« L’hirondelle d’or » de King Hu : renaissance du
wuxiapian
par Brigitte Duzan, 07 mars 2014
Chef d’œuvre incontesté de
King Hu (胡金铨),
« L’hirondelle d’or » (《大醉侠》)
a marqué en 1966 le renouveau du film de
wuxiaà Hong Kong (1). Présenté dans une
version restaurée au festival de Cannes en 2002, le
film a connu une soudaine popularité dans les années
qui ont suivi : cette version restaurée est sortie
en DVD chez Celestial Pictures, et en salles, en
2002 au Japon, en 2003 aux Etats-Unis et en 2004 en
France. On a alors découvert le film précurseur de
toute la filmographie de King Hu, qui était surtout
connu jusqu’alors pour
« A Touch of Zen » (《侠女》),
couronné du grand prix de la technique à Cannes en
1975 (2).
Tourné aux studios de la Shaw Brothers, mais dans la
plus grande incompréhension tant il rompait avec les
schémas usuels du genre, « L’hirondelle d’or » reste
aujourd’hui dans les annales comme une œuvre qui
témoigne du génie de King Hu : il réussit à apporter
avec ce film une vision personnelle et novatrice,
stylistiquement épurée, d’un genre cinématographique
qui remonte aux débuts du cinéma de Shanghai, mais
tout en restant
L’hirondelle d’or,
l’affiche Shaw Brothers de 1966
ancré dans la tradition - tradition littéraire qui donne ses
lettres de noblesse au genre et tradition théâtrale, l’opéra
fournissant la source d’inspiration et les éléments
structurants du film.
Au départ : un opéra
Le film se rattache à l’opéra en premier lieu par son
inspiration initiale, puisque King Hu est parti des
souvenirs d’un opéra vu dans sa jeunesse, mais il n’a gardé
de la narration que le personnage principal qui l’avait
frappé, et a imaginé en contrepoint une héroïne calquée sur
les grands personnages de nüxia de la littérature
classique.
Un opéra peu connu
L’opéra dont il est parti est une œuvre peu connue
du répertoire de l’opéra de Pékin : « Le mendiant
ivre » (《酒丐》 jiǔgài),
écrit par Ye Shengzhang (叶盛章).
Né à Pékin en 1912 et mort en 1966, celui-ci était
aussi acteur, spécialisé dans les rôles –
normalement secondaires - de chou, et plus
particulièrement de chou guerriers ou
wuchou (武丑),
généralement des personnages de héros redresseurs de
tort, du genre xia (侠).
C’est
ce type de rôle qui est au centre de son opéra,
évidemment écrit sur mesure pour lui.
Située sous la dynastie des Ming, l’histoire est
celle, assez classique, d’un couple séparé par la
méchanceté et les troubles de l’époque, et réunis in
fine grâce à l’intervention d’un héros valeureux.
Ce héros s’appelle Fan Dabei (范大杯) :
grand buveur, il est au départ le « mendiant ivre »
du titre – son nom est d’ailleurs un sobriquet qui
L’affiche française,
avec l’image mythique de Cheng Peipei
signifie « Fan le grand verre »… Par ailleurs, le lettré
Wen Kui (文魁)
veut épouser une courtisane du nom de Lan Niang, ou Orchidée
(兰娘) ;
mais, comme il doit d’abord aller à la capitale passer les
examens impériaux, il la confie avant de partir à la
tenancière de la maison close où elle travaillait.
Une vieille édition de
l’opéra
Mais celle-ci est une mégère qui veut forcer
Orchidée à reprendre ses anciens clients : comme la
jeune femme refuse, elle l’empoisonne et se
débarrasse de son corps dans un terrain vague. Elle
est sauvée par Fan Dabei qui arrête de boire pour
l’occasion et se charge de l’emmener à WenKui.
L’histoire se complique quelque peu car l’oncle
maternel de celui-ci doit partir en campagne pour
éliminer une bande de brigands – chose courante sous
les Ming. Sa fille Cui’e (翠娥)
est enlevée par les brigands et emprisonnée dans
leur repaire, en pleine montagne. Il faut donc que
Fan Dabei aille
d’abord la sauver avant de pouvoir réunir Wen Kui et
Orchidée.
King Hu n’a pas gardé grand-chose de cette histoire :
il est passé d’une histoire d’amour contrarié à une histoire
de wuxia assez classique.
Il a construit son scénario (3) autour du personnage de Fan
Dabei, mais complètement repensé.
Un scénario totalement différent
Le fils d’un général, Zhang Buqing (张步青),
est capturé par une bande de brigands pour être
échangé contre le chef de la bande. Sa sœur,
Zhang Xiyan (张熙燕),
surnommé Hirondelle d’or (金燕子),
est envoyée pour sauver son frère. Formée aux arts
martiaux depuis l’enfance, c’est une adversaire
redoutable. La première rencontre, dans une auberge,
tourne au bain de sang à son avantage.
Un mendiant du nom de
Fan Dabei
(范大悲),
surnommé « le chat ivre » (醉猫)
pour son amour de la bouteille, l’aide à éviter
d’être elle-même enlevée et la renseigne – par une
habile chanson-puzzle - sur l’endroit où se sont
réfugiés les bandits : un monastère bouddhiste.
Déguisée en femme venant prier, l’Hirondelle d’or
pénètre dans le temple et
Ye Shengzhang dans le
rôle du mendiant
affronte l’homme qui a pris son frère en otage, surnommé
Tigre à face de jade (玉面虎).
Mais elle est blessée par une flèche empoisonnée et
s’échappe de justesse.
Zhan Zhao, le chat
impérial
Elle est sauvée par Fan Dabei ; alors qu’elle se
remet de sa blessure, il lui révèle qu’il est en
fait un maître d’arts martiaux et le chef d’une
société secrète. Quant au monastère, il est dirigé
par un moine pervers qui est aussi un maître
redoutable d’arts martiaux et s’est allié avec les
bandits :
Liao Kung
(了空大师).
Il a eu en fait le même maître que Fan Dabei, mais
l’a tué pour lui succéder ; or, en mourant, le
maître a confié à Fan Dabeile symbole de son
pouvoir, un bâton de bambou, et l’autre s’efforce
depuis lors de le récupérer.
Fan Dabei hésite cependant à affronter Liao Kong,
d’abord parce que celui-ci est un adversaire
dangereux, mais surtout parce que c’est lui qui a
persuadé leur maître d’admettre Fan Dabei comme
disciple alors que celui-ci n’était qu’un misérable
orphelin.
Pour libérer Zhang Buqing, Fan Dabei organise un échange de
prisonniers. Mais, une fois le fils du général libéré, il
s’oppose à la libération du chef des bandits. Quand les
soldats le ramènent en prison, les bandits attaquent
l’escorte. L’Hirondelle d’or les affronte à la tête d’une
escouade de guerrières. Mais le combat final est entre
Liao Kong et
Fan Dabei…
Au final : un film qui révolutionne le genre du wuxia tout en
en reprenant les éléments fondamentaux
Le traitement du scénario montre déjà l’esprit dans lequel
King Hu a abordé son sujet : l’histoire elle-même devait
être la plus simple possible afin de mettre en relief ce qui
était pour lui le plus important, la manière dont elle était
filmée. Ce sont donc les aspects stylistiques qui ont fait
l’objet essentiel de sa recherche. Mais la narration est
habilement construite pour offrir une intrigue classique et
une somme de codes propres à captiver un public pour lequel
le wuxia était un genre connu et très populaire.
Ancrage dans la tradition, mais avec des originalités
1. Le scénario de King Hu reprend
les grands thèmes des histoires classiques de
wuxia : lutte contre des bandits avec
enlèvements et prises d’otages - thème récurrent
provenant du modèle qu’est le roman « Au bord de
l’eau » (《水浒传》),
fidélité au maître et fraternité d’armes, lutte pour
la suprématie dans le monde des arts martiaux, et
lutte, finalement, entre le bien et le mal…
Le scénario
réussit cependant à être original, en particulier
grâce au lien ambigu
L’hirondelle d’or
devant l’auberge
qui lie Fan Dabei à
Liao Kong, et qui l’empêche initialement d’affronter
directement celui qui a pourtant éliminé leur maître pour
tenter de prendre sa place.
Ce personnage de Fan Dabei, par son surnom de « chat ivre »
(醉貓),
renvoie par ailleurs à un grand classique de la littérature
de wuxia, où apparaissent des personnages dont les
surnoms sont des rats et des chats. Il s’agit du roman de
Shi Yukun (石玉昆)
publié en 1879, « Les trois redresseurs de tort et
cinq justiciers » ou Sanxia wuyi (《三侠五义》).
L’un des sept héros du titre est Zhan Zhao (展昭),
surnommé « Le héros du sud » ; ayant entendu parler de ses
prouesses, l’empereur demande à le voir ; impressionné, il
s’exclame : ce n’est pas un homme, il est aussi agile que
mon chat ! Le surnom lui resta : « Chat impérial » (御貓).
Scène de l’auberge :
tension dans le regard
C’est le caractère d’ivrogne de
Fan Dabei qui
lui assurera une longue descendance : le trait sera
repris, le plus souvent sur le mode comiquelancé par
Jackie Chandans « Drunken Master » (《醉拳》)
de Yuen Woo-ping, en 1978 ; le « zuiquan » (醉拳),
ou « drunken fist », du titre chinois est devenu un
style particulier d’arts martiaux, basé sur
l‘imitation des gestes d’un ivrogne. En
2002, la série télévisée « Drunken Hero » a repris le
titre chinois du film de King Hu : la référence est
claire.
Mais la grande innovation de King Hu, c’est le personnage
central de l’héroïne féminine,
l’Hirondelle d’or (金燕子),
alors que
Chang Cheh (张彻),
au même moment, construisait au contraire ses films sur des
personnages exclusivement masculins, et des intrigues
violentes reposant sur des mécanismes de revanche. Même
quand il tournera une suite au film de King Hu, quand
celui-ci sera parti à Taiwan, l’Hirondelle d’or sera
détrônée au profit de son homologue masculin.
Chang Cheh
annonce le virage vers le kung-fu ; King Hu, lui, reste
fidèle à l’esprit de l’une des plus anciennes traditions du
wuxia. Les nüxia (女侠)
sont en effet apparues dans les chuanqi des Tang, à la
fin du 8ème siècle, au lendemain d’une époque
troublée – la révolte d’An Lushan (安史之乱)
– alors que l’on voulait croire à des puissances occultes
salvatrices. Les premiers modèles de
l’Hirondelle d’or sont là : ce
sont Nie Yinniang (聶隱娘)
et Hongxian (红线).
Quand on voit
l’Hirondelle d’or sortir ses deux petites dagues de ses
bottes, on pense en particulier à la première, dont le
chuanqi décrit avec précision la dimension des deux
lames qu’elle utilisait habituellement (4).
Révolution thématique, stylistique et technique
« L’hirondelle d’or »a tellement choqué
RunRun Shaw (邵逸夫),
son producteur, qu’il pensa – selon
Cheng Pei-pei -
détruire le film. King Hu s’y est en effet livré à
des innovations thématiques, stylistiques et
techniques qui représentent une véritable révolution
pour un genre dont les principaux thèmes, au cinéma,
ont été fixés lors de la première vague de films de
wuxia, à Shanghai, à la fin des années 1920.
1.
King Hu introduit dans ce film des scènes qui
vont devenir des éléments récurrents des films de
wuxia à venir, les siens et ceux d’autres
réalisateurs, dont deux essentielles : le combat
dans le monastère et la scène de l’auberge.
Le monastère a, dès les origines, été un lieu
privilégié dans les films de wuxia, depuis
« L’incendie
du temple du Lotus rouge » (《火烧红莲寺》),
de Zhang Shichuan (张石川),en
1928. Déjà, dans ce film, le monastère était
l’endroit où était détenu un commandant retenu en
otage, et dont le film racontait le
Scène de l’auberge :
le “chat ivre” (Yueh Hua) et “l’hirondelle d’or”
(Cheng Pe-ipei)
sauvetage. De lieu de rencontre
entre jeune lettré et jeune fille à marier dans
« La
rose de Pushui » (《西厢记》),
le monastère est devenu lieu d’influences maléfiques, et
King Hu s’inscrit dans cette tradition.
Scène de l’auberge :
le chef des bandits (Li Yun-chung)
Quant à la scène de l’auberge au début du
film, elle préfigure le rôle emblématique que va
tenir l’auberge dans les films de wuxia, à
commencer par le film suivant de King Hu,
« Dragon
Gate Inn » (《龙门客栈》):
monde
plus ou moins clos, aux confins du désert, où se
croisent et s’affrontent des personnages de tous
bords et toutes origines, image du jianghu (江湖),
le « pays des fleuves et des lacs », sorte de
maquis en retrait du monde où œuvrent les
redresseurs de tort, et dont
le modèle vient – à nouveau - du roman « Au bord de l’eau »
(《水浒传》).
Cette scène de l’auberge est aussi un chef d’œuvre de mise
en scène où
King Hu a mis en œuvre les raffinements
stylistiques qui représentent son apport le plus novateur au
genre du wuxiapian.
2. C’est en effet sur l’aspect stylistique et
technique que
King Hu a concentré le plus important
de ses efforts, pour traduire sa vision fondamentale
du wuxia comme spectacle, et spectacle
dérivé de l’opéra.
Il avait été élevé dans l’amour de l’opéra par un
grand-père qui en était un fin connaisseur, et il a
commencé sa carrière comme assistant de
Li Han-hsiang (李翰祥)
qui était le grand spécialiste des adaptations
d’opéras. Il a raconté qu’il passait de longs
moments, dans son
Le traître (Chen
Hung-lieh, en blanc)
enfance, plongé dans la lecture de bandes dessinées qui
étaient des adaptations d’opéras et d’histoires de wuxia.
La troupe des petits
mendiants
Dérivé de l’opéra, « L’Hirondelle d’or » est un
spectacle stylisé : stylisation des combats, mais
aussi des caractères principaux, chaque personnage
apparaissant comme un « rôle type »,et souvent
« masqué », comme à l’opéra : les principaux
personnages ont une identité cachée, l’Hirondelle
d’or se révèle être, non un homme, mais une
redoutable guerrière, le « mendiant ivre » est en
fait un maître d’arts martiaux, Liao Kong est un
moine traître, qui a tué son maître ;
quant au Tigre à face de Jade (玉面虎),
il apparaît fardé et vêtu de blanc, couleur de la traîtrise
et de la malignité à l’opéra….
Pour exprimer sa vision esthétique, King Hu a utilisé toutes
les ressources que lui offraient, en particulier, la
chorégraphie, les mouvements de caméra, le montage et le
nouveau format du cinémascope mis au point à la Shaw
Brothers.
- La chorégraphie des combats est directement
dérivée de la gestuelle de l’opéra traditionnel
chinois, et en particulier de l’opéra de Pékin. Ils
ont été réglés, etstylisés comme une danse, par un
chorégraphe,
Han Ying-Chieh (韩英杰),
qui apparaît au générique, pour la première fois. Le
choix de l’actrice principale,
Cheng Pei-pei (郑佩佩),
a été dicté – selon ses propres dires – par le fait
qu’elle avait une formation de danseuse et le brio
naturel propre au rôle.
Liao Kong
King Hu ne connaissait pas grand-chose aux arts martiaux, et
le combat était pour lui une scène visuelle, amenée par une
scène préalable créant une tension. Une grande partie de son
art est dans la maîtrise de cette séquence
tension-résolution de la tension par le combat. Mais ses
combats ont aussi une valeur narrative, car ils régulent
l’action. Ils sont donc parfaitement intégrés dans le film
(5).
- Les combats sont par ailleurs rythméspar les percussions
de l’opéra, et ce rythme de percussions est aussi celui qui
a présidé au montage. Il s’agissait pour King Hu de
créer par ce biais une dynamique sans recours aux effets
spéciaux car il voulait avant tout éviter l’artificiel. Il y
est parvenu par une subtile combinaison de coupes et montage
nerveux, donnant un rythme très rapide basé sur la
perception d’une partie seulement de l’action, ce que David
Bordwell a appelé « the glimpse » (6). L’œil perçoit des
bribes de l’action, brièvement entrevues, et l’esprit
reconstitue la totalité.
Le “chat ivre” en
action
Mais, pour cela, King Hu décomposait soigneusement
l’action en éléments essentiels. Le meilleur exemple
se trouve dans la scène de l’auberge, au début du
film. L’action est scindée en séquences très rapides
attaque-défense-attaque, dont il ne nous est donné à
voir que l’élément clef de départ et son résultat,
en le coupant du déroulement intermédiaire. Les
mouvements en paraissent d’autant plus nets et
efficaces.
- Ces techniques sont alliées à une utilisation de
mouvements de caméra spécifiques, et à un décentrage subtil
de l’image, dont n’apparaît parfois qu’une minuscule partie,
dans un coin, comme dans un tableau traditionnel où le
peintre ménage du vide pour aérer sa toile et créer l’espace
nécessaire au travail de l’esprit, pour faire apparaître
l’essence des choses derrière les apparences.
- Dans le même ordre d’idées, King Hu a utilisé les
ressources offertes par le nouveau format de cinémascope
que développait au même moment à la Shaw Brothers le
photographe, et chef opérateur du film, recruté au Japon :
Tadashi Nishimoto.
C’est lui qui a sensibilisé les réalisateurs du studio à son
utilisation, à commencer par Li
Han-hsiang (李翰祥)
pour « L’impératrice Wu Zetian » (《武则天》) en
1963. Le Shawscope a permis à King Hu de saisir en longs
plans des paysages qui apparaissent comme des peintures de
shanshui. Ces plans arrivent à point nommé pour aérer
la progression narrative et relâcher la tension, en
introduisant une paisible pause poétique.
Narration, mise en scène et maîtrise stylistique sont enfin
complétés par de remarquables interprètes.
Interprétation symbolique
Le film fera de la jeune
Cheng Pei-peil’emblème des héroïnes martiales des films de
wuxia ; malheureusement, elle tournera
ensuite avec des réalisateurs de moindre calibre,
car elle ne put suivre King Hu lorsqu’il partit à
Taiwan pour tourner son film suivant, étant sous
contrat avec la Shaw Brothers. Mais elle restera un
modèle du genre.
A ses côtés, dans un double rôle de composition,
Yueh Hua (ou Elliot Ngok) (岳华)
apparaît comme le véritable héros du
Scène typique de
combat
film. Né à Shanghai de parents d’origine cantonaise, et
arrivé en 1952 à Hong Kong, il a commencé sa carrière
cinématographique à la Shaw Brothers en 1965. Le « mendiant
ivre » est son premier grand rôle. On le retrouvera dans les
principaux films de Chor Yuen (楚原)
à partir de
« Clans
of Intrigues » (《楚留香》)
en 1976.
Parmi les autres rôles, signalons Chen Hung-lieh
(陈鸿烈)
dont le regard torve et la superbe interprétation du Tigre à
face de Jade lui valurent de tourner dans des rôles de
traître et de méchant pour le restant de sa carrière, le
chorégraphe
Han Yin-chieh
(韩英杰)
qui apparaît sous les traits du bandit au visage marqué
d’une cicatrice, ou encore, toujours parmi les bandits,
Ku Feng
(谷峰)
qui deviendra l’un des fidèles de
Chang Cheh.
Décor féérique comme
un tableau
(la retraite montagnar
de de Chat ivre)
Enfin, les petits mendiants chanteurs sont des
enfants formés à l’opéra, dont certains auront des
carrières prestigieuses, comme Yuen Biao (元彪),
né en 1957, l’un des membres du groupe des « sept
petits prodiges » (七小福)
dont firent aussi partie Jackie Chan et Sammo Hung ;
Ching Siu-tung
(程小东),
le petit moine blessé à l’œil au début du film,
deviendra chorégraphe, en particulier avec
Tsui Hark, et
réalisateur ; et Mars (火星),
ami de Jackie Chan, deviendra cascadeur et directeur
d’action dans ses films à partir de 1980.
« L’Hirondelle d’or » apparaît à tous points de vue comme un
film novateur et précurseur, où King Hu a su renouveler le
film de wuxia en en reprenant certains des thèmes les
plus courants, mais approfondis et reformulés à la mesure de
son immense culture. Il aura des émules, mais peu
atteindront son niveau artistique.
Le film le fâcha cependant avec
Run Run Shaw dont l’objectif
principal était alors de cadrer les budgets afin d’optimiser
les résultats du studio. King Hu claqua la porte de la Shaw
Brothers et partit à Taiwan pour tenter de trouver plus de
liberté de création…
Le film (en chinois non sous-titré)
Note sur les trois chansons
- la première chanson de Fan Dabei et des petits mendiants
est une ancienne mélodie populaire du répertoire du quyi
(曲艺),
Lianhua lao (《莲花落》)
: minute 29’09
C’est effectivement une chanson qui était à l’origine
interprétée par des groupes des mendiants pour gagner des
oboles, comme dans le film, avec un adulte comme voix
principale et les enfants lui répondant en chœur, en
s’accompagnant aux claquettes.
- la deuxième chanson pourrait être le thème du film : elle
chante la nécessité de lutter contre les brigands.
- la chanson-rébus indiquant le caractère du monastère est
chantée sur une très belle mélodie que l’on retrouve dans le
film comme thème récurrent : minute 35’35
Notes
(1) Le titre français reprend le surnom de l’héroïne du
film ; le titre anglais, « Come Drink With Me », n’a pas
grand sens, mais tente un rapprochement avec le titre
chinois qui renvoie, lui, au surnom du personnage qui
apparaît comme le véritable personnage principal, le
« mendiant ivre ».
(2) Le film avait
été présenté grâce à Pierre Rissient. Il faut signaler le
travail d’Olivier Assayas et Charles Tesson sur le cinéma de
Hong Kong ; ils ont été les initiateurs du numéro spécial
des Cahiers du cinéma « Made in Hong Kong » (n°362 363),
sorti en septembre 1984. Mais le numéro ne comporte qu’un
entretien de King Hu, par Olivier Assayas, qui semble comme
une simple introduction au reste des articles. King Hu reste
encore, à l’époque, largement méconnu. Sommaire :
Il faut dire que ses films étaient difficiles à trouver, en
raison de la dispersion des studios où King Hu les avait
réalisés, et les copies n’étaient pas toujours très bonnes.
(3)
Conçu avec deux coscénaristes,
Er Yang (ou Ye Yang) (尔羊)
et Yi Cheung (张仪),
dont on ne sait trop quels sont les apports respectifs.
(5) Il y a dans le film une véritable séquence musicale,
c’est celle du chant du « chat ivre », dans la première
partie (voir note ci-dessus), mais là encore, elle a une
fonction dans la narration : elle sert à la progression de
l’action car elle doit indiquer à l’Hirondelle d’or, sous
forme allusive, le lieu où se trouvent les bandits qui
détiennent son frère.
(6) Voir la Note sur les recherches stylistiques de King
Hu, à la fin de la
présentation de King Hu.
Analyse réalisée pour la
présentation du film à l’Institut Confucius de l’université
Paris Diderot, le 6 mars 2014, dans le cadre du cycle
Littérature et Cinéma.