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Zhang Yang
张扬
Né
en 1967
Présentation
par Brigitte
Duzan, 23 décembre 2012, actualisé 19 juin 2016
Zhang Yang
est l’un des rares réalisateurs de la sixième
génération réputé pour avoir réussi un hybride de
film d’art et de film commercial : son premier film,
en 1997, a été le premier de cette génération à
avoir du succès auprès du public et à rapporter de
l’argent à son producteur tout en étant excellent du
point de vue artistique.
Il est
resté fidèle à cette approche dans ses films
suivants, qui ont aussi pour caractéristique d’être
des reflets de la société chinoise et de son
évolution depuis, en gros, la fin des années 1970,
c’est-à-dire l’évolution qu’il a lui-même vécue.
Il est peu
prolixe, mais chacun de ses films est à la fois
observation subtile, peinture réaliste et document
plus ou moins autobiographique.
Formation
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Zhang Yang en 2007
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Zhang Yang (张扬)
est né en 1967 à Pékin et y a grandi, dans le milieu du
cinéma.
Enfant de la balle
Son père était en
effet le réalisateur du studio de Pékin Zhang Huaxun (张华勋),
qui a réalisé en 1980 son premier film, « Le Bouddha
mystérieux » (《神秘的大佛》),
tourné au Sichuan sur le site de Leshan (乐山),
avec
Liu
Xiaoqing (刘晓庆)
dans le rôle féminin principal.
Zhang Yang,
qui avait alors treize ans, assista au tournage et
joua même un petit rôle dans le film, ce qui lui
valut un surcroît de popularité et d’estime auprès
de ses camarades de classe. Mais il faut bien voir
dans cet ascendant paternel une
source
autobiographique de son film « Sunflower » (《向日葵》),
vingt-cinq ans plus tard.
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Le Bouddha mystérieux |
Etudes de
littérature et mise en scène
Sur le tournage du
Bouddha mystérieux |
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Il reçut
cependant au départ un enseignement essentiellement
littéraire. Il a fait ses études universitaires à
l’université Sun Yat-sen de Canton (广州中山大学),
dont il est sorti en 1988 avec un diplôme de
littérature. C’est alors qu’il est entré à
l’Institut central d’art dramatique de Pékin (中央戏剧学院),
dans le département de mise en scène.
Ce choix
particulier, plutôt que l’Institut du cinéma,
explique en particulier d’une part l’influence du
théâtre sur son esthétique cinématographique,
d’autre part la qualité de ses scénarios, conçus
pendant longtemps avec un petit groupe de ses
camarades de promotion, également passés derrière la
caméra par la suite :
Cai Shangjun (蔡尚君),
Liu Fendou (刘奋斗)
et
Diao Yinan (刁亦男),
qui constituent une sorte de
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branche à part dans le cinéma de la sixième génération : la
promotion 1992 de l’Institut d’art dramatique de Pékin.
A sa
sortie, Zhang Yang réalisa avec succès la mise en
scène, à Pékin, de la version en chinois de la pièce
« The Kiss of the Spider Woman » (Le baiser de la
femme araignée
《蜘蛛女之吻》),
adaptation anglaise, par l’auteur lui-même, du roman
éponyme de l’écrivain et dramaturge argentin Manuel
Puig.
Pendant plusieurs
années ensuite, il a réalisé une vingtaine de vidéos de
musique underground pour des amis musiciens. Il est
d’ailleurs aujourd’hui président du festival de musique de
Xueshan, au Yunnan (云南雪山音乐节).
La musique aussi est un élément important dans ses films.
Réalisateur au
studio de Pékin
Il est ensuite
entré au studio de Pékin, où il a tout de suite tourné son
premier film, qui lui valut son premier succès.
1997 : Spicy Love
Soup
« Spicy
Love Soup » (《爱情麻辣烫》)
est un film original à plusieurs titres. C’est une
comédie qui a tous les ingrédients pour plaire au
grand public, d’où son succès, mais dont le
scénario, concocté par le réalisateur et ses trois
camarades, est, d’abord, extrêmement travaillé et
bien structuré.
Il est
construit sur la base de cinq fils narratifs, cinq
histoires d’amour ayant chacune une tonalité
différente, du timide premier amour à l’amour
passionné, au divorce et aux lendemains de l’amour,
le lien entre elles étant constitué par le mariage,
d’une manière ou d’une autre.
Le choix
des acteurs a grandement contribué au succès du
film : des acteurs et actrices encore peu ou pas
connus, mais que le film a, pour la plupart, rendus
célèbres, dont
Xu Jinglei (徐静蕾)
qui jouera ensuite dans « Spring Subway » (《开往春天的地铁》)
de
Zhang Yibai (张一白),
élève de la promotion |
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Spicy Love Soup |
1991 de l’Institut
central d’art dramatique de Pékin. Citons aussi Gao Yuanyuan
(高圆圆),
Lü Liping (吕丽萍),
Wang Xuebing (王学兵),
Tao Guo (郭涛),
ou encore Xu Fan (徐帆),
l’épouse de
Feng Xiaogang, qui tous vont devenir des
figures récurrentes de la cinématographie de Zhang Yang,
mais aussi associés à l’image du groupe.
Signalons aussi que
le montage, essentiel dans un film à la construction aussi
sophistiquée, est signé Yang Hongyu (杨红雨),
qui va rester le monteur attitré des films de Zhang Yang,
jusqu’à aujourd’hui. Quant au directeur de la photo, ce sera
aussi celui de « Shower » : Zhang Jian (张健),
également chef opérateur de Zhang
Yuan (张元).
« Spicy Love Soup
», enfin, comme les films
suivants de Zhang Yang, n’aurait pas vu le jour sans son
producteur : Peter Loehr, personnage atypique de la
scène cinématographique chinoise de cette fin des années
1990.
Américain, né en
1967 comme Zhang Yang, il fut le premier producteur
occidental à fonder en Chine une maison de production
indépendante, Imar Films, en 1997, et à assurer également la
diffusion des films. « Spicy Love Soup
» fut le premier des cinq
films qu’il produisit entre 1997 et 2001, dont les deux
suivants de Zhang Yang, « Shower
» et « Quitting ». Puis,
en 2002, il lança une autre société, Ming Productions, plus
orientée vers le marché international, qui produisit
« Sunflower ».
1999 : Shower
Le second
long métrage de Zhang Yang, «
Shower
» (《洗澡》),
est sans doute son film le plus connu hors de Chine,
le plus populaire aussi.
L’histoire
est celle d’un fils parti à Shenzhen dans l’espoir
de faire fortune qui revient à Pékin car on l’a
faussement informé de la mort de son père. Son père
n’est pas mort, mais il trouve l’établissement de
bains qui est la source des revenus familiaux en
difficultés, et sur le point de devoir fermer pour
faire la place à un projet immobilier. C’est tout le
quartier qui va disparaître, et avec lui la culture
traditionnelle, fondée sur les relations humaines et
les liens familiaux. |
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Shower (Pu Cunxin à g,
Zhu Fu au centre
et Jiang Wu, le frère
de Jiang Wen, à dr.) |
D’abord irrité par
la situation, le fils découvre peu à peu la richesse humaine
de ce terreau urbain où les vieux Pékinois du quartier
viennent poursuivre leurs activités de loisirs millénaires,
combats de criquets et échecs chinois, tout en bénéficiant
des soins traditionnels dispensés dans ce genre
d’établissement. C’est tout un mode de vie en sursis, qui va
s’effondrer comme les murs, sous les pelleteuses.
Huo Xin |
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Zhang Yang
a choisi un ton léger, loin du drame, avec deux
acteurs qui collent à leur personnage : dans le rôle
du fils aîné, Pu Cunxin (濮存昕),
ancien acteur de théâtre qui a commencé chez
Xie Jin et
qui jouait déjà dans « Spicy Love Soup
», et, dans celui
du père, Zhu Xu (朱旭),
qui avait été le « roi des masques » du film de Wu
Tianming trois ans plus tôt. On voit ainsi s’établir
des lignées d’artistes qui travaillent ensemble et
partagent les mêmes idées et esthétiques.
Quant aux
scénaristes, aux précédents vient s’ajouter Huo
Xin (霍昕)
qui va continuer à travailler avec Zhang Yang ; elle
sera aussi la scénariste de
Zhang Yibai en 2006, pour « Curiosity Kills
the Cat » (《好奇害死猫》).
«
Shower
» est sorti au festival de Toronto en
septembre 1999, obtenant le prix FIPRESCI des
critiques de cinéma, puis continua un parcours
triomphal de festival en festival, ne
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sortant en Chine
qu’en novembre pour profiter de la période des fêtes de fin
d’année. Imar Films fit un profit double de son
investissement (350 000 dollars). Ce qui incita Peter Loehr
à produire le film suivant de Zhang Yang.
2001: Quitting
Avec « Quitting »
(《昨天》),
Zhang Yang change de registre, adoptant un style à
la limite du documentaire, proche de celui de
Zhang Yuan, mais
dans des tonalités moins dures, moins oppressantes,
bien que le sujet n’ait rien de complaisant ; le
personnage central est assez proche de ceux de
« Mama » (《妈妈》)
ou « Sons » (《儿子》).
Il s’agit
d’un acteur, Jia Hongsheng (贾宏声),
lui aussi diplômé de l’Institut central d’art
dramatique de Pékin, mais lui en 1989. C’est alors
qu’il répétait pour jouer dans la pièce « The Kiss
of the Spider Woman » mise en scène par Zhang Yuan à
l’automne 1992 qu’il commença à fumer de la
marijuana ; il devint drogué, allant même jusqu’à
consommer de l’héroïne.
En 1995,
après son rôle dans « Week-end Lovers » (《周末情人》),
le premier film de
Lou Ye (娄烨),
il arrêta de jouer, et |
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Quitting |
passa ses journées
à écouter la musique des Beatles dont il était passionné. A
la fin de l’année, ses parents, eux-mêmes des acteurs de
théâtre à la retraite, décidèrent de venir s’installer à
Pékin pour aider leur fils ; leur fille vint aussi vivre
avec eux.
Après être resté
six moins sans prendre de drogue, Hongsheng rechuta, frappa
son père et fut envoyé dans un établissement spécialisé où
son état s’améliora nettement. Il en sortit pour son
trentième anniversaire, le 19 mars 1997. Il joua le rôle de
Qi Lei (齐雷)
dans « Frozen » (《极度寒冷》)
de
Wang Xiaoshuai,
cette même année, puis celui de Mardar (马达)
en 2000 dans « Suzhou River » (《苏州河》)
.
C’est alors que
Zhang Yang a tourné « Quitting », un film sur sa vie, avec
lui-même et ses parents dans leurs propres rôles.
« Quitting » a donc un fort contenu documentaire. Le titre
chinois, qui signifie ‘hier’, est une référence à la chanson
« Yesterday » des Beatles, groupe que l’acteur vénérait. Le
film devait être construit sur des extraits des chansons du
groupe, mais Michael Jackson, qui en possédait les droits,
s’y opposa. La musique du film est donc celle de rockers
chinois, Cui Jian (崔健),
bien sûr, mais aussi Tang Dynasty (唐朝)
et Dou Wei (窦唯).
Le film va
cependant au-delà du simple récit de la vie d’un drogué et
des efforts de sa famille pour l’en sortir. A travers cette
histoire, Zhang Yang dépeint aussi la vie de l’époque,
l’évolution de la société et des modes de vie, son
personnage étant pris comme symbole de la jeunesse du même
âge. « Quitting » est en fait le portrait d’une époque.
Il est sorti en
2001 au festival de Venise où il a obtenu le prix NETPAC.
En 2002, Zhang Yang
a ensuite réalisé un court métrage en numérique, avec
l’acteur Xia Yu (夏雨)
et l’actrice Li Bingbing (李冰冰),
pour tester les possibilités de cette nouvelle technique.
Puis il choisit de tourner son film suivant ainsi.
2005 : Sunflower
Ce film,
« Sunflower »
(《向日葵》),
est peut-être sa plus grande réussite, son film le
plus achevé, et le plus personnel.
Il dépeint
les rapports difficiles entre un père, Zhang
Gengnian (张庚年)
et son fils, Zhang Xiangyang (张向阳),
entre la fin des années 1970 et les années 1990, en
trois parties. L’enfant est né en 1967, comme Zhang
Yang, c’est-à-dire au début de la Révolution
culturelle. Peu de temps après, son père est envoyé
en prison, dont il ne sortira qu’en 1976. L’enfant a
neuf ans, et a vécu jusque là sans contraintes ; il
a pris l’habitude, pour s’amuser, de lancer des
pierres sur les passants. La discipline que lui
impose son père le gêne donc beaucoup et cause des
tensions entre eux.
Le père, en
effet, était peintre, mais les tortures subies lui
ont abîmé les mains, au point de l’empêcher de tenir
un pinceau. Il reporte donc ses espoirs sur son fils
qui fait preuve de dons certains mais n’a guère
envie de passer ses |
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Sunflower, les trois
personnages
au retour du père,
peints par
le fils des années
plus tard |
journées à
étudier alors que ses camarades vont jouer. Son père ne cède
pourtant pas. A la fin des années 1990, Xiangyang est devenu
un excellent dessinateur et s’est marié ; lui et son épouse,
cependant, ne sont pas pressés d’avoir un enfant, ce qui
irrite ses parents qui se sentent trahis dans leurs justes
attentes. Mais, pendant toutes ces années, la vie s’est
améliorée, la société a changé, et le film en rend compte.
Le scénario est
signé Zhang Yang,
Cai Shangcun et Huo Xin, mais est
fortement autobiographique ; c’est sans doute ce qui lui
donne sa force, sa profondeur et sa subtilité. Zhang Yang a
expliqué qu’il y pensait depuis dix ans, mais a mis quatre
ans à rédiger le scénario. Prénom donné à l’enfant (向日葵
xiàngrìkuí
signifie tournesol) parce que la cour de leur maison était
pleine de ces fleurs quand il est né, le tournesol est aussi
le symbole qui représente toute une génération, élevée le
regard tourné vers le « soleil ». Il revient de façon
récurrente dans le récit pour le structurer en liant les
différentes parties et donne valeur emblématique au film.
Peter Loehr à San
Sebastian (à dr.) présentant
Sunflower avec Zhang
Yang et Joan Chen |
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Par
ailleurs, « Sunflower »
est interprété avec une grande justesse par
ses principaux interprètes : Sun Haiying (孙海英)
dans le rôle du père,
Joan Chen (陈冲)
dans le
rôle de la mère, et les trois acteurs qui
interprètent Xiangyang à neuf, dix-neuf et trente
ans, dont Gao Ge (高歌),
pour la seconde période, que l’on retrouvera dans
les films ultérieurs du réalisateur.
Le film a
été cette fois produit par Peter Loehr associé à Han
Sanping. Il a |
obtenu la concha de
plata du meilleur réalisateur et le prix du jury de la
meilleure photographie au festival de San Sebastian en 2006.
2006 : Getting
Home
« Getting
Home » (《落叶归根》)
est un road movie drôle, remarquablement interprété,
sans un temps mort. Ce fut l’une des meilleures
surprises du festival de Berlin en 2006.
Inspiré
d’une histoire vraie, un fait divers dont Zhang Yang
avait lu le récit dans le Nanfang zhoumo (《南方周末》),
c’est l’histoire d’un homme dont le compagnon de
route meurt en chemin et qui lui a demandé, au
moment de rendre l’âme, de ramener son corps dans
son village pour l’y enterrer. Evidemment, la route
de retour est semée d’embûches et de péripéties,
allègrement mises en scène et interprétées.
Le film
mérite une analyse séparée. C’est un sommet de la
filmographie de Zhang Yang, même s’il est beaucoup
moins connu. Il annonce, non le film suivant, mais
plutôt « Full Circle ». |
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Getting Home |
2010 : Driverless
« Driverless
» (《无人驾驶》)
est une comédie urbaine qui reprend un schéma
semblable à celui de « Spicy Love Soup », en liant
plusieurs fils narratifs apparemment sans connexion.
Il s’agit ici de trois couples hommes/femmes, liés
entre eux par un accident de voiture.
L’un des
fils narratifs est constitué par un triangle
amoureux interprété par
Liu Ye (刘烨),
Gao Yuanyuan (高圆圆)
et Li Xiaoran (李小冉).
Lors d’une conférence de presse donnée pour
présenter le film, Liu Ye a expliqué la différence
entre les deux personnages féminins en se référant à
la nouvelle de Zhang Ailing adaptée par
Stanley Kwan :
« Rose rouge, Rose blanche » (《红玫瑰与白玫瑰》)
.
La femme interprétée par Gao Yuanyuan serait une
sorte de rose noire, au caractère froid et
orgueilleux ; en revanche, l’épouse, interprétée Li
Xiaoran, serait une rose rouge, passionnée et
fougueuse. |
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Driverless |
Liu Ye interprète
un homme d’affaires qui retrouve son premier amour,
interprété par Gao Yuanyuan, après une séparation de dix
ans, mais ils sont en fait rivaux sur un contrat qu’ils sont
venus discuter ; après une nuit passée ensemble, l’homme
envisage de divorcer. Un second couple est constitué par une
jeune sourde-muette qui épie un coureur automobile coureur
de jupons et finit par l’accrocher. La troisième histoire,
enfin, est celle de la rencontre fortuite d’un chauffeur qui
a besoin d’argent pour payer l’hospitalisation de sa femme
blessée dans un accident et d’une riche femme d’affaires qui
l’aide à investir….
Zhang Yang a signé
là un film sur la ville moderne, vibrant, rythmé et coloré,
photographié de main de maître par le chef opérateur de
Lu
Chuan (陆川),
Cao Yu (曹郁).
Le film est cependant dans la ligne de tous ceux que l’on
voit fleurir en ce début de décennie 2010 sur le même sujet,
sous des signatures différentes, même si « Driverless »
porte la marque Zhang Yang avec son scénario sophistiqué et
son ton beaucoup plus sérieux que les Dulala et autres. Le
scénario et les dialogues sont toujours signés Huo Xin,
associée ici à un nouveau venu, Zhang Chong (张翀).
Zhang Yang semble quand même sacrifier un peu à l’air du
temps, ou céder à la pression des producteurs.
Bien plus original,
cependant, est le film sorti le 8 mai 2012, le jour de la
fête des mères en Chine …
2012 : Full Circle
« Full
Circle »
(《飞越老人院》)
est un pseudo road
movie car une bonne partie du film se passe dans une maison
de retraite, dans un coin reculé du Ningxia (ce qui entraîne
le road movie ensuite), et une pseudo comédie, car le sujet
est sérieux, mais traité légèrement. Il rappelle ainsi
« Getting Home », mais sans en être une séquelle, loin de
là.
L’originalité tient
dans les personnages et, encore une fois, dans le scénario :
des personnes âgées qui ont été abandonnées par leurs
enfants ou jetés à la rue après la mort de leur conjoint, et
qui décident de ne pas périr d’ennui entre les quatre murs
de leur résidence forcée. Poussés par le plus entreprenant
de la petite troupe, interprété par un
Wu Tianming au sommet
de sa forme, ils décident de participer à un show télévisé à
l’autre bout de la Chine.
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Full Circle |
Rien ne les
arrêtant, et surtout pas l’interdiction de la directrice de
l’établissement, les voilà partis, après avoir dûment répété
leur show, au volant d’un minibus déglingué acheté pour
l’occasion…
« Full
Circle »,
dont le titre chinois est « vol au-dessus de la maison de
retraite », est vaguement inspiré du film de Milos Forman
« Vol au-dessus d’un nid de coucou », mais les ressorts de
l’intrigue et le contexte sont typiquement chinois. Le film
est en fait une satire du délitement des liens familiaux et
sociaux dans la société chinoise moderne, comme faisant écho
à « Shower » douze ans plus tard. C’est aussi une formidable
leçon de cinéma, avec une pléiade de vedettes du grand
écran, toutes plus éblouissantes les unes que les autres,
comme en hommage aux films et rôles de leur jeunesse.
Le film est sorti
en juillet 2012 sur les écrans chinois. Il aurait fait une
bonne comédie de fin d’année si le créneau n’était déjà
surchargé.
Li film
2015/2016 :
direction Tibet
Paths of the Soul |
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En octobre
2015, Zhang Yang a présenté un nouveau film en
première mondiale au festival de Busan : « Paths
of the Soul » (ou “Kang Rinpoche”
《冈仁波齐》).
Il s’agit
d’un film de fiction, mais dans un style
essentiellement documentaire, sur un groupe de
villageois tibétains qui décident de partir en
pèlerinage à Lhassa, mais pas n’importe quel
pèlerinage : en se prosternant face contre terre à
chaque pas, sur les quelque deux mille kilomètres
qui les sépare de la capitale.
Le périple part d’un petit
village où Nyima rêve depuis des années de faire le
pèlerinage au mont Kailash, ou Kang Rinpoche
.
Quand il décide de partir, avec sa famille, les
autres villageois se joignent à eux. La caméra suit
le groupe dans sa lente progression au long d’un
voyage difficile et dangereux.
Les images
sont empreintes de l’austère beauté du paysage,
|
qui reflète la
détermination des pèlerins, portés par leur foi très simple.
Il faut reconnaître à Zhang Yang d’avoir évité toute
dramatisation. Son regard tend à la symbiose avec le sujet
observé, mais il reste extérieur.
Second
volet de son expérience tibétaine, « Soul on a
String » (《皮绳上的魂》)
poursuit dans le domaine purement fictionnel le
thème abordé avec « Paths of the Soul ». Le film a
été présenté en première mondiale lors de la
19ème édition du festival du cinéma
international de Shanghai, en juin
2016.
Il est
adapté d’une nouvelle de l’écrivain tibétain Tashi
Dawa (扎西达娃)
publiée
en 1986 : « Tibet, une âme ligotée » (《西藏,系在皮绳结上的魂》).
Ce récit s’inscrit dans le mouvement du réalisme
magique (魔幻现实主义)
qui s’est développé en Chine à partir du milieu des
années 1980 et en particulier au Tibet, où il a pris
une coloration spécifique, entre merveilleux et
fantastique teinté de mysticisme, sous la plume de
Tashi Dawa. C’est cependant un style qu’il a
délaissé depuis de nombreuses années.
Le scénario
conte l’histoire du chasseur Tabei (塔贝),
qui, |
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Soul on a String |
dans une forêt
dense, tue un jour un cerf. Or celui-ci avait dans la bouche
une perle dzi, perle protectrice de la tradition tibétaine.
Tabei est foudroyé par un éclair, mais un lama fait revenir
son âme des enfers afin qu’il puisse accomplir la mission
qui est désormais la sienne ; escorter la pierre jusqu’à la
terre sacrée de la paume de Padmasambhava, ce qui rachètera
ses fautes… Sur quoi Tabei rencontre la jolie bergère Qiong
(琼)
et l’elfe muet Pu (普),
et se fait prendre en chasse par des tueurs payés pour
mettre la main sur la pierre…
Zhang Yang et son
producteur présentant
"Soul on a String" au
festival de Shanghai |
|
Le
« réalisme magique » est évidemment un moyen de
contourner les problèmes qui se posent pour obtenir
un visa de censure pour un film traitant d’un sujet
tibétain. Mais le procédé risque de faire retomber
le film dans les défauts inhérents aux films traités
par des cinéastes han sur des sujets « de
minorités », et en particulier tibétains.
A l’heure
où un véritable cinéma tibétain s’est développé sous
l’égide de
Pema Tseden,
avec des films très subtils qui glanent des
récompenses dans les grands festivals où ils sont
présentés, il est encore |
plus dangereux que
dans le passé, quand on n’est pas tibétain, de vouloir
réaliser des films qui relèvent de cette thématique.
Filmographie
1997 Spicy Love
Soup
《爱情麻辣烫》
1999 Shower
《洗澡》
2001 Quitting
《昨天》
2002 Fleurs de
pourpier
《太阳花》(court
métrage)
2005
Sunflower
《向日葵》
2006
Getting Home
《落叶归根》
2010
Driverless
《无人驾驶》
2012 Full
Circle
《飞越老人院》
2015
Paths of the
Soul
《冈仁波齐》
2016 Soul on a
String
《皮绳上的魂》
A voir en
complément
Son court métrage
publicitaire pour l’Audi Q5 (奥迪Q5广告)
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