|
Pan Hong
潘虹
Présentation
par Brigitte Duzan, 19 janvier 2015
Pan Hong a eu son heure de gloire dans les années
1980 et 1990, malgré une éclipse après 1989. Elle
reste l’une des grandes actrices d’un cinéma que
l’on a un peu tendance à oublier aujourd’hui.
En 2009,
le Southern Weekly lui a consacré, dans l’un
de ses suppléments, un long article dont le titre à
lui seul résume ce qu’elle représente : La dernière
aristocrate de l’écran
.
Jeunesse malheureuse
Pan Hong est née
le 4 novembre 1954 à Shanghai.
De Li Ronghua à Pan Hong
Elle
s’appelait Liu Ronghua (刘蓉华).
|
|
Pan Hong |
En 1957, parce que son père est déclaré droitier, sa mère
divorce et garde sa fille avec elle ; elle lui donne son
patronyme, plus un prénom tranquille, pour se couler dans la
masse : hóng
红
rouge : l’enfant devient Pan la rouge. C’est quand elle
épousera le réalisateur Mi Jiashan (米家山)
que celui-ci changera le caractère de son prénom en hóng
虹,
comme les dix mille couleurs de l’arc-en-ciel.
Suicide du père
A Slave Daughter, 1976 |
|
Elle a dix ans quand son père se suicide,
en avalant une surdose de somnifères. Sa mère
l’emmène au crématorium, mais elle reste sous la
pluie à attendre, on ne les laisse pas entrer. Pan
Hong repart avec l’urne contenant les cendres.
Ce qui l’a frappée, c’est que tous ceux qui
attendaient à la porte, autour d’elle, étaient des
enfants de son âge, plus ou moins ; c’étaient tous
des enfants venus chercher les restes de leur père
ou de leur mère… « Sa mort m’a fait soudain franchir
plusieurs années, elle a marqué la fin de mon
enfance… » Et l’a marquée au fer rouge. Les familles
des droitiers étaient traitées comme des
pestiférées.
|
Etudes d’art dramatique
En 1973, elle s’inscrit à l’Institut d’art
dramatique de Shanghai et en sort en 1976. Elle est
alors affectée au studio de Shanghai. Elle commence
tout de suite à tourner, et son premier film est
coréalisé par Liu Qiong
(刘琼),
un grand acteur de Shanghai qui avait commencé avec
Sun Yu en 1934 et était passé à la mise en scène en
1950.
Actrice adulée dans les années 1980
Premier succès en 1979
Elle tourne dans deux films en 1978, mais son
|
|
Troubled Laughter avec
Li Zhiyu, 1979 |
Du Shiniang (1981) |
|
premier grand rôle vient l’année suivante : elle
interprète
l’épouse du personnage principal, Fu Bin (傅彬),
dans un film qui est le grand succès de l’année
1979 : « Troubled Laughter » ou « Le
rire de l’homme tourmenté » (《苦恼人的笑》),
coréalisé par
Yang Yanjin (杨延晋)
et Deng Yimin (邓逸民).
Le rôle de Fu Bin est interprété par
Li Zhiyu (李志舆)
–Pan
Hong forme avec lui dans ce film un couple
prémonitoire que l’on retrouvera huit ans plus tard
dans
« Le
Puits » (《井》)
de
Li Yalin (李亚林).
Elle a dit que le réalisateur l’avait choisie parce
qu’il avait trouvé qu’elle avait dans le regard la
tristesse qui convenait au rôle.
Le film la rend soudain célèbre. Elle a vingt-trois
ans. |
Lu Wenting
C’est trois ans plus tard que le réalisateur Wang
Qimin (王启民)
lui offre le rôle qui est sans doute le plus grand
succès de sa carrière, le plus achevé et le plus
complexe à interpréter : celui de Lu Wenting (陆文婷)
dans « At Middle Age » (《人到中年》),
un très beau film d’un autre réalisateur méconnu de
ces années 1980.
Lu Wenting est une doctoresse arrivée à la
cinquantaine, et que la vie a usée. Pour se préparer
à ce rôle, Pan Hong est allée vivre plusieurs mois
dans un hôpital du Sichuan, et elle s’est efforcée
de jouer de façon différente selon |
|
Rôle de Lu Wenting (At
Middle Age) |
les diverses situations de son personnage : au travail, face
à ses malades, en famille avec son mari,
Rôle de Wanrong, la
dernière impératrice (1987) |
|
dans la vie quotidienne. En outre, pour interpréter
ses derniers moments et avoir le regard suffisamment
vague et lourd, elle est restée deux nuits sans
dormir. Le résultat est étonnant de vérité.
Pan Hong a fait pleurer des salles entières, avec Lu
Wenting. Elle a déroché pour ce rôle le prix de la
meilleure actrice au festival du Coq d’or. Elle a
ensuite interprété une série de rôles féminins
tragiques, mais aucun ne peut rivaliser avec Lu
Wenting. |
Mi Jiashan
Entretemps, en 1980, elle a épousé le réalisateur
Mi
Jiashan (米家山)
qui la soutient et l’aide dans sa carrière. Il lui
donne un rôle dans son grand succès de 1988, « The
Trouble-shooters » (《顽主》),
d’après un récit de Wang Shuo (王朔),
mais ils ont déjà divorcé quand sort le film ; elle
n’en fête pas le succès avec lui, et de toute façon,
son rôle est marginal dans le film.
Xu Lisha
Son autre grand rôle de la période, avec Lu Wenting,
est en fait celui de Xu Lisha (徐丽莎)
dans le film de
Li Yalin (李亚林)
adapté d’une nouvelle de Lu Wenfu (陆文夫) :
« Le
Puits » (《井》).
C’est un rôle en or pour Pan Hong, car Xu Lisha est
une jeune intellectuelle perturbée par le divorce de
ses parents, qui souffre en outre d’une « mauvaise
origine sociale », conditions qui ont dû rencontrer
quelques échos |
|
Couverture du magazine
Dazhong Dianying à la sortie du Puits (1988) |
chez
Pan Hong. En tout cas, elle est parfaite dans le rôle, face
à un Li Zhiyu superbement pleutre et hypocrite.
Les derniers
aristocrates, 1989 |
|
Avant même d’avoir terminé le tournage,
Li Yalin est
atteint des premiers symptômes de la tumeur au
cerveau qui va peu à peu le paralyser. C’est grâce à
Pan Hong que le film peut être achevé et sortir.
Son rôle dans le film suivant, « Les
derniers aristocrates » (《最后的贵族》)
de
Xie Jin (谢晋),
lui vaut un nouveau succès. Mais c’est un succès
amer. Il
achève la décennie des années 1980 sur une note de
nostalgie du passé qui a bien lieu d’être : la Chine
ne sera plus la même quand la vie |
reprendra peu à peu après les événements de juin. Et il
faudra longtemps à Pan Hong pour retrouver le chemin des
studios.
Le blues d’une aristocrate de l’écran
Intermède au Japon
Pan Hong tourne encore deux films, qui sortent en 1991, dont
elle dit elle-même qu’ils ne resteront pas dans l’histoire
du cinéma. Le pays est pris dans les rets d’une chasse aux
sorcières qui étouffe l’expression artistique. Elle part,
d’abord un temps en Allemagne, puis au Japon.
Mais ce n’est pas l’ouverture espérée. Elle passe ses
matinées à regarder la télévision, et va suivre des cours
l’après-midi. Elle n’arrive à tourner que deux films
publicitaires, qui lui rapportent plus que la dizaine de
films dans lesquels elle a tourné en Chine, mais ce n’est
pas suffisant pour faire redémarrer sa carrière. Elle
ressent une intense frustration, et le besoin de plus en
plus pressant de sortir de son impasse.
Elle rentre en Chine.
Fan Li
Elle se met à écrire, furieusement. Elle écrit des
récits, des scénarios, en soumet quelques-uns… et
finalement elle décroche un autre de ses rôles
mémorables : Fan Li (范莉),
dans « Shanghai Fever » (《股疯》)
de Li Guoli (李国立).
Fan Li est une Shanghaïenne du peuple, dont la seule
ambition est d’acquérir un appartement moderne pour
sortir de son logis vétuste, au fondd’un shikumen.
Alors elle va jouer en bourse, juste pour gagner un
peu d’argent, pas pour faire fortune… c’est la
période du décollage fulgurant de l’économie
chinoise, et les premiers balbutiements de la bourse
à Shanghai, alimentant bientôt une fureur collective
– les gens jouent à la bourse comme on joue au
loto : c’est le sens du titre chinois. Fan Li
devient peu à peu une professionnelle du secteur.
Personne ne pensait qu’elle pourrait jouer un rôle
de femme aussi simple, au moins au départ ; comme
toujours l’actrice était assimilée à ses rôles,
l’intellectuelle Xu Lisha, l’aristo |
|
Shanghai Fever, 1994 |
Li Tong. Mais elle fait de Fan Li un personnage complexe,
et tragique derrière les apparences.
Le film est un grand succès à sa sortie, en 1994, et son
rôle vaut à Pan Hong une rafale de prix :
prix de la meilleure actrice aux festivals du Coq d’or,
des Cent Fleurs et de Changchun, et prix similaire décerné
par les critiques de film de Shanghai.
Quarante ans
Cette année-là, pourtant, elle passe le jour de l’an toute
seule chez elle. Elle vient d’avoir quarante ans, l’âge de
Lu Wenting. Elle se rend compte que le monde a changé, en
Chine, celui du cinéma en particulier. Elle écrit « Les
soliloques de Pan Hong » (《潘虹独语》)
– le récit de ses déchirures intimes.
Un monde sans Lu Wenting
Rôle de Song Meiling,
2009 |
|
1994 aurait dû être un nouveau départ, dans sa
carrière. Mais, à partir de là, le nom de Pan Hong
se fait de plus en plus rare dans l’actualité et
dans les médias. Dans les années 2000, on lui
propose essentiellement des rôles de mère,
d’impératrice douairière. Elle se rend à
l’évidence : dans la Chine du miracle économique, il
n’y a plus de Lu Wenting, ou du moins elles
n’intéressent plus personne, car plus personne ne
s’y reconnaît.
En 2009, on a fait un remake télévisé du
|
film « At Middle Age ». Il était adapté d’une nouvelle de
Chen Rong (谌容),
parue au début de 1980, qui, à l’époque, avait suscité un
profond émoi chez les lecteurs qui avaient connu des
expériences semblables. Aujourd’hui, le feuilleton télévisé
a ajouté des séquences qui n’ont rien à voir avec la
nouvelle, pour reconstituer le climat de l’époque, pour
tenter de « faire réaliste ». La jeune
Chen
Zhong (陈冲)
qui a remplacé Pan Hong dans le rôle principal joue comme
s’il s’agissait
d’un feuilleton « en
costume », une histoire de la dynastie des Tang ou des
Ming…
Pan Hong, elle, continue à donner à ses moindres rôles la
profondeur qui est celle de sa vie, de tout son être. Il lui
suffit d’un regard.
Filmographie
(hors télévision)
1976 Jubilant Xiaoliang River 《欢腾的小凉河》 de
Liu Qiong/Shen Yaoting
(刘琼/沈耀庭).
1978 A Slave Daughter 《奴隶的女儿》
de Zeng
Weizhi (曾未之).
1978 Camel Bells in the Desert《沙漠驼铃》 de
Liu Qiong (刘琼).
1979 Troubled Laughter 《苦恼人的笑》
de Yang Yanjin/Deng Yimin (杨延晋
/邓一民).
Rôle de l’épouse de Fu Bin (傅彬),
interprété par
Li
Zhiyu (李志舆).
1981 Du Shiniang《杜十娘》
de Zhou Yu (周予).
Rôle principal.
1982 At Middle Age《人到中年》
de Wang Qimin/Sun Yu (王启民/孙羽),
Rôle de Lu Wenting (陆文婷).
Prix de la meilleure actrice au festival du Coq d’or.
1984
Nuit glacée《寒夜》 de
Que
Wen (阙文),
d’après le roman de Ba Jin (巴金).
Rôle de Zeng
Shusheng (曾树生).
1985 The Last Emperor
《火龙》
de
Li Han-hsiang (李翰祥)
Rôle de Li Shuxian (李淑贤).
1987 The Last Empress
《末代皇后》
de Chen Jialin/Sun Qingguo (陈家林/孙清国).
Rôle de Wanrong (婉容),
épouse de Puyi, interprété par
Jiang Wen (姜文).
1987
Le Puits
《井》,
de
Li Yalin (李亚林).
Rôle de Xu Lisha (徐丽莎).
1988 The Trouble-shooters
《顽主》
de Mi Jiashan (米家山).
Rôle de Ding Xiaolu (丁晓璐).
1989 Les derniers aristocrates
《最后的贵族》
de
Xie Jin (谢晋).
Rôle de Li Tong (李彤).
1991 (deux films)
1994 Shanghai Fever
《股疯》
de Li Guoli (李国立).
Rôle de Fan Li (范莉),
1996 Up for the Rising Sun
《拥抱朝阳》
de Tan Langchang (潭朗昌)
……….. (cinq films)……….
2009 Who
Rules over the Destiny of China
《谁主沉浮》
de Chen Li (陈力).
Rôle de Song Meiling (宋美龄)
2013
So Young《致我们终将逝去的青春》
de
Zhao
Wei (赵薇).
Rôle de la mère de Chen Xiaozheng (陈孝正之母).
|
|