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Xu Jinglei
徐静蕾
Née
en 1974
Présentation
par Brigitte Duzan, 29 décembre 2011,
actualisé 11 mai 2015
Au début
des années 2000, après avoir acquis une certaine
célébrité en tant qu’actrice, Xu Jinglei (徐静蕾)
a été un temps considérée comme une jeune
réalisatrice pleine de talent dont on attendait
beaucoup. Elle a cependant ensuite changé son fusil
d’épaule en se tournant vers le cinéma commercial,
mais dans un créneau très spécifique, orienté vers
la jeunesse urbaine branchée.
Débuts
d’actrice
Xu Jinglei
(徐静蕾)
est née le 16 avril 1974 à Pékin. Elle a reçu une
éducation assez traditionnelle, son père lui faisant
étudier la calligraphie.
Elle s’est
d’abord intéressée à la peinture, avant de vouloir
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Xu Jinglei dans son
premier rôle
à la télévision |
Zhao Baogang |
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faire du
cinéma. Elle a alors postulé, à l’âge de 19 ans, à
l’Académie du cinéma de Pékin, et y est entrée dans
la section ‘interprétation’. Pendant qu’elle était
étudiante, elle a eu l’occasion de jouer dans un
certain nombre de films télévisés. C’est son rôle
dans un feuilleton télévisé, sorti en 1997, intitulé
« Une histoire de vent et de neige » (《一场风花雪月的事》)
qui a commencé à la faire connaître. Le réalisateur
en était Zhao Baogang
(赵宝刚) :
c’est lui qui la conseillera et l’orientera plus
tard vers la réalisation ; il apparaît brièvement
dans son dernier film,
« Dear
Enemy » (《亲密敌人》).
C’est en
1997, dès sa sortie de l’Académie du cinéma, qu’elle
joue pour la première fois au cinéma : dans un film
de
Zhang Yang (张扬),
« Spicy Love Soup »
(《爱情麻辣烫》).
C’était la première réalisation d’un cinéaste qui,
deux ans plus tard, allait devenir célèbre avec « Shower »
(《洗澡》),
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mais le
film fit déjà beaucoup parler de lui : c’était le
premier produit du cinéma indépendant à être un
succès au box office !
Le
deuxième rôle important de la carrière d’actrice de
Xu Jinglei fut dans « Spring
Subway » (《开往春天的地铁》)
, le premier film, sorti en 2002, d’un autre
réalisateur indépendant,
Zhang Yibai (张一白).
La même année, elle tourna aussi dans le film de
l’un des pères du |
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Spring Subway |
Papa et moi |
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cinéma
indépendant chinois et pionnier de la sixième
génération, Zhang Yuan (张元) :
« I love you » (《我爱你》).
Elle a
ainsi démarré sa carrière sous l’égide de quelques
uns des meilleurs réalisateurs indépendants chinois
de la fin des années 1990 et du début des années
2000, à un moment où le cinéma indépendant, en
Chine, était dans sa période la plus créative.
Elle a
ensuite continué à jouer avec divers réalisateurs,
et dans des rôles souvent secondaires. Mais le
métier d’actrice ne la satisfaisant pas, à partir de
2002, ses cachets servent surtout à financer, au
moins partiellement, ses propres réalisations, qui
se placent, logiquement, dans la même lignée que les
premiers films dans lesquels elle a joué : le cinéma
indépendant, ou, plus précisément, le cinéma
d’auteur. |
Débuts de
réalisatrice
Son premier
film est sorti en 2003 : « Papa et moi » (《我和爸爸》).
Elle en a elle-même écrit le scénario, qui est
excellent, et y interprète le rôle principal de Xiao
Yu (小鱼),
aux côtés de l’acteur
Ye Daying (叶大鹰).
C’est une étude des rapports père-fille.
Xiao Yu
est en effet une jeune fille qui a perdu sa mère et
vit avec son père. Mais celui-ci ne mène pas une vie
exemplaire, il joue, trempe dans des affaires pas
très nettes et finit par se faire arrêter et
emprisonner. Pendant ce temps, Xiao Yu termine ses
études et se lie avec un jeune garçon. Quand son
père sort de prison, les relations avec lui sont
assez tendues. Elle finit par partir à Shanghai avec
son petit ami, mais tombe enceinte. Finalement elle
revient à Pékin avec son père qui l’aide à élever
l’enfant. Mais, à la |
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Xu Jinglei sur le
tournage de
« Lettre d’une
inconnue » en 2003 |
suite d’un
accident stupide, celui-ci se retrouve paralysé :
Xiao Yu doit s’occuper de lui et de son enfant….
Le second
film de Xu Jinglei, en 2004, est une réussite autant
scénaristique qu’esthétique : adapté d’une nouvelle
de Stefan Zweig,
« Lettre
d’une inconnue » (《一个陌生女人的来信》)
montre la finesse d’analyse, le raffinement
esthétique
et le talent de metteur en scène d’une jeune
réalisatrice qui a tout juste trente ans quand sort
le film. Le 52ème festival de San
Sebastian lui décerne sa Coquille d’argent. Elle
fait alors figure de grand espoir de la nouvelle
génération du cinéma chinois.
Deux ans
plus tard, son troisième film est pourtant un
fiasco. « Dreams
May Come
» (《梦想照进现实》)
est réalisé sur la base d’un scénario de Wang Shuo
(王朔)
adapté d’une de ses nouvelles. Pourtant excellent
scénariste et romancier (1), Wang Shuo est sans
doute responsable de l’échec du film, classé
« expérimental ». |
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Xu Jinglei au 52ème
festival de San Sebastian |
Dreams may come |
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Il s’agit
en fait d’un long dialogue nocturne entre un
réalisateur et l’actrice qui doit interpréter le
rôle principal dans son prochain film télévisé et
qui, lassée d’être considérée comme une poupée sans
caractère, veut abandonner le tournage. A l’approche
de l’aube, ils en arrivent à évoquer les rêves
qu’ils n’ont pas réussi à réaliser. C’est long et
ennuyeux.
A un
moment où le cinéma chinois entrait dans une ère
périlleuse où les résultats financiers devenaient
primordiaux, le film fut un échec dont Xu Jinglei ne
se remit pas. Il était en outre produit par une
société qu’elle venait de lancer : Kaila
Productions.
Cet échec
explique sans doute le virage qu’elle prit pour son
film suivant : elle passa sans ambages au cinéma de
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divertissement, un cinéma aussi commercial que
possible, et, du coup, se concilia les faveurs de
producteurs. Selon ses propres dires, tout devint
brusquement plus facile.
Le
tournant du commercial
Le film
qui marque ce tournant est, en 2010, « Go
Lala Go! »
(《杜拉拉升职记》)
qui fait irruption comme un ovni dans la carrière de
Xu Jinglei.
C’est une adaptation d’un best-seller éponyme de 2007, écrit par une
jeune romancière |
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Avec Andy Lau en 2007
lors de la sortie de « The Warlords » |
Xu Jinglei lors du
lancement
de Kaila Pictures
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qui signe sous le pseudonyme de Li Ke (李可).
En 2009,
elle était au neuvième rang dans la liste des
écrivains les mieux payés de Chine.
Le film,
comme le livre, raconte l’histoire d’une jeune femme
nommée Du Lala (杜拉拉),
qui, fraîche émoulue de l’université, commence à
travailler et se retrouve aux prises avec les
difficultés habituelles que connaît toute femme
désirant gravir les échelons d’une entreprise. Mais
elle finit par décrocher un poste de manager dans
une multinationale, tout en gagnant le cœur du
garçon qu’elle convoitait.
L’histoire
est déjà passablement à l’eau de rose. Qui plus est,
Xu Jinglei a embauché comme conseillère pour les
costumes la styliste américaine qui fut la
responsable de ceux de « Sex and the City »,
Patricia Field. Le film a l’air d’un défilé de mode
pour jeunes branchés. Les acteurs, quant à eux, ont
été soigneusement choisis parmi les célébrités de la
mode et de la chanson, de Chine |
continentale,
Hong Kong et Taiwan pour faciliter la promotion la
plus étendue possible.
Dans le
rôle principal, le chanteur et acteur taiwanais
Stanley Huang (黄立行),
connu en
particulier pour son rôle, en 2002, dans
"Twenty Something Taipei"
(《台北晚9朝5》)
du réalisateur de l’avant-garde taiwanaise Leon Dai,
est entouré de trois actrices dont deux sont
chanteuses et une mannequin : Pace Wu (吴佩慈),
actrice et
chanteuse taiwanaise, Li Ai (李艾),
mannequin
chinoise, et enfin l’actrice et chanteuse
hongkongaise Karen Mok
(莫文蔚),
interprète de la chanson du film
« Les Fleurs de
Shanghai » (《海上花》)
de
Hou Hsiao-hsien,
en
1998, qui
chante l’une des chansons de « Go lala ! ». |
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Go Lala ! |
Avec Zhang Yibai et
l’acteur Li Yapeng sur le tournage
de « Eternal Moment »
au château de Haut Bacalan,
dans le Bordelais, en
septembre 2010 |
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« Go Lala ! »
apparaît comme une pâle réplique du film de Mike Nichols
« Working Girl », qui avait pour lui à la fois Melanie
Griffith, Sigourney Weaver et Harrison Ford, et un scénario
très original. « Go Lala ! » a pourtant été un incroyable
succès au box office, comme le livre de Li Ke fut un succès
de librairie, les jeunes femmes l’achetant, dit-on, pour
apprendre les mille et un trucs pour réussir dans leur
entreprise. Tant et si bien qu’il a été suivi d’un deuxième
tome, avec tout autant de succès. Xu Jinglei avait prévu
elle aussi un Go Lala 2.
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Bande annonce du film « Go
Lala Go! »
En réalité, ce
second film est celui sorti juste avant Noël 2011 :
« Dear Enemy » (《亲密敌人》).
Xu Jinglei n’est plus la réalisatrice prometteuse du cinéma
d’auteur, comme à ses débuts, mais la coqueluche des
producteurs. En fait, les personnages de ses deux derniers
films lui ressemblent : bloggeuse, et maintenant
microbloggeuse émérite (2), éditrice de e-magazines qui font
la promotion de ses films, elle fait de l’or avec tout ce
qu’elle touche, y compris la publicité. Elle est bien
représentative
de la jeunesse branchée
qu’elle met en scène dans ses films.
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Avec Stanley Huang sur
le tournage de
« Dear Enemy » en mars
2011 |
Somewhere Only We Know |
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En 2015,
elle sort un "drame romantique", cette fois : « Somewhere
Only We Know » (《有一个地方只有我们知道》).
Au centre du film est à nouveau une jeune femme :
elle vient de perdre sa grand-mère et s’est fait
larguer par son fiancé. Pour se consoler, elle part
à Prague, où sa grand-mère a vécu. Dans ses
affaires, elle a trouvé une lettre datant de 1970
qui la mène sur les traces d’un homme à qui elle
était adressée et que la grand-mère, de toute
évidence, a aimé. Mais, en même temps, elle
rencontre dans la capitale tchèque un homme qui vit
seul avec sa mère et sa petite fille…
Le
scénario est coécrit par Wang Shuo (王朔)
et Xu Jinglei, plus cinq autres coscénaristes ! Et
elle s’est réservé le rôle … de la grand-mère, qui
est le personnage romantique dans l’histoire. Le
film est sorti sur les écrans chinois pour la fête
de la Saint-Valentin, et a raflé tout de suite près
de 38 millions de dollars en six jours, avant même
les fêtes du Nouvel An chinois.
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On ne parle guère
plus de Xu Jinglei qu’en termes de statistiques et de box
office.
Notes
(1) Sur Wang Shuo,
voir
http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Wang_Shuo.htm
(2) Son fameux
blog est arrêté depuis novembre 2010, il est remplacé par
son microblog qui a tout autant de succès :
http://t.qq.com/xujinglei
Principaux rôles au
cinéma
(hors propres réalisations) :
1997 Spicy Love
Soup
《爱情麻辣烫》
de
Zhang Yang (张扬)
2002 Spring
Subway
《开往春天的地铁》
de
Zhang Yibai (张一白)
2002 I Love
You
《我爱你》
de Zhang Yuan (张元)
2006 Confession of
Pain
《伤城》
d’Alan Mak et
Andrew Lau (麦兆辉/刘伟强)
2007
The Warlords
《投名状》
de
Peter Chan (陈可辛)
2009 Shinjuku
Incident
《新宿事件》
de
Derek Yee (尔冬升)
2011 Eternal Moment
《将爱》*
de
Zhang Yibai (张一白)
* ou 《将爱情进行到底》
Filmographie
(en tant que
réalisatrice) :
2003 My Father and
I
《我和爸爸》
2004
Letter from
an Unknown Woman 《一个陌生女人的来信》
2006 Dreams May
Come
《梦想照进现实》
2010 Go Lala Go!
《杜拉拉升职记》
2011
Dear Enemy
《亲密敌人》
2015 Somewhere
Only We Know
《有一个地方只有我们知道》
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