Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Films

 
 
 
     
 

« Monk Comes Down the Mountain » : un wuxiapian original, signé Chen Kaige

par Brigitte Duzan, 13 juillet 2015

 

C’est en novembre 2013, plus d’un an après la sortie de « Caught in the Web (《搜索》), que Chen Kaige a officiellement annoncé que son prochain film serait… un wuxiapian, et qu’il serait adapté du premier roman de Xu Haofeng (徐浩峰), publié en 2007 : « Un moine taoïste descend de la montagne » (《道士下山》) [1].

 

Xu Haofeng est le spécialiste du roman de wuxia moderne, dont il a signé la véritable renaissance, avec ce roman justement. Il est aussi scénariste – il a cosigné le scénario de « The Grandmaster » (《一代宗师》)

de Wong Kar-wai – et il est également passé derrière la caméra, pour adapter ses propres œuvres.

 

C’est donc une œuvre de référence, en quelque sorte, que Chen Kaige a choisi d’adapter, et il s’est donné les moyens pour réussir, tant du point de vue du scénario, pour commencer, que des interprètes, de l’équipe et des moyens techniques. Le film est grand public certes, avec des partis pris simplistes et des clins d’œil

 

L’affiche pour la sortie en Chine avec dans le bas le thème :
一门之隔. 两个世界 deux univers séparés par une porte

appuyés qui auraient pu être évités, mais l’ensemble est tellement bien enlevé, par les acteurs, en particulier, que l’on a du mal à  bouder son plaisir.

 

Le succès du film au box office à sa sortie en Chine et à Taiwan a montré que Chen Kaige a réussi son pari de réintéresser le grand public au wuxia, en misant sur une approche décalée du genre, qui n’était plus à la mode.

 

Un bon travail d’adaptation

 

Le premier atout du film est son scénario, signé Chen Kaige et Zhang Ting (张挺), et ce n’était pas chose facile d’adapter le roman. Si les grandes lignes et les principaux personnages sont les mêmes, le ton général et la construction de l’ensemble sont différents.

 

Un jeune moine (taoïste) découvre le monde

 

Wang Baoqiang dans le rôle de He Anxia

 

Le film, comme le roman, se passe pendant la période troublée des années 1930, quand les seigneurs de guerre faisaient régner la terreur et le chaos un peu partout. Le supérieur d’un monastère taoïste désespère de pouvoir continuer à nourrir tous les moines ; il organise alors une compétition d’arts martiaux pour déterminer le meilleur. C’est le jeune moine He Anxia (何安下) qui en sort vainqueur, sur quoi, étant le plus fort,

c’est lui qui doit aller affronter le monde extérieur, en « descendant de la montagne ».

 

A son départ, le supérieur lui recommande de toujours faire la différence entre le bien et le mal, et de rester fidèle à lui-même et aux principes qu’il lui a enseignés. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire, car le monde où débarque le jeune moine est plein de dangers et de pièges.

 

Il a en fait, apprend-on un peu plus tard, été abandonné et recueilli par le vieux moine qui a

 

Wang Baoqiang, entre wuxia et comédie

depuis lors « cherché où le poser » : c’est ce que signifie le nom qu’il lui a donné. C’est l’une des premières clés de lecture du film : il s’agit d’une histoire d’apprentissage, apprentissage de la vie et quête de sa place dans le monde, qui se fait au gré de rencontres diverses, comme souvent dans les films de wuxia.

 

Fan Wei dans le rôle de Cui Daoning

 

La première personne que rencontre He Anxia est le docteur Cui Daoning (崔道宁) qui le prend comme apprenti. Mais Cui Daoning a une femme très belle, qui, apparemment, le trompe avec son jeune frère, l’apothicaire Cui Daorong (崔道融). Autre thème classique du wuxia, Anxia le venge.

 

Après avoir vengé son premier maître, il fait la connaissance de Peng le 7ème (彭七子), et ils vont ensemble voler de l’argent au temple. Mais ils sont rossés par l’expert en arts martiaux Zhou Xiyu (周西宇) qui est le balayeur du temple. Plein d’admiration pour sa technique d’attaque dite « du singe » (猿击术), He Anxia le prend pour maître. Or il est recherché, et finalement tué, pour éliminer un dangereux rival….

 

Pour venger Zhou Xiyu, He Anxia va alors trouver maître Cha (查老板), acteur d’opéra spécialisé dans les rôles martiaux.

Cha se souvient de sa rencontre en pleine bataille avec Zhou Xiyu, avec lequel il est ensuite parti dans une retraite pour se perfectionner ; finalement il venge Zhou Xiyu en tuant son meurtrier et il emmène He Anxia avec lui dans la montagne…

 

Tout ceci pour donner une idée –schématisée - de la complexité d’un scénario qui abonde de personnages secondaires, derrière chaque personnage principal, mais qui est bien plus cohérent que le roman.

 

Un travail appréciable de construction narrative

 

1. Le roman est une histoire complexe et confuse dont il était très difficile de tirer une narration cohérente et plus ou moins claire. Les scénaristes se sont attachés d’abord à faire ressortir un fil narratif principal autour du personnage de He Anxia, en liant entre eux les personnages qu’il rencontre. Chacun des personnages principaux constitue donc une ligne narrative, les différentes lignes narratives étant reliées par un détail, souvent, du passé des personnages. 

 

C’est ainsi que l’acteur d’opéra Cha a, dans le film, un passé

 

Lin Chi-ling, épouse de Cui Daoning

commun avec Zhou Xinyu, qui lui donne une raison de vouloir le venger, ce qui n’est pas le cas dans le roman. Dans celui-ci, Cha est lui-même un personnage tragique, et c’est He Anxia qui l’aide à se venger… Le personnage est sans doute plus riche, mais au détriment de la cohérence du récit.

 

Par ailleurs, le roman abonde de personnages secondaires plus ou moins fantastiques ou bizarres, comme des ninjas japonais, qui ont été supprimés dans le scénario.

 

2. Par ailleurs, les scénaristes ont changé l’approche et le ton du roman. Ainsi, dans celui-ci, le petit moine quitte le monastère en cachette parce qu’il ne supporte plus la solitude dans la montagne, non parce que le monastère ne peut plus le nourrir. Le choix des scénaristes est bien plus conforme à la logique historique. Pourtant Xu Haofeng, qui n’a pas participé à l’écriture du scénario car il était occupé à la postproduction de son troisième film [2], a ouvertement critiqué le scénario sur ce point, trouvant que les scénaristes avaient ainsi supprimé un important aspect spirituel.

 

Aaron Kwok dans le rôle de Zhou Xiyu, le balayeur du temple

 

3. Le scénario comporte cependant des éléments artificiels irritants. Ainsi, au milieu de ses pérégrinations, He Anxia va consulter un moine bouddhiste pour qu’il lui donne des conseils ; ses propos sonnent remarquablement creux. De la même manière, l’histoire est commentée par une voix de

 

Wang Xueqi en moine bouddhiste

 

narrateur anonyme dont le ton didactique a quelque chose des documentaires officiels.

 

C’est dommage, car l’originalité du film tient à l’humour avec lequel est présentée cette histoire de wuxia qui ressemble plutôt à un pastiche de wuxia traditionnel. Le choix des acteurs n’y est pas pour rien ; ceux qui interprètent les rôles principaux sont les meilleurs comédiens du moment en Chine.

 

Interprétation, chorégraphie et photographie

 

Le choix central, et celui qui a déterminé le ton du film, c’est celui de Wang Baoqiang (王宝强)  pour interpréter le rôle de Ha Anxia. Mais c’est un Wang Baoqiang qui a délaissé les pitreries de « Lost in Thailand » (《泰囧》) pour un rôle de composition où il a l’occasion de déployer tout son talent.

 

C’est son duo avec Fan Wei (范伟), dans le rôle de Cui Daoning, qui ouvre le film et lui donne dès le départ un ton ironique, après la séquence introductive dans le monastère. On ne peut s’empêcher de penser au premier film qui les a réunis, en 2004 : « A World Without Thieves » (《天下无贼》) – c’était un film de Feng Xiaogang (冯小刚), le clin d’œil et la référence ne sont pas anodins.

 

Chang Chen dans le rôle de l’acteur d’opéra Chalaoban

(rappel de Touch of Zen)

 

Jaycee Chan lui-même, dans le rôle de Peng le 7ème (彭七子), apporte une touche décalée complémentaire. Son rôle n’est pourtant pas noté au générique, il est déjà miraculeux que les séquences avec lui n’aient pas dû être coupées : juste avant la sortie du film, il a été interpellé et jugé pour consommation de drogue…. [3]

 

Le chorégraphe des combats Ku Huen-chiu

 

Face à ces comédiens, les acteurs de Hong Kong et Taiwan comme Aaron Kwok (郭富城) et Chang Chen (张震) sont là comme symboles des films d’action traditionnels – Chang Chen en particulier. Et leurs combats sont superbement chorégraphiés et photographiés. C’est un autre élément qui fait beaucoup pour la réussite du film.

 

La chorégraphie est signée du Hongkongais Ku Huen-chiu (谷轩昭) qui a commencé comme cascadeur, puis a longtemps été l’assistant de Yuen Woo-ping. Sa chorégraphie est donc dans la même ligne et reste classique même si elle est imaginative. Elle est en outre très bien filmée.

 

La photographie est de l’Australien Geoffrey Simpson, ce qui est plus inattendu [4].

 

Les acteurs et les personnages interprétés :

 

Le jeune moine He Anxia 小道士何安下     Wang Baoqiang 王宝强

Cui Daoning 崔道宁                               Fan Wei  范伟        

Son épouse                                          Lin Chi-ling 林志玲

Zhou Xiyu 周西宇                                  Aaron Kwok 郭富城

Chalaoban 查老板                                 Chang Chen 张震

Le vieux maître taoïste 老道士                Li Xuejian 李雪健

Le moine bouddhiste 老和尚                   Wang Xueqi 王学圻

Peng le 7ème 彭七子                                     Jaycee Chan 房祖名

Peng Qianwu 彭乾吾                             Yuan Hua (Wah) 元华     

Cui Daorong 崔道融                              Vaness Wu 吴建豪

Cui Daoyong 崔道勇                              Wang Zhifei 王志飞

Cui Sunuo 崔思诺                                 Yan Bingyan 颜丙燕

Le vieil officiel 老管事                           Hou Tongjiang 侯桐江

 

Production

 

Le film est coproduit par Columbia Pictures qui a déjà une longue histoire de production en Chine, depuis sa collaboration avec Ang Lee pour « Tigre et dragon » (《卧虎藏龙》) en 2000 et avec Stephen Chow en 2004, pour un film qui a quelques points communs avec « The Monk », « Kungfu Hustle » (功夫), jusqu’à sa récente collaboration avec Jiang Wen (姜文) pour « Gone with the Bullets » (一步之遥).

 

Mais il faut aussi souligner le rôle important joué par l’épouse de Chen Kaige, et productrice du film : Chen Hong (陈红).

 

Travail sur la photo (cadrage, miroir,

couleurs, éclairage, accessoires)

Dans ses déclarations, Chen Kaige a bien mis l’accent sur leur collaboration dans la réalisation/production du film. En ce sens, on peut voir en eux aussi les « deux mondes », séparés peut-être par une porte, mais parfaitement complémentaires, du slogan promotionnel du film (一门之隔. 两个世界).

 

« Monk » est distribué en Chine continentale par New Classics Media, et dans le reste du monde, y compris Hong Kong et Taiwan, par Sony Pictures Releasing International (SPRI). Le film a été un immense succès lors de sa sortie tant en Chine qu’à Taiwan, début juillet, et il alimente depuis lors des discussions animées sur les forums internet.

 

Symbolique ?

 

Une question, enfin, que l’on ne peut manquer de se poser, vu la teneur satirique du film, concerne une éventuelle symbolique derrière l’épopée pseudo-picaresque du jeune moine He Anxia.

 

Sa nécessaire « descente de la montagne » et les péripéties de son arrivée dans le monde « d’en bas » ne sont pas sans rappeler la situation du réalisateur devant affronter aujourd’hui la nécessité d’une « descente » dans le monde commercial et le chemin semé d’embuches qui l’attend ce faisant.

 

Quoi qu’il en soit, après une longue période de tâtonnements et de films médiocres, Chen Kaige s’affirme à nouveau comme l’un des réalisateurs chinois les plus inventifs du moment, confirmant ce qu’avait laissé présager « Caught in the Web » il y a trois ans.

 

Inventif dans la limite des énormes contraintes commerciales qui sont celles du cinéma chinois aujourd’hui.

 

Bande annonce

 

 


 

[1] La réalisatrice Yin Lichuan (尹丽川) avait déjà présenté un projet d’adaptation du roman, au festival de cinéma de Shanghai, dans la section Pitch and Catch, en juin 2009, mais le budget, évalué à quelque trois millions de dollars, n’avait pas trouvé de financement.

[2] C’est du moins la raison donnée.

[3] Lors de la conférence de presse pour la sortie du film, la productrice (et épouse de Chen Kaige) Chen Hong (制片陈红) a déclaré que cette affaire a fait beaucoup de mal au film (une seule personne peut ruiner un film !一个人,毁了一部片子!”). La promotion du film a en effet dû être écourtée, et n’a pu commencer qu’un mois avant la sortie. Feng Xiaogang a exprimé son soutien à Chen Kaige sur weibo. Jaycee Chan, lui, a exprimé son profond regret….

[4] Voir sa « carte postale » du tournage : www.cinematographer.org.au/cms/page.asp?ID=21424

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu