l’année de
« Adieu
ma concubine » (《霸王别姬》),
qui le rend mondialement célèbre, et 1994 celle des
« Cendres
du temps » (《东邪西毒》),
avec
Wong Kar-wai
à nouveau. Deux des plus beaux rôles de sa carrière,
le premier couronné d’une avalanche de prix, le
second, celui de Ouyang Feng (欧阳锋)
dans « Les cendres du temps », lui valant le prix de
la Société des critiques de film de Hong Kong – le
rôle est moins spectaculaire, il n’en est pas moins
profond.
Dans Adieu ma
concubine
Dans Les cendres du
temps
En 1995, il compose les trois chansons du film de
Ronny Yu
« Phantom Lover » (《夜半歌声》),
dans lequel il interprète le rôle principal aux
côtés de Jacqueline Wu. Il revient à la chanson en
signant un contrat avec Rock Records, et sort son
premier album depuis 1989 : Beloved (《最爱》).
L’année suivante, il tourne encore avec Chen Kaige,
dans « Temptress Moon » (《风月》),
et avec
Derek Yee (尔冬升)
dans « Viva Erotica » (《色情男女》)
aux côtés de Karen Mok et
Shu Qi (舒淇).
Mais 1997 est une année charnière pour lui. En juin
sort « Happy Together » (《春光乍泄》)
de
Wong Kar-wai,
histoire de deux jeunes homosexuels qui
fuient Hong Kong, juste avant la rétrocession, pour
partir au bout du monde dans une quête de bonheur
impossible. Peu de temps plus tard, il déclare
publiquement son homosexualité lors d'un concert,
après la publication dans des tabloïds de photos de
lui et de son compagnon, avec lequel il vivait
depuis vingt ans.
Dans Happy Together,
avec Tony Leung, 1997
Dans The Kid, 1998
En 1998, il est membre du jury de la 48ème
Berlinale. Il joue dans « A Time to Remember » (《红色恋人》)
de
Ye Daying (叶大鹰),
dans « Moonlight Express » (《星月童话》)
de
Daniel Lee (李仁港),
dans « The Kid » (《流星语》)
de Jacob Cheung… Il peine à retrouver des rôles à sa
mesure. Mais il a toujours autant de succès comme
chanteur.
La tragédie de 2003
Le 1er avril 2003, il se jette du 24ème
étage du
Mandarin OrientalHotel,
dans l’île de Hong Kong, laissant une note disant
qu’il souffrait de dépression et ne le supportait
plus. Il avait déjà fait une tentative de suicide
l’année précédente et était suivi par des
psychiatres. Il avait quarante-six ans.
La nouvelle a été un choc. C’était en pleine
épidémie de SARS, mais les Hongkongais se sont
précipités pour lui rendre un dernier hommage. Son
dernier album, Everything Follows the Wind(《一切隨風》),
est sorti trois mois après sa mort.
Son dernier album, Everything Follows the Wind
Biographie
Firelight of a Different Colour:
the Life and Times of Leslie Cheung Kwok-wing, de
Nigel Colett, Signal 8 Press, février 2014.