Scénariste et réalisateur, Ye Daying (叶大鹰)
- ou Ye Ying (叶缨)
-
a d’abord été acteur avant de passer derrière la
caméra.
Petit-fils d’un célèbre général commandant en chef
de la Nouvelle 4ème Armée (新四军),
Ye Ting (叶挺)
[1],
et fils d’un autre général de l’Armée Libération, Ye
Zhengming (叶正明),
Ye Daying est né en 1958 à Changchun, mais ses
parents ont déménagé à Pékin quand il avait deux
ans. Il a passé son enfance jusqu’à l’âge de dix ans
dans la grande cour intérieure du Studio du 1er
Août où sa mère, An Qi (安琪),
était actrice.
En 1969, il part vivre avec son père dans le
quartier de Songjiang à Shanghai (上海松江区),
où se trouvait l’institut de recherche où
travaillait son père
[2].
Il va à l’école de la commune populaire proche de
l’institut. En 1974, à l’âge de
Ye Daying (photo
ifeng)
16 ans, il
commence à travailler en usine puis, en 1976, entre à
l’Ecole technique de l’Usine nouvelle de machines-outils de
Shanghai, pour devenir ajusteur (钳工).
La statue du général
Ye Ting devant
a maison natale, dans
le Guangdong
En 1978, au moment de la réouverture des
universités, il se présente à l’Institut du cinéma
de Pékin, mais il n’est pas admis. Alors, en 1979,
il entre au cours de formation d’acteurs du Studio
de Xi’an. Il commence en 1982 avec un premier rôle,
celui de Dameng (大猛)
dans un film produit au Studio de Xi’an : «The
Tortuous Mountain Path »
(《山道弯弯》)
de Guo Yangting
(郭阳庭),
d’après un scénario adapté d’une nouvelle de Tan Tan
(谭谈).
Mais
il ne se sent pas vraiment fait pour ce métier
[3],
et il préfère changer pour le cours de formation à la mise
en scène. En 1984, il réussit à entrer à l’Institut du
cinéma de Pékin, et en sort en 1986 avec un diplôme de
réalisateur.
Premières
réalisations
A partir de 1988, il écrit des pièces de théâtre et
des scénarios avec l’écrivain Wang Shuo (王朔)
[4],
et en particulier, en 1989, le scénario adapté de sa
nouvelle «Half
Flame Half Brine »
(《一半海水一半火焰》)
que tournera le réalisateur
Liu Fendou (刘奋斗).
Cette même
année 1988, il réalise son premier film, « Out of
Breath » (《大喘气》),
que l’on pourrait traduire par « A bout de souffle »
et qui est inspiré de l’univers de Wang Shuo. Ce film met
en scène deux truands pékinois qui vivent
d’arnaques, achetant et revendant avec une bonne
marge des marchandises très demandées, contrebande
de voitures à Shenzhen, de téléviseurs de couleur
près de Hong Kong. Mais ils se trompent eux-mêmes
autant qu’ils trompent les autres…
La trilogie
rouge
Out of Breath
En 1994, il est le coscénariste avec Wang Shuo du film
« Gone Forever with My Love » (《永失我爱》)
réalisé par
Feng Xiaogang (冯小刚),
drame plein d’humour adapté de deux nouvelles de Wang Shuo.
Red Cherry
En novembre 1996 sort
son second film,
« Red Cherry » (《红樱桃》), produit au
Studio du film pour la jeunese de Pékin. Premier
volet d’une trilogie dont le dernier volet sortira
en 2009, « Red Cherry » est inspiré d’une histoire
vraie : celle de deux enfants chinois, une petite
fille de treize ans, Chuchu (楚楚),
interprétée par Guo Keyu (郭柯宇),
et un petit garçon de douze ans, Luo Xiaoman (罗小蛮),
interprété par Xu Xuaoli (徐啸力).
Tous deux sont envoyés en pension à Moscou en 1941.
Pendant l’été, Chuchu part avec sa classe en
Biélorussie tandis que
Xiaoman reste à
Moscou. C’est alors que l’URSS est envahie par les
Allemands. Xiaoman doit survivre seul à Moscou, mais Chuchu
et ses camarades sont capturées par les Allemands. Elle
finit entre les mains d’un général passionné de tatouage qui
lui grave l’aigle nazi sur le dos et la sauve ensuite pour
que son chef d’œuvre ne disparaisse pas…
« Red
Cherry » a obtenuen 1996 le prix du
meilleur film aux Golden Rooster Awards
(金鸡奖)
et le prix du meilleur film et de la meilleure actrice aux
Huabiao awards (百花奖).
C’est un succès au box-office : à une époque où le billet de
cinéma coûtait cinq yuans, le film a fait 65 millions de
yuans de recettes !
Re Cherry
(ss-titres chinois/anglais)
Sorti en 1997,
« A
Time to Remember »
(《红色恋人》) est un film beaucoup plus sensible,
avec
Leslie Cheung (张国荣)
dans le rôle principal.
Le film se passe à la fin des années 1930 à
Shanghai : on ne peut pas se tromper, il commence
par une séquence dans un night-club où est
interprétée la chanson « I’ve got you under my
skin », écrite par Cole Porter en 1936. Un docteur
américain, Penn (佩恩)est
appelé au chevet d’un malade, Lei (勒),
interprété par Leslie
Cheung. C’est un militant communiste qui a
été blessé à la tête, ce qui lui cause des crises de
démence. Son seul soutien est celle qu’il fait
passer pour son épouse pour se couvrir, mais qu’il
aime réellement, Qiuqiu (秋秋).
Au sein
d’une intrigue où les Nationalistes font la chasse
aux Communistes, et où le père de Qiuqiu est du côté
des
A Time to Remember
premiers, le
ressort principal du film est l’amour très pur des deux
personnages, l’un comme l’autre cherchant à se sacrifier
pour sauver son partenaire. Lei est finalement abattu,
Qiuqiu meurt en couches en donnant naissance à une petite
fille que le médecin américain recueille et élève. La fin du
film se passe en 1949, l’Armée de Libération entre à
Shanghai, et la petite fille se joint aux gens qui dansent
pour célébrer l’événement. C’est ce que sa mère aurait
souhaité voir, se dit le médecin…
Le film marque une
évolution dans la « mythologie » communiste, en peignant un
héros communiste amoureux : les thèmes de l’abnégation, de
la fidélité, du sacrifice de soi, toutes valeurs éminemment
révolutionnaires, sont ici transposés dans le registre
personnel, au service non de la patrie ou du Parti, mais du
conjoint.
Tian’anmen
Aux côtés de Leslie Cheung, le rôle de Qiuqiu est
interprété par Mei Ting (梅婷),
que l’on retrouvera en 2014 dans
« Blind
Massage » (《推拿》),
dans le rôle de Du Hong (都红).
Ces deux
films sont les deux premières parties d’une trilogie
que Ye Daying a intitulée « la Trilogie rouge »
(“红色三部曲”),
le titre chinois du second film signifiant
littéralement « les amants rouges ». Le troisième
volet est « Tian’anmen »
(《天安门》),
que semble annoncer la séquence finale de
« A Time to
Remember».
En outre, on y retrouve les deux acteurs principaux
de « Red Cherry ».
Mais le
film n’est sorti qu’en 2009 ; dans l’intervalle, Ye
Daying a tourné plusieurs séries télévisées.
Années 2000 :
télévision et cinéma
En 2001, il coréalise avec Zhao Lei (赵镭)
le drame historique en 40 épisodes « Qianlong Dynasty » (《乾隆王朝》),
qui amorce une série de trois séries télévisées diffusées en
2003, 2005 et 2007, les deux dernières sur des sujets
historiques :
- L’une en 22 épisodes :
« Past Happiness » (《走过幸福》),
sur un scénario de Wan Fang (万方),
la fille du grand dramaturge Cao Yu (曹禺),
avec dans les rôles principaux Sun Honglei (孙红雷)
et l’actrice Zhou
Yun (周韵).
Past Happiness
Senior General Chen
Geng
- L’autre en 20
épisodes, « Senior General Chen Geng » (《陈赓大将》),
l’un des « dix grands généraux » de l’armée de Libération.
Autre figure héroïque, ami de Ye Ting, Chen Geng est entré
au Parti communiste en 1922, a sauvé – dit-on - la vie de
Chang Kai-chek en l’empêchant de se suicider, puis a été
espion communiste dans l’armée du Guomingdang pendant six
ans. Découvert, il réussit à rejoindre la base du Jiangxi,
participe à la Longue Marche, combat les Japonais pendant la
guerre de Résistance, puis les Nationalistes après 1945 ; il
part ensuite au Vietnam combattre les Français pendant la
guerre d’Indochine, puis participe aussi à la guerre de
Corée. Fondateur d’un institut de recherche de technologies
militaires, il meurt en mars 1961 alors qu’il travaillait
sur des programmes de missiles balistiques.
- La troisième en 36 épisodes, dans la même
veine : « L’Incident de Xi’an » (《西安事变》),
drame historique révolutionnaire (革命历史剧),
fortement romancé, avec
Hu Jun (胡军)
dans le rôle principal. « L’incident » désigne la
crise politique causée en 1936 par la soudaine
arrestation de Chang Kai-chek par les généraux Zhang
Xueliang (张学良)
et Yang Hucheng (杨虎城)
pour forcer les Nationalistes à accorder la priorité
à la lutte contre les Japonais en s’alliant avec les
Communistes pour les combattre : c’est le début
d’une période d’union qui marque un tournant dans la
guerre, mais aussi dans l’histoire du Parti
communiste.
C’est après
ces grandes séries historiques que, pour les
célébrations du 60ème anniversaire de la
fondation de la République populaire, en octobre
2009, Ye Daying tourne
Années 2010 : bref
retour à la télévision, au métier d’acteur….
En 2010, c’est à
nouveau vers la télévision que se tourne Ye Daying : il
réalise la série « Golden Mountain » (《金山》)
coproduite par les deux groupes Southern Film and Television
et Shandong Film and Television.
Après son
apparition en magnat immobilier dans
« A Big Deal » (《巨额交易》)
de Ma
Liwen (马俪文),
il semble avoir eu des problèmes à trouver des financements
pour faire de nouveaux films.
En octobre 2019, il
a publié des extraits de son film « Tian’anmen » sur sa page
weibo : cela reste l’un de ses meilleurs films.
[1]
Né en 1896 dans le Guangdong, Ye Ting a
participé à l’Expédition du nord en 1925-26, est
devenu commandant en chef de l’Armée rouge des
ouvriers et paysans lors de la Révolte de Canton en
1928, dont l’échec lui a valu trois ans d’exil à
Berlin. Il revient en Chine en 1931, et rejoint la
Nouvelle 4ème Armée en janvier 1938.
C’est cependant une figure controversée car, après
huit jours de combat acharné en janvier 1941, il a
été fait prisonnier par les forces du Guomingdang et
a fait cinq ans de prison. Il a toujours été
indépendant, et n’a été accueilli dans les rangs du
Parti qu’à sa sortie du camp de Chongqing en mars
1946. Mais, alors que, un mois plus tard, il se
rendait de Chongqing à Yan’an, il est mort dans
l’accident de son avion. Mao Zedong, Zhu De, Zhou
Enlai et beaucoup d’autres ont écrit des éloges
funèbres pour célébrer sa mémoire. Il est considéré
comme un martyr.
C’est un lourd héritage que Ye Daying a constamment
défendu. Ainsi,
en mai 2018, il s’est joint aux autres descendants
de la famille Ye pour intenter un procès à la
société Xi’an Momo Information Technology (西安摩摩信息技术有限公司),
société high-tech dépendant du Bureau du commerce et
de l’industrie de Xi’an, en l’accusant de diffamer
la mémoire du général dans une courte vidéo
satirique jouant sur les paroles du célèbre poème du
général « Le chant du prisonnier » (《囚歌》).
Le 28 septembre, la cour a condamné la société à
faire des excuses publiques et à payer 100 000 yuans
de dommages-intérêts aux plaignants.
[2]
Songjiang est une zone universitaire, et c’est là
que se trouvent les studios de Shanghai (qui étaient
fermés à l’époque).
[3]
Auquel il reviendra dans les années 2002.En 2003,
par exemple, il a joué le rôle du père dans le film
de
Xu Jinglei (徐静蕾)
« Mon père et moi » (《我和爸爸》).
[4]
Sur Wang Shuo, le « hooligan » des lettres
chinoises, voir :
[5]
Rôle entre réalité et fiction : en septembre 2011,
Ye Daying provoque la colère de promoteurs
immobiliers par un message posté sur weibo.
En collusion avec des cadres du gouvernement, ils
détruisent les tombes de la famille Ye. Ye Daying
réplique par un post incendiaire sur weibo qu’il
diffuse largement pour réunir le soutien d’un grand
nombre d’internautes.