Festival des
3-Continents 2017 : quelques surprises chinoises
par Brigitte Duzan, 27 novembre 2017
En cette fin d’année 2017, le festival des 3-Continents a
lieu du 21 au 28 novembre. Deux films chinois – documentaire
et fiction – figurent parmi les huit films en compétition,
deux autres sont au programme des séances spéciales, et deux
encore ont été choisis pour illustrer la thématique de
l’exil.
Mais une autre surprise vient du projet de long métrage de
Yang Zhengfang (楊正帆)
annoncé parmi les six projets sélectionnés pour l’atelier
Produire au Sud…
1.
En compétition
- « Comme un cheval fou » ou « Taming the
Horse » Xun ma
《驯马》
Premier film de Gu Tao (古涛),
2017.
Il s’agit d’un documentaire surla visite du
réalisateur à un camarade d’enfance, pour son
trentième anniversaire.
Sa famille avait, pour des raisons économiques,
migré à Kunming, dans le Sud de la Chine, et Gu Tao
avait promis à son ami de retourner avec lui dans
son village natal, en Mongolie intérieure. Ce qu’il
fait, dix ans plus tard. Mais l’ami qu’il retrouve
est en plein désarroi. Le documentaire n’est pas
tant un journal de voyage, qu’un portrait de l’ami,
fantasque, imprévisible et sans illusion.
Un cheval un peu fou et désespéré, qui rappelle les
portraits de marginaux de toutes sortes du cinéma
chinois, depuis ceux de Zhang Yuan (张元)
[1]
à ceux de Xu
Tong (徐童)
ou de
Comme un cheval fou
Yu Xun (余迅),
qui est d’ailleurs un proche de Gu Tao, dont il a été le
chef opérateur pour ce film.
« Comme un cheval fou » a été présenté au festival Visions
du réel de Nyons, en avril 2017.
Prix de la meilleure réalisation au festival du
Golden Horse en novembre 2017.
Dans un motel d’une petite ville du Sud de la Chine,
un homme abuse de deux écolières. La jeune employée
qui est à la réception cette nuit-là est le seul
témoin, mais elle ne dit rien car elle est
clandestine et a peur de perdre son emploi et
d’avoir des ennuis. Les deux fillettes doivent donc
se débrouiller toutes seules pour surmonter leur
traumatisme.
Ce n’est
pas un film policier ou un suspense de film noir ;
ce que Vivian Qu nous livre plutôt, c’est une
réflexion sur les abus sexuels sur des enfants et la
situation des femmes dans la Chine d’aujourd’hui,
aussi bien que dans le monde. Le film a déclenché
une vive controverse en Chine car il est sorti au
Angels Wear White
moment où une
affaire analogue dans un jardin d’enfants défrayait la
chronique à Pékin
[2].
Extrait 1
Extrait 2
Extrait 3
2.
Séances spéciales
Les deux films chinois de cette section se répondent, sur le
même thème de la vieillesse :
- « Le rire de madame Lin » (Last Laugh)
Premier long métrage de Zhang Tao, 2017.
Une vieille paysanne du Shandong fait un jour une
chute ; ses enfants l’inscrivent aussitôt dans une
maison de retraite. Il n’y a cependant pas de place
tout de suite, elle doit donc vivre un temps chez
ses enfants, mais elle gêne tout le monde, personne
ne veut la garder. Tandis qu’elle passe d’une maison
à une autre, sa santé se détériore en même temps que
les liens familiaux. Elle développe alors un rire
sinistre, intempestif, bizarre, comme une voix
intérieure, l’expression de la folie, ou plutôt de
son désarroi… Ultime outil de résistance, selon les
Inrockuptibles : plus elle rit, plus elle énerve.
Le film a été présenté à Cannes (à L’ACID) en 2017
ainsi qu’au festival d’Amiens. Il est coproduit par
Vincent Wang (House on Fire), qui a également été le
producteur d’« Argent
amer » (《苦钱》)
de
Wang Bing (王兵).
Il sort en salles en France le 20 décembre 2017.
Atteinte
de la maladie d’Alzheimer, Fang Xiuying dont Wang
Bing filme en gros plans le visage comme pétrifié
semble vivre ses derniers moments. Le projet de film
a été conçu alors que la maladie n’était pas encore
à un stade aussi avancé. Il ne s’agit pas de filmer
la maladie, mais, à travers la famille et les
proches qui se relaient autour de son lit, de
suggérer leur vie dans ce petit village de pêcheurs
près de Huzhou, dans le Zhejiang
[3].
Le tournage a duré un peu plus d’une semaine, dans le seul
décor de la chambre de la malade. Et l’une des difficultés
du montage, puis du sous-titrage, ensuite a été de
comprendre les dialogues, dans le dialecte local.
3.
Exil(s), devenir étranger
Ce thème très actuel est illustré par le
documentaire de
Wang Bing
tourné en 2016 à la frontière birmane ;
« Ta ‘ang »
(《德昂》),
et par le film en grande partie autobiographique d’Ann
Hui (许鞍华)
sorti en 1990, « Song of the Exile » (《客途秋恨》).
4.
Atelier Produire au Sud
Six projets de longs métrages sont par ailleurs
sélectionnés dans cet atelier de production, dont
une surprise :
« The Stranger » fait suite à ses deux films
précédents,
« Distant »
(《远方》)
et « Where Are You Going » (《你往何处去》),
et conclut la trilogie « The Outsider ».
Le film comporte treize histoires qui se
passe dans autant de
Ta’ang
chambres d’hôtelà Pékin, chacune étant filmée en un seul
plan-séquence.
« Il décrit des Chinois qui viennent de diverses régions du
pays et logent là pour toutes sortes de raisons, » explique
Yang Zhengfan« deux lamas tibétains sont
à Pékin pour assister à la cérémonie du lever de drapeau sur
la place Tiananmen ; un groupe de paysans dont les terres
sont occupées illégalement se réunissent dans un sous-sol
pour obtenir justice ; un couple de la classe moyenne amène
à Pékin leur père gravement malade pour y trouver un
meilleur traitement ; trois inspecteurs de police mènent une
enquête dans une suite luxueuse où un personnage riche et
puissant, mais non identifié, vient de se suicider… Autant
de personnages qui se sentent aussi étrangers dans leur
chambre d’hôtel que dans leur propre pays. »
La sortie du film est prévue pour 2019.
Palmarès
Les deux films chinois en compétition ont été récompensés :
le film de Gu Tao a décroché la Montgolfière d’or, et la
Montgolfière d’argent est allée à celui de
Vivian Qu.