En novembre 2014, lors de la 51ème
édition du festival du Golden Horse, à Taipei,
l’acteur taïwanais Tien Feng (田丰)
s’est vu décerner un prix venant récompenser
l’ensemble de sa carrière (金马终身成就奖).
Alors que le prix lui était remis par un autre
acteur de la même génération avec lequel il a
souvent joué, Sun Yueh (孙越)
[1],
Tien Feng a exprimé son émotion en quelques mots :
« Je suis arrivé en 1949 à Taiwan, j’y ai commencé
ma carrière et y suis resté dix ans… Cheval d’or,
cher Cheval d’or, que j’ai attendu cinquante ans et
qui m’est décerné alors que j’en ai
quatre-vingt-sept !… »
Tien Feng est en effet un acteur célèbre dont la
carrière est un condensé d’un demi-siècle d’histoire
du cinéma de Hong Kong et de Taiwan. Il a
joué dans quelque 120 films, dont une grande partie
dont des films de wuxia et de kungfu.
On le
Tien Feng
retrouve jouant avec les grands réalisateurs d’une époque
puis de l’autre, et l’évolution des personnages qu’il a
interprétés reflète celle des genres cinématographiques en
vogue.
Remise du prix
décerné pour l’ensemble de sa carrière au 51ème festival du
Golden Horse, en novembre 2014
1949 : Taiwan
Tien Feng est
né en juin 1928 à Zhengzhou, dans le Henan (河南郑州).
Pendant sa scolarité, il s’intéresse au théâtre et
participe aux activités théâtrales de son école.
Mais, en 1949, ses parents s’enfuient à l’approche
des Communistes, et Tien Feng arrive à 21 ans à
Taiwan.
C’est cette même année qu’il débute au cinéma, dans
le premier film écrit et réalisé par
Chang Cheh
(张彻) :
« Alishan dans la tourmente » (《阿里山风云》).
C’est le premier film en guoyu (国语)
réalisé à Taiwan après la fin du régime colonial
japonais.
Dans Alishan dans la
tourmente, 1949
Il tourne une dizaine de films, puis, en 1960, part à Hong
Kong où il est engagé par le studio des Shaw Brothers.
1960-1985 : Hong Kong
Opéras
Dans L’histoire de Sue
San, 1964
Il arrive à Hong Kong au moment de la vogue des
films d’opéra.
L’un des premiers films où il joue est « The
Magnificent Concubine » ou Yang Guifei (《杨贵妃》),
réalisé par nul autre que
Li Han-hsiang (李翰祥),
et présenté au festival de Cannes en mai 1962.
L’année suivante, en 1963, il retrouve Chang Cheh
dans « The Butterfly Chalice » (《蝴蝶杯》),
une adaptation d’un opéra huangmei.
Liu Bingyi (刘秉义),
l’un des deux magistrats que Wang Jinlong appelle en
renfort au tribunal pour le jugement de Su San.
En 1965,
Yue Feng (岳枫)le
choisit pour jouer, dans « The Lotus Lamp » (《宝莲灯》),
le rôle du dieu Er Lang (二郎神)
aux côtés de Lin Dai (林黛),
et
Cheng Pei-pei (郑佩佩)
dans l’un de ses premiers rôles.
Wuxia
Mais la mode est en train de changer. En 1965,
Chui Chang-wang (ou Hsu Tseng-hung
徐增宏)
intègre la Shaw Brothers et signe l’un des films
précurseurs de la vague de wuxiapian : « The
Temple of the Red Lotus » (《江湖奇侠》)
[2],
puis la suite,
Dans The Lotus Lamp,
1965
« Twin Swords » (《鸳鸯剑侠》),
qui sort à la fin de l’année. Tien Feng interprète dans les
deux films le
Dans The One Armed
Swordsman, 1967
rôle de Dragon Jin.
Il participe ensuite à la grande vague de
wuxiapian produits par la Shaw Brothers, dont
les grands classiques : en 1967, il interprète le
rôle du maître Qi Rufeng (齐如峰)
dans « The One-Armed Swordsman » (《独臂刀》)
de
Chang Cheh (张彻)
et, en 1969, le rôle de Ling Hsu (l’un des « huit
rois ») dans la suite, « Return of the One-Armed
Swordsman », ou « Le bras de la vengeance » (《独臂刀王》). Entre temps, en 1968, il a joué un rôle du même
genre dans « The Magnificent Swordsman » (《怪侠》)
de
Yue Feng.
Tous ces rôles lui valent le surnom d’« acteur en or
de rôles secondaires des films de wuxia de la
Shaw Brothers » (邵氏武侠中的黄金配角).
Kungfu
Le tournant des années 1970 amène la vague du kungfu
avec les premiers films de Bruce Lee. Tien
Feng joue en 1972 dans « Fist of Fury » (《精武门》),
second grand rôle de Bruce Lee après “The Big Boss”
(《唐山大兄》) :
il est Fan Junxia (范先生),
l’élève le plus âgé de l’école Jingwu
(精武馆大师兄).
Dans Fist of Fury,
1972
The Cub Tiger of Kwang
Tung
(Tien Feng en haut à
g. de l’affiche)
Puis, en 1973, il joue dans « The Cub Tiger of
Kwang Tung » (《广东小老虎》),
réalisé par Chu Mu (朱牧) ;
c’est lepremier grand rôle de Jackie Chan,
celui de Xiao Hu ; Tien Feng interprète le rôle de
son père adoptif. Il tournera dans d’autres films
de Jackie Chan comme « Dragon Lord » (《龙少爷》),
en 1982, « Miracles » ou «
Mr. Canton and Lady Rose »
(《奇迹》)
en 1989.
Mais, cette même année 1973, il tourne aussi avec
King Hu
dans « The
Fate of Lee Khan », ou « L’auberge du
printemps » (《迎春阁之风波》) ;
il interprète le rôle du prince mongol Lee Khan,
aux côtés de
Hsu Feng (徐枫)
dans celui de Lee Wan’er.
En 1980, le film de Patrick Tam (谭家明)
« The Sword » (《名剑》)
lui offre le rôle de Hua Qianshu (花千树)
qui clôt, en quelque sorte, cette période de films
de wuxia et de kungfu.
Réalisateur
Pendant ces années 1970, il passe aussi derrière la
caméra pour réaliser deux films qui sont également
des films d’action :
- en
1971 : « The Golden Seal » (《金印仇》)
;
Dans Legend of the
Mountain (à dr.), 1979
- en 1976 : « The Double Double Cross » (《大江南北》),
avec Jimmy Wang.
1985-1995 : rôles de pères
En 1985, Tien Feng approche de la soixantaine, et il
va désormais interpréter des rôles iconiques, de
pères, voire de grands-pères, dans des films des
grands réalisateurs de Hong Kong et de Taiwan.
- 1985 : « Un temps pour vivre, un temps pour mourir
» (《童年往事》),
second volet de la trilogie de l’adolescence de
Hou Hsiao-hsien (侯孝贤)
– rôle du père de Xiao Yan (孝炎的父亲).
- 1986 : « A Better Tomorrow » (《英雄本色》)
de
John Woo (吴宇森)
– rôle du père des deux frères interprétés par Ti
Lung et Leslie Cheung.
Dans A Better
Tomorrow, 1986
- 1990 : « Song of the Exile » (《客途秋恨》)
d’Ann
Hui (许鞍华), avec
Maggie Cheung dans le rôle principal de Cheung
Hueyin – rôle du grand-père de Hueyin, dans le
Guangdong.
A ces rôles s’ajoutent ceux du début des années 2000
dont, en 2004 :
- dans « Love of May » (《五月之恋》),
film taïwanais de Hsu Hsiao-ming (徐小明)
inspiré par le groupe de rock Mayday (五月天) :
rôle de Zhao Geng-sheng (赵更生),
grand-père du personnage principal (赵瑄的祖父) ;
- dans « The Hand » (《手》)
de
Wong Kar-wai,
moyen métrage final de “Eros” : rôle de
maître Jin, aux côtés de Gong
Li (miss Hua) et Chang Chen
dans le rôle de Xiao Zhang, l’élève de maître
Jin.
Il lui faudra attendre encore dix ans pour être
couronné au festival du Golden Horse.
[2]
Le titre fait référence au célèbre film qui avait
lancé la fièvre des films de wuxia à la fin
des années 1920 à Shanghai : « L’incendie du temple
du lotus rouge »《火烧红莲寺》.